Yayoi Kusama

Yayoi Kusama, Passing Winter, 2005

La Tate Modern de Londres présente jusqu’au 5 juin une rétrospective de l’artiste japonaise Yayoi Kusama, née en 1929.

 « Yayoi Kusama est peut-être le mieux connu des artistes japonais vivants, dit le catalogue de l’exposition. Depuis les années 1940, elle a travaillé de manière obsessive, développant un corpus de travaux qui inclut la peinture, la sculpture, le dessin et le collage aussi bien que des installations enveloppantes à grande échelle, pour lesquelles elle est le mieux connue. Une bonne part de l’art de Kusama a une intensité presque hallucinatoire qui reflète sa vision, que ce soit à travers une accumulation fourmillante de détails ou par des motifs chargés de pointillés. Dans les années 60 et 70, elle devint une figure majeure de l’avant-garde new-yorkaise (…) Depuis son retour au Japon en 1973, elle a continué à se réinventer comme une romancière et une poétesse, tout en revenant à l’art de la peinture, de la sculpture et de l’installation. »

 Parmi les œuvres les plus remarquables, citons « Agrégation : exposition de mille bateaux » de 1963. La sculpture toute blanche représente un canot et ses rames. Les formes sont données par des centaines de phallus. Le spectateur se sent comme opprimé par cette obsession, à l’opposé de l’image de liberté que le thème marin est censé véhiculer.

 Dans le film « l’auto oblitération de Kusama » (1967), l’artiste nous emmène dans un torrent d’images et de sons, dans l’ivresse et les vapeurs du mouvement hippie.

 L’artiste a recréé pour l’exposition une installation intitulée « salle d’infinité réfléchie dans des miroirs et remplie par la brillance de la vie ». Le spectateur est environné de petites lampes qui s’allument, s’éteignent et changent de couleurs et se reflètent dans une série de miroirs.

 Les œuvres peintes par Yayoi Kusama ces dernières années renouent avec des thèmes de jeunesse : graines, pointillés, yeux, fleurs, citrouilles… Elles étincellent de couleurs.

Alighiero Boetti, Game Plan

 

Alighiero Boetti, Mappa (Carte)

 

La Tate Modern de Londres présente jusqu’au 27 mai une exposition intitulée « Alighiero Boetti, Game Plan ».

 Quelle étrange personne qu’Alighiero Boetti, né en 1940 et décédé des suites d’un cancer en 1994 ! L’artiste est obsédé par le jeu et par le temps. Par jeu, il place au cœur de sa maison une lampe qui s’allume, au hasard, une fois par an pendant 11 secondes. Par jeu, il envoie des courriers à de fausses adresses et les réexpédie à une autre fausse adresse lorsque le service postal les lui restitue. Par jeu, il passe avec sa femme des mois à classifier les 1000 fleuves les plus longs du monde par ordre de longueur, puis à broder leurs noms sur une immense tapisserie, et enfin à reconnaître qu’il est impossible de mesurer précisément la distance d’un fleuve. De 1971 à sa mort, il fait travailler des brodeurs d’Afghanistan puis du Pakistan : ils réalisent des cartes du monde politique. C’est un travail de patience, toujours à la merci d’un bouleversement politique comme la disparition de l’Union Soviétique.

 On peut dire que Boetti a perdu son temps à jouer. Il avait réalisé deux plaques en bronze, l’une avec la date de sa naissance, l’autre portant la date statistiquement probable de sa mort, en 2023. La mort a sifflé précocement la fin de partie.

 L’exposition laisse le spectateur frustré. Je ne suis pas sûr que cela eût déplu à Alighiero Boetti, qui s’en serait peut-être amusé !

Georg Herold à la Saatchi Gallery

La Saatchi Gallery de Londres présente jusqu’au 15 avril une exposition intitulée « Gesamhuntswerk », un nouvel art d’Allemagne.

 Parmi les œuvres présentées, deux sculptures de Georg Herold, artiste allemand né en 1947, nous ont particulièrement intéressés. Chacune expose un corps humain filiforme, à la fois tendu à la limite de la souffrance et comme sexuellement offert. Les matériaux utilisés sont des lattes de toit, de la toile, du fil, des vis… La couleur vive des sculptures les rend irréelles, comme abstraites de la matière.

Illustrations : oeuvres sans titres de Georg Herold, 2011.

Hajj, voyage au coeur de l’Islam

Le British Museum présente jusqu’au 15 avril une exposition intitulée « Hajj, a journey to the heart of Islam ».

 Il n’est pas facile de produire une exposition sur le pèlerinage à La Mecque, tant les susceptibilités sont à fleur de peau, tant du côté Musulman qu’Occidental. Les commissaires de l’exposition ont surmonté les obstacles. Elle dresse un portrait flatteur du cinquième pilier de l’Islam, mais ne censure pas par exemple le voyage incognito de l’explorateur Richard F. Burton à La Mecque en 1855 – malgré l’interdiction des non-musulmans dans ce lieu sacré – et elle donne un espace à de jeunes artistes qui expriment le Hajj selon les canons de l’art moderne (c’est le cas de Magnétisme, œuvre peinte en 2011 par Ahmed Mater).

 Lorsqu’ils se rendent à La Mecque, les pèlerins sont invités à un voyage au centre du monde (musulman) et à se recentrer eux-mêmes sur ce qui est essentiel. Ils ont au préalable remboursé leurs dettes et se sont mis en paix avec leurs proches. Ils se vêtent d’un vêtement blanc (irham), signifiant ainsi qu’il ne peut y avoir de différences en ce lieu et ce moment entre races ou conditions sociales. Ils se sentent membres de l’humanité, par l’intermédiaire du prophète Mohamed, d’Abraham et Ismaïl, constructeurs de la Kaaba, et d’Adam, qui apporta du Paradis une pierre blanche noircie par le péché des hommes.

 Parmi les découvertes de cette exposition, je citerais le pèlerinage du roi malien Mansa Musa en 1324 – 1325. Son voyage de Tombouctou à La Mecque par Ain Salah, Ghadames, Aujilla, Le Caire, Akaba et Médine fut spectaculaire : son convoi comportait 8.000 personnes dont 500 esclaves, marchant en tête chacun portant 2kg d’or. Les dépenses de Mansa Musa en Egypte furent si extravagantes que l’économie en fut déprimée pendant une dizaine d’années.

Près de trois millions de personnes ont fait le pèlerinage à La Mecque en 2011, dont 25.000 Britanniques et 23.000 Français. Les Indonésiens sont l’un des peuples les mieux représentés, avec pas moins de 250.000 pèlerins.

 Photo de l’exposition au British Museum : certificat de Hajj, 17ième – 18ième siècle. Au centre de l’image, la Kaaba.