Chris Ofili

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 Une exposition consacrée au peintre britannique d’origine nigériane Chris Ofili s’est ouverte au Tate Britain à Londres. Pour beaucoup de visiteurs, c’est une véritable révélation.

Né à Manchester en 1968, formé à Londres, Chris Ofili s’est fait connaître dans les années quatre vingt dix par ses grandes toiles inclinées, éclatantes de couleurs, à base de collages, de résine, d’épingles et de paillettes, avec une signature africaine : le crottin d’éléphant. Dans le Financial Times, Jackie Wullschlsager écrit : « être noir est essentiel à l’art d’Ofili comme être juif l’était à celui de Chagall, ou être gay l’était à celui d’Hockney. Tous les trois ont su d’une manière exceptionnelle inventer un nouveau langage visuel pour cette expérience qui guidait le chemin de leur peinture. L’utilisation par Ofili du crottin d’éléphant  – qui suggère le pouvoir noir, la chair noire, les mauvais traitements au peuple noir – est plus qu’un gadget déstabilisant, il équilibre sa douceur décorative et permet ainsi une méditation sur la beauté. »

Le centre de l’exposition est occupé par une installation conçue et réalisée conjointement par Ofili et l’architecte David Adjaye, appelée « la salle haute ». Il s’agit d’une longue salle voûtée de bois. A gauche et à droite sont alignés douze tableaux représentant des singes levant une coupe, chacun réalisé avec une couleur vive. Une toile plus grande est exposée sur le mur du fond. Elle présente « le singe d’or », celui vers lequel se tourne le regard de tous les autres. Le symbolisme eucharistique est ici évident : douze personnages, la chambre haute, les coupes. Ofili a reçu une éducation catholique, et interprète à sa façon la tradition biblique. Une de ses toiles, aussi présentée à la Tate, est intitulée « la Sainte Vierge Marie » et avait fait scandale aux Etats-Unis : la Vierge est africaine, des vignettes découpées de magazines pornographiques occupent la place traditionnelle des putti dans l’imagerie religieuse et, naturellement, un crottin d’éléphant s’est invité sur la toile. Le thème marial aussi est implicitement présent dans une œuvre intitulée selon la chanson de Bob Marley « no woman no cry » : une femme pleure la mort de son fils assassiné par la police. C’est une vraie piéta, d’une sensibilité magnifique.

En 2005, Chris Ofili a élu domicile dans l’île de Trinidad aux Caraïbes. Son style évolue. J’ai trouvé extraordinaire une série d’aquarelles intitulées Afromuses. Les corps et les chevelures sont noirs. Il y a le blanc des yeux, le bleu des plissures de la peau, le rouge des lèvres, quelques bijoux d’émeraude ou d’opale. Cette peinture est physique, musicale et sensuelle.

Alors que commence l’exposition Ofili au Tate Britain, s’achève l’exposition Turner et ses maîtres. Trésors du passé, promesses d’avenir.

(Photo The Holy Virgin Mary, Chris Ofili 1996. www.tate.org.uk).

Mariza

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 La chanteuse de Fado portugaise Mariza vient de donner deux concerts au Royal Festival Hall de Londres.

La silhouette de Mariza est reconnaissable, mince, immense, chevelure blonde coupée court, de longues mains qui définissent, griffent et caressent l’espace. Elle porte une longue robe noire, une couleur qui évoque l’Afrique de sa maman mozambicaine et dénote l’âme portugaise. Il y a trois sortes de tristesses en Europe, dit-on, la russe, la hongroise et la portugaise.

La voix de Mariza exalte la langue portugaise, qui a partie liée avec les océans : mouvements de houle au gré des diphtongues, vagues s’échouant chuintantes sur la grève, souffle des mots qui viennent doucement mourir sur une voyelle muette.

