Gordon Brown à Buckingham Palace

100407_the_queen_helen_mirren2.1270673460.jpg

Marina Hyde, journaliste du quotidien The Guardian a consacré une délicieuse chronique à la visite du Premier Ministre Gordon Brown à la Reine Elizabeth II le 6 avril à Buckingham Palace pour lui demander de bien vouloir dissoudre le Parlement :
http://www.guardian.co.uk/politics/2010/apr/06/marina-hyde-gordon-brown-queen-election

“Seuls les Britanniques peuvent combiner un monarque, un premier ministre, une élection et un palais de 775 pièces et, à partir d’un homme pressé sortant d’un parking, créer un événement dramatique et fastueux » (…)

« Que vient faire ici Gordon Brown, demande un touriste venu assister à la relève de la garde ? Bien sûr, il pourrait demander grâce pour quelques crimes passibles de décapitation ; mais aujourd’hui, il convoque une élection, c’est pourquoi il doit demander à la Reine qu’elle veuille bien dissoudre le Parlement. Pensez-vous qu’elle dira oui ? Si elle avait refusé la requête, cela aurait certainement animé la journée. Mais finalement, elle accepta « très gentiment », selon les paroles de Brown. Un soulagement pour le Premier Ministre, mais pour ces touristes électoraux occasionnels, dont la culture de l’Establishment britannique les conduirait logiquement à attendre qu’Helen Mirren apparaisse au balcon pour faire une annonce formelle, l’événement déçut par son opacité. »

Marina Hyde décrit le ballet d’hélicoptères, ceux de la télévision et celui de la Reine venue de Windsor. Elle évoque les milliers de photographies prises par des touristes dans l’espoir que l’un des clichés au moins cadre la « Brownmobile ». Elle mentionne une touriste espagnole déçue qu’Angela Merkel ne soit pas dans le véhicule. « Pardonnez-nous Madame, mais nous ne pouvons travailler qu’avec ce que nous avons. Ce que vous et les autres emporterez avec vous, c’est que vous étiez là lorsqu’un homme que vous étiez incapable de nommer a demandé à la Reine une grâce ou quelque chose comme cela. Et vous conviendrez que ce genre de souvenir n’a pas de prix. »

(Photo du film « The Queen », Helen Mirren dans le rôle d’Elizabeth II)

Jésus parmi les ruines

100116_haiti6.1270490009.jpg

Le quotidien El País a publié le jour de Pâques une belle chronique de Mario Vargas Llosa intitulée « Jésus entre les ruines ». Il évoque la désolation dans les jours qui suivirent le tremblement de terre a Haïti, l’incroyable résilience de la population dans son insatiable soif de vivre, et la crainte que, une fois le cataclysme oublié, tout redevienne comme avant. Voici quelques extraits traduits. La version complète en espagnol est à l’adresse suivante : http://www.elpais.com/articulo/opinion/Jesus/ruinas/

« Il émergea des ruines du Palais Législatif de Port aux Princes comme une apparition. C’était un chevalier d’ébène, droit et impeccable, une présence invraisemblable dans ce midi de chaleur torrentielle, avec son costume bleu si bien repassé, son gilet, sa cravate colorée, ses gants épais noirs de cuir et de laine, son chapeau de feutre, son bâton avec un globe terrestre à la paume, son épée flamboyante au côté droit et sa dague sarrasine au côté gauche. Au milieu du nuage de poussière, ses chaussures luisaient comme un miroir.

Je suis Jésus de Nazareth, nous dit-il en parfait français, sans le mêler avec un mot de créole. J’ai ressuscité trois fois. La première, vous la connaissez. La seconde, pour l’indépendance de Haïti. Voici la troisième. J’étais assis à la droite du Père et Il m’a ordonné de revenir, avec une mission.

Je n’ai pas la moindre sympathie pour les saints, les fous mystiques et les apparitions. Mais après avoir passé cinq heures entre les catastrophes et les dévastations de la capitale haïtienne, cette figure cérémonieuse et profonde m’inspira respect et gratitude, car elle paraissait donner sens, dignité et transcendance au cataclysme, au chaos et à l’absurdité qui nous entourait.

