Exécution en Chine

Un citoyen britannique a été exécuté en Chine aujourd’hui. C’est la première fois depuis cinquante ans que la peine de mort y est appliquée à un citoyen européen. Pourquoi ?

Avant d’aller plus avant, je précise que je suis un opposant inconditionnel à la peine de mort et que je n’ai aucune sympathie pour les régimes dictatoriaux où qu’ils soient. Je partage donc l’émotion suscitée par l’exécution d’Akmal Shaikh, d’autant plus qu’il ne semble pas que ses désordres psychologiques aient été pris en compte à son procès.

Ceci dit, je suis toujours embarrassé par le concert unanime de protestations occidentales face à des événements qui se déroulent hors d’Occident. Il manque parfois la prise de distance qui permet sinon d’excuser, du moins de comprendre des comportements qui trouvent leurs racines dans d’autres cultures.

Comment se fait-il donc que les autorités chinoises aient adopté ce comportement inflexible, maintenant et à l’égard d’un citoyen de Grande Bretagne ? La journaliste Helen Pidd, du quotidien The Guardian écrit dans l’édition du 29 décembre : « le trafic de drogue est l’un des crimes qui impliquent automatiquement une condamnation à mort. L’usage de drogue augmente. L’héroïne est une menace croissante, particulièrement dans le Xinjiang, près de la frontière ouest de la Chine avec l’Afghanistan.

Le commerce de l’héroïne a une connotation sombre pour la Chine. Le journal nationaliste « Global Times » a dit que le cas de Shaikh était sensible car il ramenait le souvenir noir de la guerre de l’opium déclenchée par les Britanniques il y a plus d’un siècle et qui entraîna le pays dans une longue période de cauchemar.

Un porte-parole de l’ambassade de Chine en Grande Bretagne a aussi souligné ce point : la Chine a un souvenir amer des problèmes de drogue dans l’histoire, et fait face à des situations difficiles en ce moment, qui menacent la stabilité sociale. »

Away we go

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 Le film « Away we go » de Sam Mendes a été généralement fraîchement accueilli par les critiques, qui l’ont trouvé fade en comparaison des Noces Rebelles. Mais en raison de son optimisme et de sa bienveillance, il constitue un excellent divertissement pour la période des fêtes.

Burt et Verona sont des intellectuels quelque peu marginaux, « altermondialistes » dit la féroce critique de Télérama. Ils vivent dans une maison isolée et passablement délabrée près de chez les parents de Burt. Lorsqu’ils leur annoncent qu’ils vont avoir la joie d’être grands parents, c’est la douche froide : ceux-ci se préparent en effet à partir pour deux ans en Europe.

De Phoenix à Madison et de Montréal à Miami, de famille en amis, Burt et Verona se mettent à la recherche d’une communauté de vie où ils se sentiront bien, eux et le bébé. Ils vont de déception en déception. Ici, une famille abrutie de l’Amérique profonde ; là, des illuminés qui prétendent vivre une vie d’où conflits et séparations sont absents ; là encore, un couple qui semble mener une vie débordante de générosité mais est dévoré par la frustration de ne pas avoir pu mettre au monde un enfant. Revenus dans leur maison, Burt et Verona la voient avec un autre regard et se disent qu’ils peuvent y être heureux.

Il y a des moments forts dans le film. Dans un hall d’exposition, Verona et sa sœur se glissent dans une baignoire dos à dos ; la sœur de Verona fait mine de lui appliquer un shampooing et elles évoquent des souvenirs d’enfance. Burt et Verona offrent au couple d’illuminés une poussette pour leur petit garçon ; la femme rejette ce cadeau : « j’aime trop mon enfant pour le pousser, pour le repousser devant moi ! » ; il s’ensuit une scène désopilante : Burt transforme la poussette en bolide et le petit garçon en pilote dans le salon de leurs hôtes scandalisés, transformé en circuit de Formule 1. Couchés sur un trampoline au soir couchant, Burt tente d’arracher à Verona la promesse qu’elle l’épousera. Celle-ci s’y refuse, mais ils échangent des promesses vraies ou saugrenues dans lesquelles se scelle un amour qui résistera au temps.

(Photo du film Away we go)

Le vol de l’ibis rouge

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En cette fin d’année, je propose une lecture du magnifique roman de la Brésilienne Maria Valéria Rezende, O voo da guará vermelha (Oficina do Livro, 2005), le vol de l’ibis rouge.

