Porte-parole

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Le directeur de la communication du premier ministre britannique David Cameron, Andy Coulson, vient de démissionner à la suite d’un scandale d’écoutes téléphoniques.

En décembre 2005, les services de Buckingham Palace saisissent Scotland Yard. Le journal The News of the World, un titre du groupe Murdoch, a diffusé des indiscrétions sur la vie du Prince William qui ne peuvent venir que d’écoutes pratiquées sur son téléphone portable. L’enquête aboutit en août 2006 à l’arrestation du correspondant du journal auprès de la maison royale et d’un journaliste d’investigation.

Le rédacteur en chef est Andy Coulson. Il démissionne en janvier 2007, affirmant que le piratage téléphonique était le fait d’individus isolés et qu’il n’en était pas informé. En juin 2007, il devient directeur de la communication du Parti Conservateur puis, après la victoire électorale des Conservateurs aux côtés des libéraux en mai 2010, directeur de la communication du 10 Downing Street.

Entre temps, le scandale s’amplifie. De nombreuses vedettes de la politique, du sport, du cinéma et du petit écran découvrent que leurs communications ont été systématiquement interceptées par The News of the World. Le journal parvient à acheter le silence de certaines ; d’autres portent plainte. Malgré les dénégations de Coulson, il apparait de plus en plus que l’espionnage des téléphones portables était une technique rédactionnelle encouragée et organisée par la direction du journal.

Il est peu probable que le scandale s’arrête avec la démission d’Andy Coulson, qui représente un coup dur pour le premier ministre. Saluons la jolie formule de son ex directeur de la communication : « quand le porte-parole a besoin d’un porte-parole, il est temps de tourner la page ».

Photo The Guardian, 22 janvier 2011 : Andy Coulson retourne chez lui après avoir remis sa démission au premier ministre.

Tom Lubbock

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Le  caricaturiste, collagiste et critique d’art Tom Lubbock est décédé le 9 janvier d’un cancer au cerveau à l’âge de 53 ans. Il avait raconté sa perte progressive du langage dans un poignant article publié par The Observer.

« Transhumances » a rendu compte du témoignage de Tom Lubbock le 18 novembre sous le titre « quand les mots m’ont lâché. » Dans The Guardian du 11 janvier, Kevin Jackson écrit la nécrologie de son ami Tom.

Il souligne son humour, illustré dans le collage reproduit ici et réalisé en 2002 : la carte administrative du monde se lit comme la juxtaposition de « ciels » et « d’enfers », une jolie représentation de la philosophie politique de « l’axe du mal ».

Kevin Jackson cite les derniers mots de l’article « when the words failed me », « quand les mots m’ont lâché » :

« The final thing. The illiterate. The dumb.

Speech?

Quiet but still something?

Noises?

Nothing?

My body. My tree.

After that it becomes simply the world. »

« La chose finale. L’illettré. Le muet. / Langage ? / Tranquille, et pourtant quelque chose ? / Des bruits ? / Rien ? / Mon corps. Mon arbre. / Après cela il devient simplement le monde. »

 

Illustration tirée de The Guardian : collage par Tom Lubbock

Le principe de rédemption

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Qu’est-ce qui nous fait considérer la loi du « œil pour œil dent pour dent » comme barbare ? Un cas judiciaire récent en Iran nous amène à nous poser la question.

Dans The Guardian du 30 décembre on lit l’information suivante : « Un Iranien reconnu coupable d’une agression à l’acide a été condamné à perdre un œil et une oreille. L’homme, identifié seulement comme Hamid, a aussi été condamné à payer le prix du sang après avoir été déclaré coupable de l’agression commise en 2005, selon l’agence iranienne Fars. »

Qu’est-ce qui m’a fait hérisser le poil à la lecture de cette dépêche noyée au milieu de dizaines d’informations plus considérables ?

L’horreur que j’éprouve tient certainement au fait que je ne considère pas l’œil comme un organe parmi d’autres. Je dirais volontiers d’un être cher que « j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux ». J’accepterais de bon gré une opération chirurgicale sur n’importe quelle partie de mon corps. Le jour où je devrais être opéré de la cataracte, je m’obligerais à un travail en profondeur sur les ressorts de cette phobie.

Mais Hamid aurait aussi pu être condamné à l’amputation d’une main ou d’un pied. C’est l’irréversibilité de la peine qui pose problème. Il y a d’abord le risque de l’erreur judiciaire, au cœur du débat sur la peine de mort aux Etats-Unis. Mais il y a aussi une question éthique, qui se joue autour du concept de rédemption. Quelqu’un qui a commis une faute, aussi lourde soit-elle, doit payer pour cette faute mais doit aussi se voir reconnaître le droit de se racheter. Exécuter ou amputer un criminel, c’est considérer que sa faute est inexpiable, que sa vie doit s’arrêter ou s’estropier à jamais.

Nos sociétés occidentales sont loin de parvenir à inscrire le principe de rédemption dans les faits. Leur système pénitentiaire châtie mieux qu’il ne réinsère. Mais le cadre éthique de référence est bien la croyance dans le fait qu’aucun humain n’est si radicalement vicié qu’il ne puisse jamais s’amender. C’est exactement à l’opposé de la philosophie de « l’oeil pour oeil ».

Illustration : « la traversée du Styx » par Joachim Patinir, Musée du Prado, Madrid

Les Nigérians sont optimistes !

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Selon une récente enquête d’opinion, les Français sont les champions du monde du pessimisme. Les Nigérians, au contraire, regorgent d’optimisme.

