La Nuit Américaine

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Deux cinémas londoniens programment actuellement « La Nuit Américaine » de François Truffaut 1973).

Nous nous rendons généralement au cinéma pour voir des nouveautés. Nous regardons les films anciens en DVD ou à la télévision, et « La Nuit Américaine » est certainement l’un des films les plus rediffusés sur les chaînes françaises. C’est donc avec un sentiment étrange que nous prenons place dans une salle du Odeon Panton Street Cinema de Londres pour voir ce film vieux de près de quarante ans avec un regard neuf.

La Nuit Américaine, Day for Night en anglais, est un film sur le tournage d’un film, « je vous présente Paméla ». Le personnage principal est à la fois le réalisateur du film et celui du film sur le film, François Truffaut lui-même.

Il nous parle du travail du réalisateur, soumis à la pression du producteur, menacé par toutes sortes d’impondérables, comme la défection d’un acteur vedette, accablé par mille questions de détail qui ensemble feront le succès ou l’échec du film, travaillant la nuit à réécrire le scénario.

Il nous montre le tournage selon un planning qui ne doit rien à la progression de l’intrigue une fois le film monté, mais tout à la disponibilité des comédiens, de l’équipe technique et du matériel. Il insiste sur la répétition jusqu’à l’épuisement de la même scène. « Cette prise est parfaite » dit l’opérateur ; « recommençons ! » rétorque le réalisateur ».

Il nous fait voir les trucages du cinéma, les façades en carton plâtre, la pluie émise par des tuyaux percés, la neige en mousse, les figurants sortant d’une station de métro virtuelle selon des ordres donnés par haut parleur. Truffaut exprime dans le film la conviction que l’époque des films tournés en studio s’achevait avec lui. L’avenir lui a donné tort.

La Nuit Américaine constitue aussi un hommage au métier des comédiens. Les personnages principaux de « je vous présente Paméla » sont fragiles. Julie (Jacqueline Bisset) a quitté le précédent tournage pour cause de dépression ; Alphonse (Jean-Pierre Léaud) est un être immature dont les relations féminines tournent à la catastrophe ; Séverine est alcoolique, Alexandre mourra pendant le tournage d’un accident  de voiture. Lâché par sa petite amie du moment, Alphonse menace de tout laisser tomber. « Je sais, il y a la vie privée, mais la vie privée, elle est boiteuse pour tout le monde, lui dit Ferrand / Truffaut. Les films sont plus harmonieux que la vie, Alphonse. Il n’y a pas d’embouteillages dans les films, il n’y a pas de temps morts. Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. Les gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est fait pour être heureux dans le travail de cinéma ».

Parfois, la vie privée et le film se rejoignent. Trahie par Alphonse, Julie dit son amertume et son désespoir à Ferrand. Le lendemain, la réplique est dans la bouche de Paméla, le personnage qu’elle joue dans le film.

Photo du film « La Nuit Américaine » : Jean-Pierre Léaud, Jacqueline Bisset et François Truffaut.

Au-delà

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Le film « au-delà » de Clint Easwood prête à polémique pour ses thèses contestables sur ce qui se passe au-delà de la mort. Vu comme un conte fantastique, c’est un beau film servi par de superbes interprètes.

« Au-delà » pourrait, au premier degré, être pris pour un film à thèse. Ceux qui sont revenus de la mort relatent une expérience d’illumination blanche et de sérénité. Il est possible de communiquer avec les morts, lorsque ceux-ci ont quelque chose à nous dire ; ils peuvent même interférer directement avec nos vies et, par exemple, s’ils le veulent, prévenir des catastrophes. Il existe une conjuration des pouvoirs civils et religieux pour éviter que cela se sache.

On comprend que la critique soit souvent négative. C’est pourtant un beau film, original, avec de grands acteurs. Il commence par un chef d’œuvre d’effets spéciaux qui pourrait illustrer à l’avenir les cours d’histoire naturelle sur les tsunamis. La belle Marie (Cécile de France) est emportée par une vague gigantesque. Elle suffoque. Echouée, on tente de la ranimer mais elle est laissée pour morte. Elle revient pourtant à la vie. Son expérience de l’au-delà l’obsède. Elle se rappelle la lumière blanche qui l’a enveloppée, le sentiment de paix qui l’a submergée. Elle était journaliste de télévision célèbre et riche. Elle est maintenant incapable de se concentrer sur son métier. Elle n’a plus qu’une passion : faire partager son expérience de l’au-delà.