(…) Elle est inoubliable, l’image de Cristina, petite fille de sept ou huit ans qui fut extraite d’une montagne de décombres six jours après le tremblement de terre, avec une jambe gangrenée dont il fallut l’amputer. Appuyée sur sa canne elle saute et elle joue, morte de rire, comme si elle vivait dans le meilleur des mondes. Voici, avec Jésus de Nazareth, un autre habitant d’Haïti qui ne se laisse pas défaire. »

(Photo : séisme en Haïti, The Guardian)

Embruns

100405_embruns.1270451429.jpg

Notre réunion de famille à Carcans Maubuisson (Gironde) le jour de Pâques nous a donné l’occasion d’une promenade le long des dunes et de la côte à marée basse.

Sur le sable humide, des galets multicolores reflètent le soleil. Des kite-surfers filent parallèlement à la plage et jouent à saute-mouton avec la crête des vagues. Sous le soleil oblique, l’écume teinte vers le jaune et entre ciel bleu et nuages il ne se s’agit que de nuances.

A la faveur des grandes marées, l’océan a grignoté la dune et rejeté une multitude d’objets : filets et cageots de pêcheurs, flacons en plastique, pièces de charpente. Des structures d’un blockhaus allemand affleurent maintenant sur le sable : a-t-il dégringolé la dune, ou la dune a-t-elle reculé ?

Dans cet espace, le cœur se dilate. Nous sommes à la frontière de la terre ferme et de l’immensité liquide, mais le vent du large se joue de cette limite et nous porte des embruns.

(Photo « transhumances »)

Libérez des prisonniers !

100402_ben_gunn.1270223154.jpg

Dans son numéro du 1er avril 2010, et sous la plume d’Amelia Hill, le président du comité des libérations conditionnelles d’Angleterre et du Pays de Galles, Sir David Latham, s’insurge contre la tendance générale à réclamer des peines plus longues.

La prise de position du « Chair of the Parole Board for England and Wales » fait suite à une violente campagne dans les tabloïds britanniques à la suite du retour en prison de Jon Venables, condamné alors qu’il était mineur pour le meurtre d’un petit garçon. Les journaux demandent des peines plus longues et s’opposent aux libérations conditionnelles.

« Nos taux de libération se sont réduits ces dernières années d’une manière dont on peut penser qu’il s’agit d’une réaction exagérée du public à la perspective de la récidive par des prisonniers libérés. En réalité, le taux de récidive sérieuse par des prisonniers libérés n’est que de 1 à 2 %, un niveau qui est resté stable depuis de nombreuses années. Le risque est que des cas difficiles, comme celui de Venables, finissent par produire de mauvaises lois (…)

La société doit se rendre compte de ce qu’on ne peut créer un monde sans risque. Ce que la société doit définir, c’est le niveau de risque qu’elle est prête à accepter. Je suis préoccupé parce que la société dans laquelle nous vivons devient trop réfractaire au risque (…) La conséquence est que l’on permet que de vraies injustices se produisent. A moins que la société se prépare à prendre une attitude plus sophistiquée à l’égard du risque posé par les prisonniers libérés sur parole, le système pénal continuera à incarcérer des personnes qui ne commettraient plus jamais de crimes si elles étaient libérées, pendant beaucoup plus d’années que leur condamnation par le tribunal. »

Il faut dire que la justice britannique pratique un système de « peines recommandées » qui peuvent être allongées par le juge d’application des peines. Un système dont rêvent beaucoup de conservateurs français ! Le 7 octobre 2009, The Guardian s’est ainsi fait l’écho du cas de Ben Gunn, qui avait tué un ami à l’âge de 14 ans. Ben est en prison depuis 30 ans maintenant, 20 ans de plus que la peine recommandée. Animateur d’un  syndicat de prisonnier qui vient d’obtenir de haute lutte le droit de vote pour les détenus, il est considéré comme asocial par l’administration pénitentiaire qui le maintient sous les verrous. Il tient un blog indirectement : interdit d’accès à Internet, il poste ses chroniques que tes amis chargent sur le Net : http://prisonerben.blogspot.com/.

(Illustration du Guardian : portrait de Ben Gunn par un codétenu)