Quand j’étais chanteur

La chaîne de télévision culturelle britannique BBC Four a programmé récemment, une fois n’est pas coutume, un film français : « quand j’étais chanteur », de Xavier Giannoli (2006), avec Gérard Depardieu et Cécile de France.

Un artiste vieilli, crooner de bals et de maisons de retraite, tombe amoureux d’une jeune femme de trente ans sa cadette. Alain Moreau (Gérard Depardieu) est las de la routine mille fois répétée, las de voir depuis la scène les couples se faire et se défaire, las de sa relation pas claire avec Michèle, qui partagea sa vie comme amante et la partage aujourd’hui comme son manager. Marion (Cécile de France) est sous le coup d’une rupture, au désespoir de ne pouvoir s’occuper correctement de son jeune fils Martin. Continuer la lecture de « Quand j’étais chanteur »

Shirley Williams, une passionnée de la politique

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J’ai acheté l’autobiographie de Shirley Williams, « climbing the bookshelves » (grimper les étagères de la bibliothèque, Virago 2009) à la suite d’une recension flatteuse du quotidien The Guardian et aussi pour le souriant visage qui orne la couverture du livre et dénote sagesse et ouverture d’esprit.

Shirley Williams faite par la Reine Baronne de Crosby, circonscription dont elle fut l’élue, a fêté l’an dernier ses quatre-vingts ans. Elle raconte une vie complètement centrée sur la politique. « Plusieurs choses m’attiraient vers la politique lorsque j’étais jeune. J’étais un enfant compétitif. J’aimais le risque, me mesurer à des défis. Grimper les étagères de la bibliothèque de mon père jusqu’en haut était l’un de ces défis. Escalader des montagnes en amateur, me casser les ongles sur la roche humide en était un autre. J’étais attirée par des causes évidentes, la pauvreté et l’inégalité, des vies limitées par l’accident du lieu de naissance, du sexe ou de la couleur. Comme beaucoup d’autres futurs militants politiciens, je voulais faire du monde un meilleur endroit (…) Et puis il y avait la pure excitation de la politique – comme être au premier rang au théâtre – voir en temps réel ce qui se passait autour du monde. Dévouement, idéalisme, enthousiasme, excitation ; ce ne sont pas les mots que la plupart des gens associent aujourd’hui avec la politique ». C’est pourtant ainsi que Shirley a vécu son engagement politique.

Née en 1930 d’une famille catholique, père professeur, mère écrivain, tous deux marqués à gauche, elle passe une partie de sa scolarité aux Etats Unis en raison de la guerre. C’est d’ailleurs une caractéristique de son destin : sa vie se déroule des deux côtés de l’Atlantique, avec un premier mari Anglais et un second Américain.

Après la guerre et une première expérience professionnelle, elle se lance dans la politique dans le Parti Travailliste. Elle devient députée de la ville nouvelle de Stevenage au nord de Londres à l’âge de trente quatre ans et occupe des postes ministériels dans les Cabinets de Harold Wilson et James Callaghan de 1974 à 1979, en particulier celui de l’Education, l’un de ses thèmes favoris. En 1981, écœurée par le noyautage du Parti Travailliste par l’extrême gauche, elle participe à la fondation du Parti Social Démocrate et est de nouveau élue, à la faveur d’une élection partielle à Crosby, près de Liverpool. Elle participe ensuite à la fusion de son parti avec le Parti Libéral, devenu Libéral Démocrate. Anoblie en 1993, elle a présidé le Groupe Libéral Démocrate à la Chambre des Lords de 2001 à 2003. Elle a accepté, lors de l’accession au pouvoir de Gordon Brown, un poste de conseillère sur la prolifération nucléaire.

Etroitement associée à l’Université de Harvard, où elle a enseigné, elle a activement participé à la rédaction de constitutions dans des pays d’Europe de l’Est après la chute du mur de Berlin (projet Liberty) et s’est impliquée dans les conflits de Bosnie et du Kosovo. Elle se passionne pour l’Amérique latine après l’assassinat de l’évêque Oscar Romero au Salvador en 1980. « A cette époque, la théologie de la libération se propageait comme un feu de brousse dans une grande partie de l’Amérique latine, entraînant les Communautés Chrétiennes de Base – communautés enracinées sur le terrain – dans une redécouverte extatique de l’esprit révolutionnaire du Nouveau Testament. Ce n’était pas la Chrétienté des riches et des bien-établis. »

Son livre permet de visiter de l’intérieur l’histoire de la Grande Bretagne depuis le milieu de vingtième siècle : la guerre, et en particulier l’évacuation des civils qui, en brassant les populations, porta un coup à la division de la société en classes, le socialisme de Clement Attlee, la catastrophe de l’expédition franco-anglaise de Suez, la Dame de Fer, la guerre d’Irak. On y trouve des portraits pénétrants des acteurs de cette histoire, avec une mention spéciale pour trois Premiers Ministres dont elle salue la capacité, le courage et l’ambition, non seulement pour eux mais pour le pays : Thatcher, Blair et Brown.

