Le Cri de la Grèce

Le caricaturiste du Guardian Steve Bell s’est inspiré de la peinture d’Edvard Munch “Le Cri” pour évoquer la situation de la Grèce après la mise en œuvre du plan de sauvetage de l’Union Européenne et du Fonds Monétaire International.

 « Le Cri » a été peint par Edvard Munch en quatre versions différentes. L’aquarelle (1895) appartenant à un collectionneur privé, vient d’être mise aux enchères par Sotheby à New York au prix de 80 millions de dollars. Comme le dit Simon Shaw, directeur des collections impressionnistes et modernes de Sotheby, « le Cri de Munch est l’image qui définit la modernité… Instantanément reconnaissable, c’est l’une des images très peu nombreuses qui transcendent l’histoire et atteignent la conscience universelle. »

 Steve Bell utilise le Cri pour évoquer la situation de la Grèce, étranglée par ses créanciers. Il est probable que l’accord écarte le risque systémique qui pesait sur les banques européennes et mondiales. Il est possible qu’il permettre à la Grèce, avec un produit national brut un quart moins élevé qu’avant la crise, de redémarrer sur une base assainie et de trouver son chemin au sein de l’Euro. Dans l’immédiat, ce que ressentent les Grecs, c’est l’angoisse des faillites d’entreprises, des pertes d’emploi, de la misère. Edvard Munch était Norvégien, mais son tableau illustre bien les sentiments de ce grand peuple de la Méditerranée.

A droite, toute !

Le président de la République a choisi de mener la campagne pour sa réélection sur des thèmes de droite dure, immigration et aides sociales. C’est probablement un bon choix de tactique politicienne. Est-ce bon pour la France ?

 Faire campagne sur des thèmes de droite présente de nombreux avantages pour l’actuel président de la République. Si le parti majoritaire parvient à empêcher le Front National de réunir les 500 signatures nécessaires a la candidature de Marine Le Pen, les sondages montrent que les chances de Nicolas Sarkozy sont considérablement accrues, pour peu qu’il parvienne à rallier les électeurs d’extrême droite frustrés de leur candidate. De plus, si sa performance comme président est, de l’avis même de ses partisans, pour le moins inégale, chacun reconnaît en lui un excellent débateur et un redoutable candidat. Se battre sur des thèmes en noir et blanc sera pour lui plus facile que d’expliquer des nuances. Enfin, en cas de défaite, une campagne sur des thèmes sans ambigüité construirait les bases d’une opposition virulente et « sans états d’âme » ouvrant la perspective d’un retour rapide au pouvoir.

 La campagne qui s’annonce flattera les sentiments de peur, de frustration, d’envie, de xénophobie que la récession alimente puissamment. C’est sans doute un bon calcul à court terme  pour le parti actuellement majoritaire. Est-ce bon pour notre pays ?

 Illustration : couverture du Figaro Magazine du 11 février, dans lequel le président Sarkozy annonçait les thèmes de sa probable candidature, photo Le Monde.

Afghanistan : des enfants fugitifs

 

« Transhumances » a récemment évoqué le lucratif business des passeurs en Afghanistan. Dans The Observer du 29 janvier, Caroline Brothers évoque les incroyables histoires d’enfants afghans qui ont traversé l’Europe à pied à la recherche d’une vie meilleure. Elle vient de publier chez Bloomsbury Hinterland, un roman sur les garçons afghans en Europe.

 « Derrière les barreaux de sécurité d’une pièce spartiate, carrelée de blanc, 25 jeunes disposent des rouleaux de tapis de sol. Les travailleurs de nuit de l’Armée du Salut, qui s’occupent de ces adolescents étrangers solitaires dans un abri dans un coin moche de Paris, distribuent des draps et des sacs de couchage ; il ya a deux garçons du Mali et un contingent du Bangladesh ; le reste a voyagé par voie terrestre, en utilisant toutes les méthodes imaginables, depuis l’Afghanistan.

 Les plus jeunes ont 13 ans, minuscules cousins de Kaboul arrivés ce matin là après un voyage de cinq mois. Ils retirent leurs baskets et les mettent au pied de leur tapis de sol. L’un d’entre eux, Morteza, retire précautionneusement ses chaussettes. Le dessous de ses orteils est complètement blanc.

 Je demande ce qu’il est arrivé à ses pieds. « Eau », dit-il. Marchait-il dans l’eau ? Mohammed, le garçon du tapis de sol voisin, qui connait plus d’anglais, traduit. « Dans les montagnes », dit-il. Quelles montagnes, je demande, pensant à la chaine qui forme la frontière entre la Turquie et l’Iran. « Croatie, Slovénie, Italie », dit Morteza. Mohammed intervient. « Pas de l’eau », clarifie-t-il. « De la neige ».

 Soudain je comprends. Les pieds de Morteza ne sont pas détrempés ou couverts d’ampoules. Il a claudiqué à travers l’Europe avec des engelures. »

 L’enquête de Caroline Brothers a notamment pour cadre la maison du jeune réfugié de France Terre d’Asile. N’est-ce pas une chance pour notre pays d’accueillir des jeunes dotés d’une telle rage de vivre ?

 Photo « The Observer » : Morteza à Paris au bout de son voyage à pied par les montagnes d’Europe.

Afghanistan : le lucratif business des passeurs

Dans The Guardian du 19 janvier, Jon Boone évoque le business lucratif des passeurs qui organisent la fuite d’Afghans vers l’Europe.

 Dans le bâtiment en face du quartier général de la police de Kaboul, une entreprise avec pignon sur rue procure, contre des dollars, tout ce qui est nécessaire pour passer en Europe. Le service peut inclure depuis les faux papiers, de préférence des passeports pakistanais crédibles à s’y méprendre, jusqu’à de parfaites imitations de menaces de mort par les Talibans, particulièrement utiles à l’heure de demander l’asile politique.

 Les passeurs offrent de nombreux « packages ». Les plus onéreux (plus de 20.000 dollars) incluent le faux passeport, l’assistance par des fonctionnaires complices aux postes de contrôle et naturellement le billet d’avion, en général jusqu’à la Grande Bretagne. Une autre route, empruntée par quelque 50.000 Afghans chaque année, passe par les chemins montagneux à la frontière de l’Iran et de la Turquie, puis pénètre par terre ou par mer en Grèce et, ainsi, dans l’Union Européenne. Les Afghans visent aussi l’Australie, via la Malaisie et l’Indonésie.

 Tout est question d’argent : rien n’est impossible pour qui peut payer. En général, un quart est payable comptant et le reste une fois arrivé à destination, mais la probabilité d’être victime en cours de route de gangs criminels n’est pas négligeable.

 Voici dix ans que l’OTAN est en Afghanistan. Qu’avons-nous fait pour que les habitants de ce pays cherchent à le fuir en masse et que la corruption soit institutionnalisée à ce point ?

 Photo « The Guardian » : émigrés Afghans arrivés par la Turquie dans l’ile grecque de Lesbos.