Langues nationales ?

100615_bart_de_wever.1276638296.jpg

En Belgique, le score élevé obtenu aux élections par le parti autonomiste flamand NVA atteste de l’exacerbation du conflit linguistique dans le pays.

Pourtant, Gary Young explique dans le quotidien britannique The Guardian le 15 juin que les langues nationales sont souvent le fruit et l’instrument de l’unification politique des pays, alors qu’on les présente volontiers comme « les fondations primordiales de la culture nationale et les matrices de l’esprit national » (Eric Hosbawn).

Le meilleur exemple de cela est l’Hébreu, qui à la fin du 18ième siècle se trouvait réduit à une langue classique – une langue religieuse réservée aux liturgies et à la synagogue- mais presque jamais parlée socialement. Le faire revivre d’une langue écrite à une langue parlée fut regardé comme crucial par le projet sioniste qui créa l’Etat d’Israël. C’est une langue maternelle que les enfants ont enseigné à leurs mères.

Historiquement, il y a un lien particulièrement lâche entre les nations modernes et leur soi-disant langue nationale. L’idée qu’un monarque britannique devrait parler l’anglais comme sa langue natale – ou même la parler tout court – est relativement récente, et les barons responsables de la Carta Magna, qui sont aujourd’hui célébrés parmi les premiers patriotes, ne parlaient pas anglais. Hobsbawm estime que seuls 2.5% des Italiens parlaient la langue nationale au moment de l’unification. « Nous avons fait l’Italie. Maintenant nous devons faire les Italiens », dit Massimo d’Azelio à la première réunion du Parlement de l’Italie unifiée en 1861.

Au moment de la révolution française, la moitié de la France ne parlait pas français et seulement 12 – 13% le parlait correctement. Et en Espagne, la question est loin d’être résolue. La langue officielle est le castillan, mais environ un quart du pays parle aussi l’une des trois langues régionales co-officielles, le catalan, le basque ou le galicien.

« Le 19ième siècle en Europe a marqué un tournant historique dans la construction du nationalisme moderne », écrivent Tony Judt et Denis Lacorne dans leur introduction à la Politique du Langage. « Nul ne dit plus que la nation existe parce qu’elle a une langue », mais plutôt « la nation existe, il faut donc lui donner une langue », quitte à reléguer les langues effectivement parlées au statut de dialectes.

Photo « The Guardian » : Bart De Wever, leader du parti autonomiste flamand NVA avec des supporters.

Prague et l’Euro

100531_prague6.1275380371.JPG

La République Tchèque a choisi pour le moment de ne pas entrer dans la zone Euro. Mais ce choix, ou non choix, n’est guère confortable.

Beaucoup de facteurs poussent la République Tchèque à renoncer à sa monnaie, la Couronne, au profit de l’Euro : la proximité du puissant voisin allemand, son premier partenaire commercial, la vitalité de l’industrie touristique et par-dessus tout la décision du pays frère et rival, la Slovaquie, d’adopter la devise européenne. On pourrait aussi dire que, d’une certaine manière, les Pragois se sont déjà mis à l’Euro : beaucoup de prix sont d’ores et déjà affiché à la fois dans la devise nationale et la devise européenne.

Un fantasme est à la mode sur les rives de la Vltava : l’émergence d’une vraie monnaie internationale construite sur la base des droits de tirage spéciaux du FMI. Elle s’imposerait a toutes les nations et dispenserait la Tchéquie d’un choix cornélien : y aller ou non ?

Le débat est devenu plus aigu ces dernières semaines avec la crise grecque. D’une part, la cure d’austérité inouïe imposée au peuple grec fait office de repoussoir dans l’opinion publique. Mais d’un autre côté, les Tchèques se demandent si leur coquetterie ne leur a pas fait perdre une occasion historique. Les Slovaques sont entrés dans l’Euro dans une période de bienveillance. Les nouveaux venus devront montrer patte blanche, prouver que leur comptabilité nationale n’est pas truquée et qu’ils respectent scrupuleusement les critères de Maastricht que de grands pays comme la France ont allègrement jeté par-dessus bord.

Photo « transhumances »

Flottille

100601_steve_bell_israel.1275413708.jpg

L’arraisonnement meurtrier de la flottille humanitaire pour Gaza a inspiré à Steve Bell, du quotidien britannique The Guardian, un dessin cruel.

Dans le dessin de Steve Bell, le drapeau israélien porte la tête de mort des pirates et le barbelé du blocus de Gaza.

Au journal du soir de France 2 le 31 mai, un officiel israélien tentait de justifier l’agression. La flottille soi-disant humanitaire n’était qu’un masque du Hamas ; les soldats étaient en état de légitime défense et n’ont tué que pour se défendre. Pas un mot sur l’illégalité du blocus de Gaza, condamné par une résolution des Nations Unies. Pas un mot bien sûr sur l’illégalité d’un acte de piraterie commis dans les eaux internationales. Pour ce porte-parole, l’opération était légitime ; elle était couronnée de succès puisque les bateaux arraisonnés ont été interceptés.

L’autisme des dirigeants israéliens est dangereux pour Israël lui-même. Les voisins les mieux disposés, Egypte et Turquie, arrivent à bout de patience. Le jour, peut-être pas si lointain, où les Etats-Unis considèreront que leurs intérêts ne coïncident plus totalement avec ceux d’Israël, des craquements se produiront.

Illustration de Steve Bell, The Guardian, 1er juin 2010

Réception à Westminster

100527_ouverture_parlement.1274977910.jpg

Etre invité dans les salons du Parlement britannique quelques semaines après l’élection constitue une expérience intéressante.

Il est fréquent que des entreprises ou des associations, parrainées par des Membres du Parlement ou des Lords, organisent des cocktails dans les salons de la House of Parliament et leurs balcons surplombant la Tamise. Je participe régulièrement à la réception de printemps de l’association des exportateurs britanniques, Bexa.  Nous sponsorisons cet événement et y invitons des clients.

Voyant que je suis arrivé à  l’avance, un policier en faction m’invite à me rendre la galerie des visiteurs de la Chambre des Communes. Les mesures de sécurité sont sévères et une vitre nous sépare des quelques députés qui, dans la salle des séances, débattent de l’engagement britannique en Afghanistan. La disposition de la salle des séances est clairement antagonique : Majorité et Opposition se font face au lieu d’être disposées en hémicycle. Une vaste table les sépare, sur laquelle est disposé un sceptre. Deux personnages en perruque siègent à l’extrémité de la table ; derrière eux, le Speaker, ou président du Parlement. Aujourd’hui, l’ambiance est polie : le nouveau secrétaire d’Etat à la Défense rend hommage au travail de son prédécesseur, assis en face de lui. D’ici peu de temps, d’autres débats donneront lieu à des vociférations soigneusement codifiées.

Bexa avait invité à son cocktail le ministre du commerce extérieur du « shadow cabinet » conservateur, Geoffrey Clifton-Brown. Malheureusement pour ce dernier, le poste est finalement revenu à un libéral démocrate, Ed Davey. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Geoffrey vante les mérites de la coalition et présente chaleureusement son heureux rival. Au fair-play britannique s’ajoute l’humour décapant du président de Bexa, Sir Richard Needham. Les exportateurs présents au cocktail sont plutôt optimistes : si nous avons résisté à la crise de 2008 et 2009, la gueule de bois européenne ne nous fait pas peur.

(Photo The Guardian : ouverture de la session du Parlement par la Reine).