A San Francisco, George (Matts Damon) vient de changer de métier. Il exerçait avec succès la profession de médium, entrant en contact avec les défunts des clients venus le consulter. Il tente d’échapper à son destin, qui lui interdit toute relation normale : connaître au premier contact physique les secrets les plus intimes d’une autre personne court-circuite l’apprivoisement et génère la peur chez l’autre. George s’est fait ouvrier est s’est inscrit à un cours de cuisine italienne qui lui fait toucher du doigt et des papilles les saveurs du monde des vivants.

A Londres, le jeune Marcus (Franklie McLaren), âgé d’une dizaine d’années, vient de perdre à la fois son frère jumeau, tué par un camionnette, et sa maman, toxicomane internée dans un centre de sevrage. Il n’a qu’une idée : communiquer avec son frère, qui dans leur binôme a toujours été le leader, recevoir de lui des instructions.

C’est à Londres que les trois personnages se retrouvent. Marie présente à une foire du livre l’ouvrage qu’elle vient d’écrire sur la conjuration du silence face à l’au-delà. George a fait une escapade sur les traces de son idole, Charles Dickens. Marcus, qui a vu son site Internet, le reconnaît et l’importune jusqu’à ce qu’il accepte de le mettre en relation avec son frère.

George assiste à la présentation du livre de Marie. Revenue d’entre les morts, elle est la seule personne avec qui il partage l’expérience de l’au-delà, la seule avec qui l’amour puisse suivre son impétueux et lent chemin.

Illustration : Franklie McLaren et Matts Damon dans Au-delà.

Biutiful

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Javier Bardem a été primé à Cannes et nominé aux Oscars pour son rôle dans le film Biutiful de Alejandro González Inárritu.

Dans le Barcelone souterrain et interlope, Uxbal vit de trafics illicites. Il sert d’intermédiaire entre des ateliers clandestins chinois, des dealers africains et des chefs de chantier avides de main d’œuvre sans statut. Il fréquente assidument les funérailles et transmet aux vivants, moyennant rétribution, les dernières paroles des défunts.

Uxbal est confronté à la mort de manière plus personnelle. Le cimetière où il est enterré son père va être rasé. On exhume le corps. Comme il a été embaumé, Uxbal demande à le voir. Il est confronté à un homme vingt ans plus jeune que lui, un père qu’il n’a jamais connu et qui n’a pas vieilli en même temps que lui.

Uxbal apprend qu’il a un cancer généralisé et qu’il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Il tente de remettre sa vie en ordre. Mais sa vie est un désastre. Pour soulager des immigrés chinois vivant dans des conditions inhumaines, il leur fait apporter des chauffages au gaz, mais cette bonne intention provoque leur asphyxie et leur mort. Les africains vendeurs à la sauvette d’objets de contrefaçon sont arrêtés et déportés dans leur pays d’origine. Il accepte de cohabiter de nouveau avec son épouse Marambra (Maricel Alvarez), mais celle-ci, alcoolique et nymphomane, est violente à l’égard de leur jeune fils.  

Ses deux enfants, une fille au seuil de l’adolescence et un petit garçon, sont le vrai trésor d’Uxbal. Il tente de les protéger de la cruauté et du désespoir ambiants, de les encourager à découvrir le côté « biutiful » du monde, de rêver à la neige dans les Pyrénées toutes proches. Il espère qu’Ige (Diaryatou Daff), une sénégalaise qu’il a sauvée de la déportation et à qui il laisse des liasses de billets, les prendra en charge après sa mort. 

Biutiful est un film glauque et difficile, parce qu’il parle de réalités que nous ne voulons pas regarder, parce que le langage cinématographique d’Inárritu est cru et violent et parce que Bardem, dans le rôle d’un truand au cœur tendre au bout de sa vie, est pathétique et sublime.

Photo du film Biutiful.

Portrait de l’artiste : Vanessa Paradis, actrice et musicienne

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The Guardian a publié le 24 janvier une interview de Vanessa Paradis par Laura Barnett, intitulée «  portrait de l’artiste, Vanessa Paradis, actrice et musicienne ».

Je retiens une question : « quelle œuvre d’art voudriez-vous le plus posséder ? »

Réponse : « la peinture de Gustav Klimt « Amour ». Elle m’émeut beaucoup. Il y a un couple au milieu qui se regarde l’un l’autre dans les yeux, de sorte que l’on peut complètement ressentir leur amour ; et puis deux barres dorées de chaque côté, comme un cadre. C’est réel et magique à la fois. »

Photo The Guardian. Reproduction du tableau de Gustav Klimt, Amour, de 1895.

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