La confiance en soi revient souvent dans le livre de Shirley. « Mon père m’a donné le plus grand don qu’un enfant puisse recevoir, la confiance en soi. (…) Que je sois une fille n’avait pas aucune pertinence pour ses ambitions à mon égard. Son féminisme n’était pas une construction intellectuelle. Tout simplement, il ne voyait pas de raison de penser que les femmes étaient des êtres moindres que les hommes ». C’est sur le thème de la confiance que s’achève le livre. Shirley raconte qu’elle n’a jamais postulé à un poste de leader. « Pour moi, les figures de proue en politique étaient des géants, jusqu’à ce que je découvre qu’ils étaient imparfaits et doutaient parfois d’eux-mêmes, comme moi. » Son regret dans la vie est de n’avoir pas eu, entre l’abandon par son premier mari et l’amour de son second, un partenaire qui crût en elle et la soutînt. 

La biographie de Shirley Williams est un beau témoignage d’humanité.

(Photo : couverture de l’autobiographie de Shirley Williams)

Objectif SMART : sourire

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L’une des tâches ardues du management est de fixer des objectifs SMART : spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et avec un temps assigné pour sa réalisation. Le film Invictus de Clint Eastwood nous en donne une jolie illustration.

Le tout nouveau président Nelson Mandela prend possession de ses fonctions et de son bureau. Le chef du service d’ordre, noir, qu’il a nommé, réclame des renforts pour assurer la sécurité d’un président qu’une partie de la population n’accepte pas. Dans le cadre de sa politique de réconciliation et de construction d’une nation multiraciale, Mandela lui envoie plusieurs anciens gardes du corps de De Klerk, blancs naturellement.

La coexistence entre les ennemis d’hier au sein de la nouvelle équipe est difficile. Les blancs ont du mal à accepter un chef noir ; les noirs ne croient pas en la loyauté de leurs nouveaux collègues. Pourtant, le tableau de service se met en place. Un objectif est fixé aux gardes du corps : sourire. Si face à une foule hostile ils affichent un visage crispé, l’objectif leur est fermement rappelé  par le circuit radio interne.

Ceci pourrait être un bon exemple de management. Pour les gardes du corps, sourire est un objectif SMART. Il est Spécifique : il n’entre pas dans la description de fonction du garde du corps, c’est un effort particulier qui est demandé. Il est Mesurable : le chef pourrait mesurer le nombre et la durée des sourires ! Il est Atteignable, même si le réaliser demande certainement de gros efforts aux « gorilles ». Il est Réaliste, car l’effort n’est tout de même pas surhumain. Enfin, il y a un Temps assigné pour sa réalisation : tout de suite !

(Photo du film Invictus)

Invictus, Freeman

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Dans le film Invictus, Morgan Freeman joue le rôle de Nelson Mandela. Dans un extraordinaire jeu d’acteur, il parvient à rendre la détermination d’un homme qui, en captivité, n’avait jamais été vaincu et qui, arrivé au pouvoir, mit à l’épreuve sa conviction que rien ne peut résister à la force de l’esprit.

Le film Invictus de Clint Eastwood est consacré au pari de Nelson Mandela sur la coupe du monde de rugby jouée en Afrique du sud en 1995. Bien que l’image des Springboks fût associée à l’apartheid et malgré la faiblesse de l’équipe nationale anémiée par des années d’exclusion des compétitions internationales, le tout nouveau président misa sur cet événement pour créer symboliquement un pays arc-en-ciel

Le patronyme de Morgan Freeman, homme libre, contient en soi le programme de vie de Nelson Mandela. L’acteur parvient à entrer totalement dans la peau de son personnage, au point que malgré la dissemblance physique, on croit voir « Madiba » lui-même. La silhouette est la même, grande, majestueuse. Comme Mandela, Freeman marche lentement, un peu à cause de l’âge, beaucoup parce qu’il est maître de son temps. Freeman, dont l’anglais est la langue maternelle, s’exprime comme Mandela dans un anglais impeccable mais étranger. L’étrangeté de la langue met en relief la profondeur des mots et la force des convictions.

Morgan Freeman incarne de manière brillante un aristocrate de l’esprit, un xhosa né d’une famille royale mais surtout un personnage apuré par 27 ans de résistance spirituelle et politique. Au cinéma Vue de Watford, le public a applaudi après la projection. Beaucoup de ces applaudissements s’adressaient à son extraordinaire performance d’acteur.

(Photo : Morgan Freeman dans le rôle de Nelson Mandela dans Invictus)