Verdir son chat

100401_sega.1270143931.jpg

Dans le numéro du 1er avril du quotidien britannique The Guardian, le journaliste Adam Vaughan annonce la création d’un poisson vert pour les animaux domestiques. Il ne semble pas que ce soit un poisson d’avril.

« Pour les écologistes qui ont tout fait, depuis verdir leur maison jusqu’à décarboner leur voyage, il reste une nouvelle frontière : verdir leur animal familier. Dans le courant de l’année, les 8 millions de propriétaires de chats britanniques pourront leur donner à manger leur poisson favori avec bonne conscience. Dans une initiative annoncée hier, les aliments pour animaux domestiques Whiskas et Sheba vont devenir les premiers à vendre des produits utilisant du poisson certifié par Marine Stewardship Council, un poisson capturé selon les critères du développement durable.

(…) Les propriétaires britanniques d’animaux familiers achètent 1,5 millions de tonnes de nourriture par an. Les auteurs d’un livre récent – Le moment est-il venu de manger le chien ? – disent que l’énergie nécessaire pour nourrir un chat est la même que celle qu’il faut pour construire une VW Golf et la conduire 10.000km par an. »

Les experts se félicitent de ce premier pas, mais recommandent de limiter l’usage de la protéine de poisson, une ressource de plus en plus rare, et de la remplacer par de la volaille et du lapin.

Photo : Séga

L’écologie, c’est chic !

100331_grand_union_canal.1270071610.jpg

Le quotidien britannique The Guardian a publié le 30 mars un article de Leo Hickman principalement consacré au penseur écologique James Lovelock. L’article cite aussi une étude qui associe la consommation de biens « verts » avec des comportements élitistes.

« Une étude a trouvé que les consommateurs choisissent des voitures hybrides, du détergent vert et des machines économes en énergie plutôt que des alternatives meilleur marché et plus sales en partie pour améliorer leur statut social. Les chercheurs ont découvert que les consommateurs sont prêts à sacrifier le luxe et la performance au profit de ce que l’on perçoit comme un statut social acquis lorsqu’on achète un produit dont l’impact sur l’environnement est réduit. Bram Van den Bergh, de la Rotterdam School of Management, l’un des auteurs de l’étude, dit « conduire une luxueuse voiture non verte, comme un Hummer, communique la richesse de quelqu’un, mais suggère aussi que l’acheteur est un individu égoïste et irresponsable qui se préoccupe d’abord de son confort au lieu du bien-être de la société. Conduire un hybride, comme une Prius, n’affiche pas seulement la richesse de quelqu’un… mais signale aussi que le propriétaire se soucie des autres et de l’environnement ». Dans une série de trois expériences pour l’étude, publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology, les chercheurs ont trouvé que les gens avaient plus tendance à choisir des produits verts quand ils le faisaient en public. »

L’écologie a déjà envahi le terrain de la religion. Voici qu’elle prend possession du territoire de la différentiation des élites et du marketing. C’est décidément devenu une affaire sérieuse !

Photo « transhumances » : Grand Union Canal à Watford.

Pourquoi pleurons-nous les chanteurs disparus ?

100331_enterrement_jean_ferrat.1270069161.jpg

La médiatrice du journal Le Monde, Véronique Maurus, a écrit le 27 mars un article intitulé « Ferrat l’intouchable ». Elle s’interroge sur la raison de l’immense émotion suscitée par la disparition du chanteur.

 Véronique Maurus évoque deux types de réactions. Certains lecteurs déplorent le ton critique de la nécrologie rédigée par Bruno Lesprit. D’autres regrettent la – relative – discrétion du journal sur l’événement.  « Le traitement de cette disparition n’était pourtant pas anormal, s’agissant d’un artiste très populaire mais absent des studios depuis seize ans. En consacrant à Jean Ferrat une pleine page, dans une édition particulièrement dense, un lendemain d’élections, Le Monde a fait autant qu’après la mort de Claude Nougaro, en 2004, ou d’Eric Rohmer, en janvier, et plus que pour Georges Wilson, en février. (…)

Le Monde n’a donc, selon ses critères habituels, ni « sous-traité » ni « mal traité » le décès de Jean Ferrat. Pourquoi, dès lors, ce reproche global, diffus et pour le moins inhabituel d’être resté trop distancé, trop froid ? Comme si la mort, gommant d’un coup tous les accrocs d’une vie ou d’une œuvre, ne souffrait que le dithyrambe.

Les critères habituels, en l’occurrence, n’étaient peut-être pas suffisants, tant l’émotion provoquée par cette disparition dépasse la norme et la dimension d’un chanteur, même engagé. Jean Ferrat, à l’évidence, incarnait autre chose, la nostalgie d’une époque parée, dans l’imaginaire collectif, des vertus d’un âge d’or. On s’en aperçoit après coup. L’aurait-on anticipé, fallait-il pour autant entonner le chœur général des louanges en oubliant toute réserve ? Et, dans ce cas, les reproches – inverses – n’auraient-ils pas été tout aussi nombreux ? »

Pourquoi le décès de Jean Ferrat nous a-t-il davantage touché que celui de Georges Wilson ? C’est probablement parce que le théâtre nous impressionne à un moment donné, alors que les chansons nous accompagnent tout au long de notre vie, au plus profond de la mémoire : « comme au passant qui passe on reprend la chanson », chantait-il. Les belles chansons nous collent à la peau, font partie de notre identité.

