Singing in the rain

Particpants à un festival en Ecosse. Photo The Guardian.

C’est officiel : les quatre dernières compagnies britanniques de gestion des eaux qui maintenaient l’interdiction de l’usage des tuyaux d’arrosage y ont renoncé.

 Plusieurs compagnies avaient annoncé en mars la prohibition des tuyaux d’arrosage à la suite de deux hivers particulièrement secs qui menaçaient les nappes phréatiques. Quatre d’entre elles l’ont maintenue contre vents, marées, trombes d’eaux, inondations et noyades. Les noms de ces héros méritent d’être cités : South East Water, Sutton and East Surrey Water, Veolia Water Central et Veolia Water Southeast. Deux d’entre elles appartiennent à un groupe français et c’est peut-être leur ascendance gauloise qui leur confère cette irréductible et louable obstination. Elles ont toutefois fini par capituler, peut-être simplement parce que le jardinier qui arroserait son jardin en cette période passerait pour un original irréductible.

 Avril, mai et juin ont été chacun les mois les plus pluvieux en Grande Bretagne depuis que les statistiques existent (1910) et juillet suit le même chemin. Les organisateurs des Jeux Olympiques se préparent au déluge. Leurs plans de contingence vont de l’acquisition massive de ponchos au report d’épreuves empêchées par des terrains détrempés.

 De nombreux festivals sont annulés, d’autres se déroulent dans la boue. Les gens chantent et dansent sous la pluie. L’atmosphère festive qui imprègne la Grande Bretagne en cette année de Jubilée et de Jeux ne se dément pas. Le soleil aurait été bienvenu. Mais les averses se prêtent aux parapluies partagés, aux conversations sur l’ineptie des météorologues, à la contemplation de pelouses d’un vert intense. L’Angleterre pensait affronter la sécheresse. Elle assiste avec soulagement à la confirmation de son statut de pays humide.

Le non-nombril du monde

Election à Athènes le 17 juin 2012. Photo 20minutes.fr

Le peuple français tend à se prendre pour le nombril du monde. La lecture de la presse britannique nous invite à la modestie.

 Le 17 juin, le grand événement pour les Français, pour s’en réjouir ou s’en effrayer, a été la majorité absolue gagnée par la Parti Socialiste aux élections législatives. Mais il faut fouiller profond dans la presse britannique pour en trouver l’écho.

 Dans The Guardian du 18 juin, la victoire socialiste en France est évoquée dans un paragraphe de la page une, presque entièrement consacrée à l’élection législative… en Grèce. Il faut aller page 17 pour trouver un article, factuel et bien documenté, intitulé : les socialistes de France obtiennent les mains libres pour s’attaquer aux problèmes économiques.

 Dans le journal gratuit du soir, Evening Standard, c’est pire : l’unique mention de notre élection est en page 23 et est centrée sur la promesse des enfants de François Hollande et Ségolène Royale de ne plus jamais adresser la parole à Valérie Trierweiler, coupable à leurs yeux d’avoir précipité l’humiliante défaite de leur mère à La Rochelle.

 Ni The Guardian, ni l’Evening Standard, ne mentionnent l’élection de la députée des Français au Royaume Uni et dans le reste de l’Europe du Nord, la troisième circonscription des Français à l’étranger : Axelle Lemaire (Parti Socialiste) a été élue avec 54.76% des votants dans un scrutin marqué par une abstention massive (près de 80%) malgré l’innovation du vote par Internet.

 Pour les médias britanniques, tout était joué en France avec l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Qu’il ait obtenu le 17 juin les moyens de sa politique n’a pas d’importance. La France n’est pas le nombril du monde, après tout !

15 mai 2012

 

Le nouveau Président sur les Champs sous la pluie, photo Daily Mail

Certains jours sortent de l’ordinaire. Ce 15 mai pluvieux fut l’une de ces journées mémorables, abstraites de la répétition et de la routine.

