Retour des dirigeables ?

100704_dirigeable_graf_zeppelin_san_francisco.1278237612.jpg

Dans le quotidien britannique The Guardian du 1er juillet, la journaliste Juliette Jowit évoque un possible retour en force des dirigeables comme cargos volants.

Juliette Jowit rend compte d’une conférence donnée par Sir David King de l’Université d’Oxford. D’ici dix ans, d’énormes ballons dirigeables gonflés à l’hélium pourraient remplacer dans une large mesure les avions dans le commerce mondial, ce qui aurait un effet significatif sur les émissions de carbone. Plusieurs compagnies aéronautiques et de défense américaines travaillent sur des projets, avec de fortes subventions du Département américain à la Défense.

La vitesse d’un dirigeable, 125km/h, lui permettrait d’effectuer de nombreux transports de marchandises telles que des fruits, des légumes et des fleurs. Sa capacité est le double de celle d’un Boeing 747 et il ne consomme que 10% de son carburant. Il ne nécessite pas de piste d’atterrissage et pourrait charger des marchandises dans des zones dénuées d’infrastructures aéroportuaires, incluant de nouvelles régions dans le commerce international, par exemple en Afrique. Il pourrait aussi être utilisé pour apporter de l’aide d’urgence à des régions sinistrées.

Photo d’un Graf Zeppelin, http://www.tecno-science.com/. Les dirigeables, qui connurent leur heure de gloire dans les années 1920, cessèrent d’être exploités après l’incendie du Hindenburg en 1937.

White Material

100704_white_material.1278236148.jpg

Le dernier film de Claire Denis, « White Material », nous emmène dans l’Afrique des machettes et des enfants soldats. Il est dérangeant, et inoubliable.

Maria Vial (Isabelle Huppert) gère une plantation de café dans une région troublée d’Afrique. Du domaine vivent aussi son ex-mari, André (Christophe Lambert), leur fils Manuel, le père d’André qui est propriétaire du domaine, ainsi que l’épouse africaine d’André et le fils qu’ils ont eu ensemble.

La région est agitée par une impitoyable guerre civile. Des bandes armées incluant de jeunes enfants sèment la terreur. Un hélicoptère de l’armée invite Maria à fuir, mais celle-ci s’entête. La récolte doit se faire dans les quinze jours ou sera perdue. Et où irait-elle en France ? Ici, elle est la reine. Face à l’adversité, les ouvriers qui quittent le domaine par peur de la catastrophe qui menace, l’essence qui se fait rare, le barrage routier qui la rançonne, elle se raidit et ne cède pas un centimètre de terrain. La violence n’est pas une chose nouvelle dans le pays, et puis elle est blanche, étrangère aux conflits ethniques locaux.

Mais précisément, la race devient un problème à mesure que les haines s’exaspèrent. La radio incite les auditeurs à s’en prendre au « matériel blanc », les possessions des blancs et leurs personnes elles-mêmes. Inflexible, Maria jette toute son énergie dans la survie de la plantation et ne se rend pas compte du danger qui plane. André et son père capitulent, vendent le domaine et préparent la fuite à leur insu. Prostré par l’angoisse, Manuel sombre dans la folie, s’arme de la carabine de son père, se joint à une bande armée puis met le feu au domaine et meurt dans l’incendie. Maria n’exerce le pouvoir que sur la plantation, et celle-ci est en train de sombrer. Elle est incapable d’influencer ses proches et ne peut empêcher leur désertion.

Le spectateur passe un mauvais moment avec ce film. L’anxiété monte peu à peu, à mesure que l’absurdité de la guerre se révèle. Les derniers amis de Maria, les pharmaciens, sont assassinés malgré leur garde armée ; leurs assassins avalent des poignées de gélules comme s’il s’agissait de bonbons. On sent venir le cataclysme comme une fatalité. Mais on est captivé par la capacité de Claire Denis à raconter le versant tragique de l’Afrique par un puissant langage cinématographique. Isabelle Huppert est magnifique, félin d’Afrique à la rousse crinière dans la savane rousse.

Photo du film « White Material »

Architecte Errant

100612_clugh_william-ellis_1961.1278232439.jpg

Le complexe architectural de Portmeirion, dans le nord du Pays de Galles, est répertorié par le Guide Vert comme une curiosité à ne pas manquer au Royaume Uni, au même titre que Stonehenge, Canterbury ou Edimbourg. C’est l’œuvre de Clough Williams-Ellis (1883 – 1978), dont l’autobiographie écrite en 1970 s’intitule « Architect Errant » (éditée par Portmeirion Limited).

Il y a en effet du Don Quichotte en Clough Williams-Ellis. La construction de la fantaisie architecturale de Portmeirion (un nom attribué par lui) à partir d’un hôtel existant s’est étagée sur des dizaines d’années. Il en fut à la fois le propriétaire, le promoteur, l’architecte, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Il se battit pour la création du premier parc national en Grande Bretagne. Il s’opposa au démantèlement d’une colonie de congés payés voisine de sa maison, dont les bien-pensants craignaient qu’elle amène à la campagne les désordres des quartiers urbains prolétaires.