La chanteuse est accompagnée de cinq musiciens exceptionnels : trois guitaristes virtuoses du Fado, mais aussi un percussionniste et un pianiste trompettiste avec qui elle s’avance sur des territoires musicaux plus modernes. Ils sont tous si brillants que lorsqu’elle les laisse à certains moments seuls en scène, le public les applaudit à tout rompre.

Le public est enthousiaste. Il y a là beaucoup de Portugais, naturellement, des Espagnols, des Latino-américains. Les Britanniques sont nombreux. Le Portugal est l’une de leurs destinations de soleil favorites et ils ont adopté Mariza. Entre la salle et l’artiste le courant passe, et ce moment est électrique.

(Photo : Mariza, www.mariza.com)

Une histoire du monde en 100 objets

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La chaîne culturelle britannique BBC Radio 4 propose une série de conférences du Directeur du British Museum Neil McGregor sur le thème « une histoire du monde en 100 objets ».

Chaque conférence dure 15 minutes. Elle porte sur des objets de la collection permanente du Musée. Elle illustre le contexte géographique, économique, historique, socioculturel et artistique dans lequel un objet a été créé.

La série couvre une immense période, depuis des outils néolithiques de Tanzanie jusqu’à des bronzes chinois datant de 300 avant notre ère. Les visiteurs du Musée se voient proposer un plan des salles où sont exposés les objets. Chacun fait l’objet d’un affichage spécifique.

Les émissions de BBC Radio 4 peuvent être écoutées sur Internet, www.bbc.co.uk/ahistoryoftheworld.

(Photo British Museum : deux rennes nageant, objet trouvé à Montastruc, France, sculpté dans une corne de Mammouth lors de la période glaciaire, 13.000 ans avant notre ère)

Prenez soin de vous

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L’exposition de Sophie Calle « Talking to strangers » s’achève aujourd’hui au centre culturel de Whitechapel à Londres.

Sophie Calle, 57 ans, installée à Malakoff, est connue pour ses installations photographiques et cinématographiques. L’exposition « Talking to strangers » inclut « Prenez soin de vous », qui fut présentée en français à la Biennale de Venise en 2007.

Sophie reçoit de son amant un message électronique annonçant la rupture de leur relation. Elle le donne à interpréter à 107 femmes, dont certaines sont des célébrités, comme Arielle Dombasle, Mazarine Pingeot ou Florence Aubenas, d’autres des spécialistes reconnues dans leur discipline, d’autres enfin des femmes ordinaires, comptable, lycéenne, institutrice ou traductrice.

L’exposition s’ouvre sur une galerie de portraits des correspondantes de Sophie, chacune dans son environnement propre, chacune avec son propre caractère et sa propre lumière.

La salle centrale est consacrée à l’expression d’artistes, chanteuses ou comédiennes sur un mur d’écrans de télévision. Elles lisent ou chantent la lettre adressée à Sophie avec leurs propres sentiments et parfois la commentent. La partie la plus insolite de l’exposition est l’interprétation que font de la lettre des spécialistes par le prisme de leur discipline.

Une latiniste traduit le « nuntium electronicum » (courriel) en latin, en s’appuyant sur les traductions de mots modernes codifiées par le Vatican. Une traductrice explique les problèmes rencontrés lors du passage à l’anglais : comment rendre dans cette langue l’usage insolite du pluriel « vous » par un ancien amant ? Le « thou », tu, n’est plus usité dans l’anglais d’aujourd’hui.

Le panneau consacré à une tireuse d’élite consiste seulement en une copie de la lettre de rupture, trouée par un impact de balle éclairé comme un diamant. Une criminologue dresse une sorte de portrait robot de l’auteur de la lettre. Une diplomate tente de comprendre pourquoi l’amant de Sophie ne semble pas avoir eu de stratégie de négociation. Une linguiste recherche, de Platon à Fernando Pessoa des citations où sont utilisés les mots clés de la lettre, et que son auteur avait peut-être en tête, explicitement ou de façon subliminale.

Il y avait beaucoup de monde à l’exposition, jeunes et moins jeunes, fascinés.

(Photo Whitechapel Gallery)