 A Paris, François Hollande est intronisé Président de la République. Trempé dans sa voiture découverte, il descend rayonnant les Champs Elysées. Plus tard, son avion pour Berlin sera frappé par la foudre, il devra revenir à Paris, changer d’appareil et s’excuser auprès d’Angela Merkel pour son retard. Le quotidien conservateur britannique The Daily Mail titre : « trempé jusqu’à l’os, l’avion foudroyé, comment a été votre grand jour Monsieur ? » The Guardian remarquera que les éléments hostiles ont constitué une belle image de la difficile situation mondiale au moment où commence le quinquennat. Il reste que l’eau et le feu ont contribué à rendre ce jour inoubliable.

 Philippe, mon ami d’enfance, n’aimerait probablement pas être associé à la célébration de la victoire d’un socialiste à la présidentielle. Il n’aurait probablement pas non plus choisi ce 15 mai 2012 pour porter en terre son frère Bernard. Il a écrit en cette circonstance un texte simple et émouvant : « Tu vas vraiment nous manquer. Les réunions familiales ne seront plus jamais pareilles, il y avait déjà eu le départ de papa, le tien marque un nouveau tournant dans nos vies, il nous faudra réinventer comment être ensemble et faire vivre en nos cœurs l’Amour que tu savais si bien distribuer. Mais tu ne supportais pas les atmosphères lourdes ni les conflits.

 Tu nous sortirais de notre état de tristesse en 2 coups de cuillère à pot en nous faisant remarquer un petit détail drôle qui, dans la pire des ambiances, faisait rigoler tout le monde : par exemple là, aujourd’hui, tu nous glisserais peut-être : « le prêtre a une chaussette verte et l’autre bleue » (…) ou bien « un des croquemorts a exactement la tête de celui dessiné dans Lucky Lucke contre Pat Poker ». (…) Ta fantaisie nous a obligés à nous remettre en question : tu nous a montré à tous comment ne pas rester contraints dans des normes, des cadres établis, des savoir-faire surannés. »

 Brigitte, Martine et moi assistons ce soir au Wigmore Hall au concert du pianiste lithuanien virtuose Kasparas Uinskas. Au programme, une nocturne et une sonate de Chopin et une sonate de Brahms. C’est un moment de sublime émotion. 15 mai 2012, une journée mémorable.

Le pianiste Kasparas Uiskas

Un dangereux aveuglement

 

 

Rupert et James Murdoch devant la Commission Leveson en 2011

 

Dans The Guardian du 2 mai, Margaret Heffernan revient sur l’audition de Rupert Murdoch par la Commission Leveson.

 La journaliste s’interroge sur l’aveuglement volontaire que la Commission Leveson reproche à Murdoch. « Les gens en position de grand pouvoir, dit-elle, vivent dans une bulle. Ceci peut revêtir une réalité physique : Murdoch n’emprunte pas les vols réguliers et ne fréquente pas des espaces publics – et, si l’on en juge par ses prestations devant les parlementaires et Leveson, il est clair qu’il n’est pas habitué à faire face à des questions impromptues et des questionnements inattendus.

 Dans ce cocon il se développe un sens de sécurité à la fois physique et intellectuelle qui est immensément dangereux. Ces gens sont entourés par d’autres qui souhaitent leur plaire et qui espèrent acquérir du pouvoir en agissant ainsi (…)

 Mais Murdoch a-t-il choisi d’être aveugle ? Il a choisi de s’entourer de loyalistes, pas de critiques – avec des cadres supérieurs qui étaient politiquement et financièrement dépendants – tout en perdant les fidèles les plus robustes qui pouvaient lui résister. Murdoch a organisé sa gouvernance d’entreprise de manière à rendre quelque forme de questionnement que ce soit difficile et inefficace – tandis que les actionnaires choisissaient de s’aveugler eux-mêmes par de hauts dividendes. »

 Heffernan cite d’autres exemples d’aveuglement : les patrons des banques Lehman Brothers et Bear Stearns face aux risques potentiels de leurs activités, ainsi que l’Eglise Catholique au début du scandale des prêtres pédophiles.

 Voisi sa conclusion : « C’est la responsabilité des puissants de s’assurer qu’ils s’entourent eux-mêmes de penseurs indépendants et d’alliés critiques qui ont la liberté et le courage de leur dire la vérité. Quand les leaders choisissent de ne pas suivre cette voie, ils embrassent l’aveuglement et l’obscurité morale qui va avec elle. »