Du Chevalier de la Manche, Williams Ellis a aussi l’imperturbable liberté. Alors que sa clientèle de millionnaires est presque totalement Tory, il affiche ses sympathies pour les Libéraux et même les Travaillistes. Comme le Chevalier Errant, c’est un infatigable voyageur, même si c’est souvent sur la mer qu’il trace sa route. Comme lui, il est amoureux, mais sa Dulcinée, Amabel, est de chair et d’os : il écrira avec elle plusieurs livres.

Ce livre nous raconte une vie réussie à tous points de vue. L’auteur a exercé la carrière dont il avait rêvé très tôt dans l’enfance, l’architecture ou plus largement, comme il le dit joliment « l’impact visuel de notre pays ». Il a écrit des livres et d’innombrables articles. Il a été ami des personnalités les plus remarquables de ton temps. Il a laissé d’innombrables bâtiments, jardins, monuments. Il a été heureux en ménage et a eu trois enfants dont un fils, Christopher, mort sur  le champ de bataille de Cassino. Il dit à se propos : « nous décidâmes que puisque nous, ses parents, vivions, nous essaierions de le faire correctement et de garder la blessure pour nous ».

La clé de cette réussite est la confiance en soi. Etudiant en sciences naturelles à la prestigieuse université de Cambridge, Clough interrompt ses études, cherche sur l’annuaire l’adresse de l’académie d’architecture, s’y inscrit mais interrompt le cursus au bout de trois mois car il gagne un concours et a l’occasion d’appliquer immédiatement des connaissances qu’il n’a pas eu le temps d’acquérir.

Cette confiance est en grande partie héritée : un père ecclésiastique et universitaire, une mère dotée d’un solide sens artistique, des oncles militaires, industriels ou propriétaires fonciers, l’ancrage dans le Pays de Galles. Elle se consolide aussi au fil des années, avec l’expérience de la Grande Guerre, les projets architecturaux menés à bien malgré les vicissitudes, le Parc National de Snowdonia, et encore et toujours Portmeirion.

Le livre est écrit dans un style alerte et souvent plein d’humour. Je ne résiste pas au plaisir de citer un extrait du chapitre intitulé « école et vacances » : « Je me souviens avoir dépensé mon unique shilling dans un bazar pour écouter à travers un tube avec un écouteur un phonographe Edison – Bell. Sur la cire de son cylindre avait été gravé un chapelet de déplorables blagues américaines. Je fus si étonné et impressionné qu’après soixante quinze ans elles restent avec moi – hélas ! – mot pour mot ».

Photo : Clough Williams-Ellis

20 ans

100703_creditalliance2007.1278164170.jpg

Le 1er juillet 90, il y a tout juste 20 ans, je commençai ma carrière professionnelle chez Coface. Je ne me suis pas ennuyé !

L’aventure avait failli mal commencer. Le jour de mon entretien d’embauche avec le président de la Compagnie Française d’Assurance pour le Commerce Extérieur, le chauffeur de taxi, peu habitué à la tridimensionnalité de La Défense, m’avait laissé entre deux bacs de poubelles à une entrée de service.

Le jeune Secrétaire Général, Jérôme Cazes, avait convaincu le président Baquiast que, pour affronter les défis qui l’attendaient avec l’ouverture du marché européen, la Compagnie devrait créer un poste de directeur de la communication. Le baptême du feu avec la presse allait être sportif : comment se fait-il, demandaient les journalistes pendant la première Guerre du Golfe, que l’armée française détruit les armes vendues à Saddam Hussein et qui avaient été dument « cofacées » ?

Comme directeur de la communication à Paris, puis directeur général adjoint à Milan, directeur général à Madrid et Lisbonne et maintenant à Londres, j’ai été associé à des changements profonds. Je suis entré dans une entreprise publique, agence d’assurance crédit au service exclusif des exportateurs français. Coface est maintenant une entreprise privée qui propose des garanties et des financements pour les créances détenues par des entreprises du monde entier sur d’autres entreprises.

J’ai eu la chance de vivre dans des pays magnifiques et d’apprendre leurs langues et leurs cultures. Le premier juillet, je visitais un client près de Glasgow. Il exporte des ventilateurs industriels et des compresseurs dans de multiples pays. Il produit en Chine, et est confronté à la nécessité de conserver une longueur d’avance dans le domaine de la recherche. Son cycle de fabrication et d’installation chez les clients est long : bien comprendre son activité et la nature de ses contrats commerciaux est indispensable pour cerner les risques que nous assurons. Avant de prendre l’avion de retour à Edimbourg, j’ai pu flâner une heure dans la ville qui, après une journée pluvieuse, était gorgée de soleil.

En France, en Italie, en Espagne, au Portugal, au Royaume Uni et en Irlande, j’ai eu le privilège de travailler avec des personnes qui m’ont fait grandir, professionnellement et personnellement. J’ai partagé et je partage avec elles la joie d’une conférence réussie et d’un grand contrat signé, ains que le stress des faillites à indemniser. Ces destins entremêlés me rendent heureux.

Photo : réunion de CreditAlliance, le réseau international animé par Coface, à Madrid en 2007.