Les chanteurs définissent plus que tout autre critère l’identité nationale. Les Beatles ou Bob Dylan ont une renommée mondiale. Mais la plupart des chanteurs ne sont connus que dans leur pays. Pas un mot de la disparition de Jean Ferrat dans The Guardian (Grande Bretagne). Pas un mot dans La Repubblica (Italie). Seul El País lui a consacré un bel article, signe d’une proximité culturelle entre la France et l’Espagne probablement scellée par la résistance au franquisme. Le chanteur nous touche parce que ses chansons définissent précisément qui nous sommes en tant que peuple, parmi d’autres peuples.

Je profite de cette chronique pour faire la promotion du chanteur wallon Julos Beaucarne, dont les chansons contribuent à me définir depuis trente cinq ans.

Photo : enterrement de Jean Ferrat à Antraigues sur Volane, Ardèche, le 16 mars 2010

Syndic de faillites

100326_woolworths.1269779552.jpg

Le supplément « Work » du quotidien The Guardian a consacré le 27 mars une page au portrait d’un administrateur de faillites, Steve Woods.

Steve Woods est à la tête de le l’équipe de redressement d’entreprises (corporate recovery) du cabinet comptable Mazars, qui compte une centaine de personnes réparties sur le territoire britannique. Il est syndic de faillites (insolvency practitioner). Il intervient parfois en amont de la faillite elle-même pour conseiller une entreprise en difficulté et si possible l’aider à trouver un repreneur. Mais le plus souvent, il arrive brutalement dans l’entreprise lorsque, mise en demeure par ses créanciers, elle s’est avérée incapable de payer ses dettes et que le juge l’a placée sous administration. En Grande Bretagne, la procédure ne prend que quelques heures.

Voici quelques extraits de l’article de Leo Benedictus dans The Guardian, sous le titre « noble sauvage ».

Il n’y a là rien de personnel, mais personne ne veut vraiment travailler avec Steve Wood. Parce que, lorsque cet homme d’âge moyen, affichant une confiance tranquille, arrive dans vos bureaux en costume cravate, cela signifie que vous acceptez quelque chose : que le jeu est presque fini.

« Quelquefois vous percevez un soulagement tangible qu’il y a quelqu’un pour aider à s’attaquer au problème », dit Wood, regardant calmement de l’autre côté d’une longue table de conseil dans son vieux bureau à Birmingham. « Mais invariablement, notre relation avec l’entreprise commence d’une manière relativement froide ».

Se penchant en arrière sur son siège en cuir, il parle sans ressentiment et semble totalement chez lui dans le rôle de l’invité malvenu dans le monde du business. Cependant, aux yeux de beaucoup de personnes inquiètes pour leur emploi, cette stabilité et ce caractère raisonnable, qui sont pourtant si nécessaires, peuvent aussi avoir une saveur de reproche. Wood n’a pas cela en tête, naturellement, mais lorsqu’une entreprise qui bat de l’aile l’appelle pour qu’il lui rende la santé en licenciant, en réduisant les dépenses ou en la vendant, il sait que son premier travail est de remonter le moral. « Nous devons changer cette relation. Nous devons la rendre positive très vite. Et il est très inhabituel de ne pas y arriver d’une manière ou une autre. »

Le  syndic de faillites est par nature sans cesse confronté à des situations de crise. « Vous êtes confronté à des personnes réelles qui traversent la période la plus traumatisante qu’ils aient jamais vécue. Leur monde s’effondre ; leur affaire est sur le point de s’écrouler ; leur vie tient à un fil… aussi, quand cela marche, c’est un vrai nouveau départ(…) Vous pouvez être techniquement excellent pour ce travail. Mais si vous ne pouvez pas entrer en relation avec les personnes avec qui vous êtes confronté, si vous ne savez pas construire un degré d’empathie, alors rien de ce que vous pouvez proposer ne peut marcher. »

Comment se comporte-t-il lorsqu’il s’agit d’annoncer à quelqu’un que son poste est supprimé ? « Les premières fois que vous le faites, c’est très difficile. La seule façon, c’est d’être complètement ouvert. Je n’ai pas de script pour cela. Je ne pense pas que je devrais en avoir. Il faut juste se mettre en situation et leur dire ce qui se passe. » A-t’il eu parfois envie de rester en contact ? « Ca ne marche pas vraiment comme ça, sourit-il. Parce que, même si cela finit d’une manière positive, ils préfèreraient ne pas être passés par là. Il a un rire sardonique. Ce n’est pas un club ! ».

Photo Journal du Dimanche, 22 décembre 2008, faillite de la chaine de grands magasins Woolworths, 30.000 salariés licenciés.

http://www.guardian.co.uk/money/2010/mar/27/insolvency-administrator-working-life