Irene est fatiguée, fatiguée. Elle était belle et vendait cher ses charmes. Aujourd’hui, minée par la maladie, maigre et édentée, elle vend son pauvre corps à des malheureux qui ne peuvent se payer de la chair saine. Ce qui la maintient en vie, c’est le fils qu’elle a eu sans le vouloir et dont on disait qu’il aurait mieux valu qu’il ne naquît pas : client après client, Irène met de côté l’argent pour payer la vieille qui l’élève. Irene conserve au fond de sa mémoire un souvenir de petite fille, quand elle apportait à boire à son grand-père tailleur de pierres : alors si, sa vie avait un sens.

Soudain apparaît Rosálio. Sans famille, nommé « Moins-que-rien» par les gens de son village, Rosálio avait rencontré son destin le jour où il avait secouru un « bougre » blessé dans la campagne. L’étranger portait une caisse de livres, Don Quichotte et les Mille et Une Nuits. Il raconta à l’adolescent subjugué les histoires cachées sous les caractères d’imprimerie. Ce dernier se mit en route de par le monde, avec l’espoir de rencontrer quelqu’un qui lui apprît à lire.

Apprendre à lire. Pour y arriver, Rosálio a vécu mille galères, un camp de bûcherons esclaves dans la forêt vierge, une colonie de chercheurs d’or rongés par l’appât du gain, et aujourd’hui un chantier de construction où tout est gris, gris le béton, grise la poussière. Il sort dans la ville et voit, penchée à sa fenêtre, une femme, Irene.

Blanc comme les nuages, vert et noir, ocre et or, bleu et violet, rouge comme l’ibis que Rosálio libère d’un buisson d’épines et qui, ensanglanté, tente de prendre son envol : Irene et Rosálio voient maintenant le monde avec les yeux l’un de l’autre, et le monde est plein de couleurs.

Elle est avide d’entendre l’histoire de sa vie. Il a faim de mots, de sentiments et de gens. Elle lui enseigne l’écriture, comment par la magie des lettres on peut voyager léger de « romaria » (pèlerinage) à « Roma » (Rome), ou qu’il suffit d’étendre le bras pour cueillir au jardin du romarin.

L’homme touche à la terre promise. Le chantier fini, il achète pour lui et pour Irène des habits de couleurs. Il ira sur les marchés conter les histoires qu’il découvre dans les livres, elle passera la cédille aux badauds captivés. Rosálio n’a pas peur. Il a appris le métier de conteur auprès du Bègue, un homme doué pour le bonheur qui construisit sa maison dans un quartier pauvre, incommode, mais avec une vue imprenable sur la mer. Le jour de l’inauguration de sa maison, pour ne pas casser l’ambiance, le Bègue s’était mis à raconter des histoires désopilantes, sans bégayer. Sa renommée s’était étendue, d’autres lui avaient donné la réplique, une troupe de théâtre d’improvisation s’était créée, le Bègue l’avait nommée « le Théâtre du Ciel ».  Puis les tour-opérateurs étaient venus, et le théâtre avait été englouti par son succès. Rosário avait conservé le savoir-faire. Il allait en faire son métier.

Aube d’une vie nouvelle pour Rosálio, crépuscule pour Irene, mais un crépuscule somptueux. L’impossible rêve s’est réalisé, elle a un homme à elle, un homme pour elle, un homme qui l’aime pour l’éternité. L’ibis rouge, rouge de sang, peut prendre son envol.

(Photo : Wikipedia)

Coiffeurs de Goma

A Goma, à l’Est du Congo, les coiffeurs de rue sont devenus les pivots de la prévention du Sida.

« Goma (à l’Est du Congo, à la frontière avec le Rwanda) est une ville avec une population de 350.000 habitants dans laquelle le Sida est répandu. Amenée de l’extérieur, une coûteuse initiative pour organiser une campagne s’avéra inefficace. La solution ne pouvait venir que de la population elle-même (population dont la moyenne d’âge n’est que de 26 ans). A la fin, la délivrance vint des coiffeurs locaux. Environ 1.500 coiffeurs se rendirent compte de ce qu’ils étaient les mieux placés pour parler du Sida, puisque leurs salons étaient situés aux carrefours. Ils se donnèrent le nom de « citoyens coiffeurs » ou « d’éducateurs de base ». En raison de leur crédibilité dans la rue, ce groupe est maintenant le point focal d’une information et d’une prévention significatives et réussies. »

Ce texte est issu d’une interview publiée dans la revue Crisis Response (http://www.crisisresponsejournal.com/) de Michel Séguier par Patrick Lagadec. Michel est co-auteur de « Pratiques émancipatrices, actualités de Paulo Freire (Syllèpse, 2009), Patrick est directeur de recherche à l’Ecole Polytechnique (http://www.patricklagadec.net/).