La montre de Von Ribbentrop

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Le Palace Theatre de Watford donne « Von Ribbentrop’s watch », une comédie légère et sérieuse qui touche au sujet de l’identité juive aujourd’hui.

La pièce « Von Ribbentrop’s watch », produite par Oxford Playhouse en association avec Watford Palace Theatre, a été initialement diffusée par la chaine de radio BBC4 en 2008. Elle a été écrite par Laurence Marks et Maurice Gran, connus pour leurs « sitcoms » à la télévision. Brigid Larmour, directrice artistique du théâtre de Watford, s’est chargée de cette première mise en scène.

La pièce commence sur le registre de la sitcom, avec le classique antagonisme entre la belle fille Ruth (Gwyneth Strong) et sa belle mère Mrs Roth (Barbara Young), qui se heurtent sur des détails infimes de la vie quotidienne. La famille Roth, Mrs Roth, ses deux fils Gerald et David, Ruth, la femme de Gerald, et Saha leur fille, se prépare à célébrer ensemble la Pâque juive. Du fait de la crise économique, le négoce de vins de Gerald périclite. Lorsque Sasha annonce son intention de se marier à son cousin Simon, fils de David, une dépense imprévue s’annonce au pire moment.

A l’occasion d’une révision de la montre qu’il a héritée de son père, Gerald apprend qu’elle est gravée au nom de Joaquim Von Ribbentrop, le ministre des Affaires Etrangères d’Hitler, l’un des pendus de Nuremberg. Un expert l’a évaluée à plusieurs dizaines de milliers de livres. Des collectionneurs, nostalgiques du nazisme inclus, se l’arracheraient à prix d’or : de quoi remettre les affaires de Gerald sur pied et offrir des noces somptueuses à Sasha ! 

Ruth est une convertie. Mrs Roth ne l’a jamais vraiment considérée comme juive, et l’a toujours psychologiquement exclue de la famille. C’est pourtant une vraie croyante. Elle a appris l’hébreu et s’investit totalement dans la célébration du rite de la Pâque, introduit par la question « pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? » Elle s’oppose violemment à Gerald pour vouloir sauver la situation de la famille avec l’argent des nazis. Le dîner tourne au désastre. Resté seul au salon avec une balayette pour ramasser les débris de vaisselle, Gerald reçoit la visite du spectre de Von Ribbentrop en personne : n’ont-ils pas tant de chose en commun ? Ribbentrop, lui aussi, avait été négociant en vin et avait épousé une héritière… Gerald doute : qui est plus juif, lui qui a hérité du judaïsme, ou Ruth qui s’efforce chaque jour de l’épouser ? A quoi tient-il le plus au monde, au confort de l’argent ou à l’amour de son épouse ?

Et comment la montre de Von Ribbentrop est-elle entrée dans la famille Roth ?

Affiche de la pièce « Von Ribbentrop’s watch ». Après Watford, la pièce sera représentée à Richmond du 5 au 9 octobre et à Salisbury du 12 au 16 octobre.

Britanniques et Français en affaires

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La Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a organisé le 23 septembre un débat sur le thème des relations interculturelles de la France et de la Grande Bretagne dans le monde des affaires.

Peter Alfandary, vice-président de la Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a créé il y a un an un forum pour réfléchir aux différences entre les Britanniques et les Français dans l’approche des affaires. La première manifestation de ce forum fut un débat organisé à la Résidence de France entre Jean-François Decaux, président de Jean-Claude Decaux UK, et Tim Fischer, Country Manager de la Société Générale pour le Royaume Uni. D’un côté un Français installé depuis fort longtemps à Londres ; de l’autre un Britannique travaillant à Londres pour une entreprise française et marié à une Française.

Certaines différences tiennent au mode d’éducation. L’école en France peut être qualifiée de darwinienne : elle vise à sélectionner des individus à l’intelligence supérieure. En Grande Bretagne, on préfère l’encouragement au blâme, le travail en équipe à la concurrence des individus. Dans le monde du travail, un Britannique cherchera le compromis dans un esprit pragmatique ; un Français rédigera des notes lumineuses et s’arc-boutera sur des principes. Un Britannique jugera quelqu’un sur ses compétences et ses réalisations ; pour un Français, sortir premier de Polytechnique reste un avantage professionnel jusqu’à la retraite.

On souligne souvent le côté plus direct des Français, la réticence des Britanniques à exposer leurs sentiments, leur usage systématique de phrases atténuées, « je ne suis pas sûr d’être totalement d’accord avec vous » devant s’interpréter comme « vous avez radicalement tort » ! Les Français ne redouteront pas la confrontation personnelle, les Britanniques peuvent la considérer comme des attaques en dessous de la ceinture. L’humour et l’autodérision sont fréquemment utilisés par les Britanniques, ce qui en fait souvent des orateurs plus efficaces que les Français.

Dans la prise de décision, il semble que les Français aient besoin de plus de certitude que les Britanniques. Si ceux-ci ont un fort sentiment qu’une décision est juste, ils la prendront même s’ils n’ont pas toute l’information à leur disposition.

Les Britanniques semblent parfois obsédés par les seuls actionnaires (shareholders), alors que les Français ont tendance à considérer davantage l’ensemble des parties intéressées à la vie des entreprises, consommateurs inclus (stakeholders). J’avoue pourtant ne pas partager la conclusion selon laquelle la qualité du service serait supérieure en France.