Humeur ténébreuse en France…

Le Monde du 4 janvier a mentionné les résultats d’un sondage d’opinion réalisé par les instituts BVA et Gallup International Association auprès de plus de 64 000 personnes dans 53 pays et publiés la veille dans « Le Parisien – Aujourd’hui en France ». Il apparait que les Français détiennent la palme du pessimisme. Au classement des plus optimistes, les Vietnamiens arrivent juste avant les Nigérians, les Ghanéens, les Chinois, les Brésiliens et les Bengalis. Dans la catégorie des plus pessimistes, juste derrière les Français arrivent les Islandais, les Britanniques, les Roumains, les Serbes, les Lituaniens et les Kosovars, tous des peuples européens.

Le Parisien a interrogé un expert indien, Gurdaran Das. « Parfois, dit-il, j’imagine un peu la France comme un gros chat rassasié, confortablement assoupi auprès du feu… Il faut avoir un peu faim pour savourer le bonheur. » M. Das a une autre explication, plus valorisante : « Relisez André Gide, Malraux, Flaubert… Nulle part ailleurs, vous ne trouverez cette clairvoyance et cette lucidité profondes sur soi-même ! Peut-être que votre pays se montre plus pessimiste que les autres tout simplement parce que l’esprit français est plus rapide à traduire en mots et en pensées tous les dysfonctionnements de la planète. » Pessimiste et lucide, voilà bien le génie français. On pourrait ajouter la déception des français à l’égard de sa classe politique, en particulier la fraction de celle-ci qui exerce actuellement le pouvoir.

… Rêves dorés au Nigéria

Mais faisons un tour du côté des peuples optimistes. The Guardian du 5 janvier reproduit un article de Bim Adewunmi, une binationale nigériane et britannique, intitulé « le Nigéria, l’endroit le plus heureux de la terre ».

« Le hall des arrivées à l’aéroport international Murtala Mohammed de Lagos a cette sorte d’humidité qui fait se sentir comme une serviette chaude. A l’instant où vous défaites de cette impression, un panneau massif vous accueille fièrement au Nigéria. Sous le mot de bienvenue, écrit dans une écriture cursive chaleureuse, on lit le slogan : « l’endroit le plus heureux du monde ! »

La dernière fois que j’ai visité le Nigéria, ce slogan m’a faite éclater de rire. Mais maintenant une étude mondiale l’a confirmé : dans un sondage Gallup, les Nigérians recevaient la note 70 pour l’optimisme. Par contraste, les Britanniques obtenaient une note profondément pessimiste, -44. Pourquoi la Grande Bretagne est-elle si maussade ? Et qu’est-ce qui peut bien rendre les Nigérians heureux ?

Au premier regard, c’est difficile à voir. Le Nigéria est vu comme un endroit où la corruption prospère (…) La violence sectaire n’arrête pas de grimper, tout récemment avec des bombes la veille de Noël dans la ville de Jos, au nord. Et les Nigérians ne sont pas non plus étrangers à la guerre civile et aux troubles, les plus terribles ayant été la guerre du Biafra, pendant trois ans. Et puis il y a la pauvreté écrasante. Et pour couronner le tout, les escrocs passibles du « 419 » (article du code pénal nigérian) – tous ces « princes » qui cherchent à placer leur millions dans des comptes dans vos banques – qui sont devenus, d’une manière embarrassante, l’une des plus fameuses exportations du Nigéria.

Mais si l’on fait l’effort de mieux regarder, l’optimisme semble moins déplacé. Le Nigéria est la troisième plus grande économie d’Afrique – et cette économie ne cesse de croître. On répète souvent qu’un Africain sur 20 est Nigérian. Les Nations Unies estiment la population à 154.729.000 habitants, ce qui est étonnant pour une nation dont la taille est environ deux fois celle de la Californie.

Le Nigéria a toujours combattu au dessus de son poids dans le domaine artistique aussi, depuis la musique de Fela Kuti et Tony Alen aux travaux littéraires de Chinua Achebe, Cyprian Ekwensi et Ola Rotimi, de même que le Prix Nobel Wole Soyinka. L’art Yok, Yoruba et Bénin est mondialement célébré pour sa complexité et sa beauté. Et il y a le pétrole brut, qui fait du pays le douzième producteur mondial (…)

La vie quotidienne n’est guère une séquence de bal en technicolor, mais je n’ai jamais vécu dans un endroit aussi joyeux – et j’ai une fois vécu dans la patrie hippie, la Californie. Je ne peux donner une réponse définitive, mais je crois que la joie vient du fait de voir et de passer à travers du pire de ce que la vie peut offrir ; c’est un optimisme né de l’espoir(…)  Il y a un esprit d’entrepreneurs – les gens s’étonnent si l’on admet un manque d’ambition. Les Nigérians veulent bouger, et croient, à tort ou à raison, qu’ils le peuvent. Cette ambition et ce programme nourrissent leur optimisme ; ils travaillent pour le bonheur, donc ils sont heureux(…)

Mon père cite souvent un proverbe Yaruba : « Jimoh to ma l’oyin, Alamisi le yan ma ti mo. ». En gros, il se traduit « si le vendredi va être doux, vous le saurez le jeudi ». Il peut sembler que les Nigérians n’ont pas beaucoup de raison d’être heureux, mais peut-être ont-ils déjà vu ce que vendredi leur promet, et ce qu’ils voient les réjouit. »

Photo « The Guardian » : Supporters à l’intronisation du président Umaru Musa Yar’Adua en 2007