Susan Hiller à la Tate Britain

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La Tate Britain présente une exposition consacrée à l’artiste Susan Hiller, née aux Etats-Unis en 1940 et qui travaille en Grande Bretagne depuis le début des années 1970.

« Hiller juxtapose des connaissances dérivées de l’anthropologie, de la psychanalyse et d’autres disciplines scientifiques avec des matériaux généralement considérés comme non importants tels que des cartes postales, des papiers peints, des films populaires ou des annonces sur Internet ; elle joue à la fois sur le familier et sur l’inexpliqué et invite le spectateur à  participer à la création du sens », dit le catalogue de l’exposition. Nous avions déjà trouvé ces caractéristiques, utilisation de matériaux de la vie de tous les jours et invitation au spectateur à trouver lui-même une signification, dans les collages de John Stezaker.

Une œuvre particulièrement intéressante est intitulée « From the Freud Museum » ; elle fut en effet initialement conçue pour la Maison de Freud à Londres. Une série de boites ouvertes associent un objet (un disque, des têtes en porcelaine peinte etc.) et une image onirique qui confère à l’objet un aspect insolite et troublant.

« Witness » est une série de morceaux de verres et de microphones suspendus du plafond dans une salle obscure. Chaque microphone raconte une histoire de rencontre avec des OVNI. Il y a des dizaines de microphones, de locuteurs et de langues. Le murmure qui s’en dégage et la couleur bleue dans laquelle baigne toute l’œuvre donnent à la fois un sentiment d’étrangeté et d’harmonie.

Illustration : « Witness » de Susan Hiller

Rouen, Abbatiale Saint-Ouen

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L’Abbatiale Saint Ouen de Rouen, à quelques centaines de mètres à peine de la Cathédrale, est un chef d’œuvre du gothique tardif.

Pénétrant dans l’abbatiale, on est transporté par la verticalité du monument. L’espace est totalement vide, ce qui accentue l’impression d’être aspiré vers le haut. Les murs qui supportent l’édifice sont incroyablement fins, à la manière de la Sainte Chapelle à Paris. Ils laissent un vaste espace aux verrières, dans lesquelles s’engouffre la lumière.

Alors qu’enthousiastes nous nous laissons envahir par la beauté céleste du monument, deux cantatrices improvisent un duo dans la nef. Leurs voix sont amplifiées. C’est un moment divin.

La construction de l’Abbatiale Saint Ouen a commencé au quatorzième siècle et s’est poursuivie jusqu’au seizième. La technique des architectes du gothique avait alors atteint un niveau de perfection. Ils nous sont laissé un bouleversant témoignage.

Photo « transhumances »

Aquarelle à la Tate Britain

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A Londres, la Tate Britain propose une magnifique exposition consacrée à l’aquarelle (Watercolour).

« Cette exposition explore ce que l’aquarelle peut produire en termes de technique et d’expression qu’aucun autre moyen ne peut produire, et pourquoi elle est capable de rendre une variété d’effets surprenante, depuis des atmosphères subtiles jusqu’à des couleurs brillantes et translucides », dit le catalogue de l’exposition. Conformément à la vocation du Tate Britain, elle présente exclusivement des œuvres d’artistes britanniques.

L’aquarelle a longtemps eu la réputation d’une technique pauvre : c’était la boite de gouaches que le voyageur emmenait avec lui pour saisir sur le vif des paysages ou des scènes de guerre avant de les reproduire sur la toile ; c’était la technique utilisée par les amateurs, en particulier les femmes d’aristocrates anglais qui en faisaient leur loisir, a défaut de pouvoir peindre à l’huile et en grand format. L’exposition prouve que cette technique a été utilisée par des artistes majeurs, des miniaturistes médiévaux à Turner ou Kapoor, et qu’elle a produit des chefs d’œuvre.

L’exposition est organisée par thèmes, ce qui permet d’associer des œuvres d’époques différentes. Une salle particulièrement intéressante montre l’utilisation de l’aquarelle pour décrire la flore et la faune et disséminer la connaissance.

Elle me permet de découvrir le peintre anglais Edward Burra (1905 – 1976), dont deux tableaux à l’aquarelle sont présentés : une église mexicaine totalement imprégnée de religiosité doloriste et un tableau de 1941 intitulé « soldats à Rye » qui exprime les horreurs de la guerre par, nous dit le catalogue de l’exposition, « une image carnavalesque qui rappelle le Symbolisme et le Surréalisme ». Son style fait penser à celui de son contemporain allemand Max Beckman.

Illustration : église mexicaine, Edward Burra, 1937.

Le Musée Nissim de Camondo

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En bordure du Parc Monceau à Paris, le Musée Nissim de Camondo présente une magnifique collection de meubles, de porcelaine et de tableaux de la seconde moitié du dix-huitième siècle.

L’histoire du musée est celle d’une famille juive d’Istanbul, financiers de l’Empire Ottoman et de l’Unité italienne. Deux frères s’installent à Paris à la fin du second Empire. Moïse de Camondo (1860 – 1935), fils de l’un d’entre eux, collectionne des objets d’art décoratif de la seconde moitié du dix-huitième siècle. Pour abriter ses collections, il fait construire en 1911 un hôtel particulier en bordure du Parc Monceau.

Le fils de Moïse, Nissim, meurt pour la France en 1917 dans un combat aérien. En son souvenir, son père lègue à la République son hôtel particulier et ses collections, pourvu que l’ensemble prenne le nom de Nissim de Camondo. Béatrice, second enfant de Moïse, et ses deux enfants, mourront en déportation.

Le musée est profondément émouvant en raison de la générosité, si mal payée en retour, d’une famille d’Orient pour la France, son pays d’adoption. La fascination qu’exerçait l’âge d’or français, celui des Lumières, sur Moïse de Camondo, un juif sépharade, est touchante, elle aussi. Tout dans l’architecture et l’art décoratif de la seconde moitié du dix-huitième siècle est symétrie, clarté, harmonie. Pourtant, sous l’apparente stabilité et la promesse d’éternité de l’art classique était à l’œuvre la tectonique des plaques sociales et politiques qui allait provoquer le tremblement de terre et le tsunami de la Révolution.

Au second étage, la bibliothèque est une salle elliptique aux parois boisées dont la porte-fenêtre s’ouvre sur un jardin et sur le Parc Monceau. Tout y est intériorité, ouverture d’esprit, sérénité.

Illustration : la bibliothèque du Musée Nissim de Camondo.