Plusieurs fois dans le débat, l’influence américaine sur la culture des affaires en France comme en Grande Bretagne a été mentionnée, conduisant à une homogénéisation progressive des comportements. Une bonne question est de savoir si la présence massive d’immigrés des cinq continents en Grande Bretagne et dans une moindre mesure en France change aussi les comportements managériaux.

Le forum des relations interculturelles a publié un fascicule curieusement intitulé « lumière au bout du tunnel »  (light at the end of the tunnel) consacré à des réflexions pratiques sur les Français et les Britanniques dans les affaires.  Il passe en revue l’environnement des affaires ; les négociations, réunions et contrats ; le recrutement et la gestion des ressources humaines. Il contient plusieurs citations illustrant le propos. Je citerai celle-ci de Jean Monnet : « l’Anglais ne peut jamais être convaincu par des arguments, seulement par des faits ».

Site Internet de la Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne : http://www.ccfgb.co.uk. Photo « transhumances ».

Le Curé d’Ars, un modèle ?

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A l’occasion de la visite du pape Benoît XVI vient d’effectuer en Grande Bretagne, la presse a recueilli de nombreuses tribunes de tendances différentes. The Guardian a ainsi publié le 11 septembre un article virulent de John Cornwell intitulée « le modèle de prêtre du pape : un tyran enragé qui s’inflige du mal ».

On sait que le pape porte une particulière vénération à St Jean Marie Vianney, curé d’Ars (1786 -1859). Le site du Sanctuaire d’Ars, http://www.arsnet.org/, écrit de lui : « très rapidement, sa réputation de confesseur lui attire de nombreux pèlerins venant chercher auprès de lui le pardon de Dieu et la paix du cœur. Assailli par bien des épreuves et des combats, il garde son cœur enraciné dans l’amour de Dieu et de ses frères ; son unique souci est le salut des âmes. Ses catéchismes et ses homélies parlent surtout de la bonté et de la miséricorde de Dieu. »

C’est une autre image que révèle John Cornwell. Selon le Curé, dit Cornwell, (la paroisse d’Ars) « était enfoncée dans le péché. En réalité ses paroissiens étaient enfoncés dans le dur labeur, des conditions difficiles et la pauvreté. De temps en temps ils buvaient et dansaient dans la taverne – pour Vianney « la maison du démon et le marché où se perdent les âmes ».

Danser était un prélude au péché sexuel. Il paya le tavernier pour qu’il s’en allât, de sorte que la danse pût être abolie. Eloignez la tentation et vous éloignerez le péché, tel était son message. Quand il découvrit que des enfants chipaient des pommes de son verger, il abattit les arbres (…)

Afin de prévenir son propre penchant pour le péché, Vianney se fouettait lui-même pendant la nuit avec un fouet fait de morceaux de métal, laissant à sa bonne le soin de laver le sang jusqu’en haut du mur. Sur sa peau, il portait une chemise de crin, une chaine de métal et une corde serrée ou discipline. Il dormait sur un sol de pierre avec pour oreiller une buche. Il se levait à plusieurs reprises la nuit pour prier dans l’église face contre terre. »

On peut, comme John Cornwell, mettre en cause le modèle que représente cet homme dont l’extrême ascétisme  frôlait le masochisme. Il y a aussi du Docteur Knock dans le Curé d’Ars. Non certes dans le cynisme et la cupidité, mais dans la croyance que tout bien portant est un malade qui s’ignore et dans la transformation d’une communauté villageoise en une sorte d’hôpital spirituel tout entier consacré à se prémunir des tourments de l’enfer. Proposer aux prêtres de s’inspirer de Jean-Marie Vianney, n’est-ce pas à l’opposé des valeurs d’ouverture au monde, d’équilibre personnel et de sérénité qui sont si nécessaires aujourd’hui ?

Illustration : Saint Jean-Marie Vianney, Sanctuaire d’Ars.

Gainsbourg, Vie Héroïque

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Le premier film de Joann Sfar présente une biographie de Serge Gainsbourg largement inspirée de l’univers de la bande dessinée.

Jusqu’à sa rencontre avec Jane Birkin, Serge (joué par Eric Elmosnino) est accompagné par un double : un gros bonhomme protecteur pendant son enfance de juif russe à Paris sous l’occupation nazie, un personnage dégingandé avec un nez énorme et des doigts immenses lorsque, peintre puis chanteur, il fréquente les caves de Saint Germain des prés, affamé de célébrité et de femmes, saoulé d’alcools et de vapeurs de tabac.

La protection de son double donne à Serge enfant (magnifiquement interprété par Kacey Mottet) un incroyable culot : il revendique le port de l’étoile jaune comme une décoration, il séduit (déjà !) une modèle de l’académie de peinture qu’il fréquente. Le double de Serge devenu adulte le pousse à franchir le pas, quand il s’agit de se faire remarquer de Boris Vian, d’entrer dans l’intimité de Juliette Gréco et surtout, de vivre une relation d’érotisme exacerbé avec Brigitte Bardot (Laetitia Casta, superbe).

Le film est conçu comme une série de planches de bandes dessinées à différentes périodes de la « vie héroïque » du chanteur, chacune totalement imprégnée du parfum, du corps et de l’esprit d’une femme, chacune féconde de chansons immortelles.

Photo du film Serge Gainsbourg, Vie Héroïque.