La Ligne Droite

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Dans La Ligne Droite, Régis Warnier raconte le combat de deux accidentés de la vie pour s’en sortir par leur passion commune, l’athlétisme.

Athlète de haut niveau, Yannick (Cyril Descours) a perdu la vue dans un accident de voiture. Il est meurtri, révolté, aigri. Il tente toutefois de renouer les fils de sa vie. Il se prépare pour une compétition paralympique dans sa spécialité, le 400 mètres. Mais le binôme qu’il forme avec le coureur qui, relié par une cordelette, lui prête ses yeux, ne fonctionne pas.

La mère de Yannick (Clémentine Célarié) tente de redonner le goût de la vie, ou du moins de le détourner du suicide. Elle est prête à tout pour lui changer les idées.

Leïla (Rachida Brakni) sort de 6 ans de prison. Elle est écorchée vive, irrémédiablement blessée par la séparation d’avec son petit garçon, âgé de deux ans lors de son incarcération. Comme Yannick, c’était une athlète de haut niveau lorsque le destin l’a frappée. Libérée de prison, elle se remet à courir de manière frénétique, comme pour annuler les années perdues et dissoudre les sentiments mauvais.

Yannick demande à Leïla de devenir son guide. Il en tombe fou amoureux, mais Leïla a peur des mots d’amour qui peuvent blesser et tuer. Il faudra tu temps et des larmes pour qu’ils trouvent, ensemble peut-être, la ligne droite.

Le film a reçu un accueil mitigé, certains critiques disant leur enthousiasme, d’autres leur déception.

J’ai aimé le jeu de Rachida Brakni et sa beauté féline très particulière. J’ai aimé le cadre du film, le stade, les vestiaires, la piste où les corps se frôlent à la recherche de l’harmonie. J’ai aimé la scène où Yannick court pieds nus sur une plage de sable, ivre de grand air et de désir.

Je n’ai pas aimé l’invraisemblance de certaines situations, à commencer par la rencontre de Yannick et de Leïla. Je n’ai pas aimé le jeu de Cyril Descours, qui semble déclamer son texte avec le détachement d’acteurs de la nouvelle vague tout en en rajoutant dans le pathos.

La Ligne Droite est un film généreux. Mais hormis le personnage de Leïla / Rachida, il manque de crédibilité.

Photo du film La Ligne Droite, Rachida Brakni et Cyril Descours.

Concert Baroque à St Martin-in-the-Fields

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L’église St Martin-in-the-Fields, sur Trafalgar Square à Londres, accueille tout au long de l’année des concerts de musique baroque.

Programmer Vivaldi, Bach, Mozart et Pachelbel n’est pas particulièrement audacieux. On est sûr de trouver un public au-delà du cercle restreint des mélomanes avertis. On pourrait faire la fine bouche si le choix de ce genre de musique ne s’imposait par le lieu.

St Martin-in-the-Fields est l’oeuvre de l’architecte James Gibbs. Elle fut consacrée en 1726. Elle a fait l’objet d’importants travaux de restauration dans les vingt dernières années. L’espace intérieur a été réaménagé pour une plus grande visibilité et une plus grande flexibilité. La voûte décorée de dorures a été remise à neuf. L’éclairage a été soigneusement étudié. On éprouve un sentiment d’harmonie et de plénitude, le même que procure la musique baroque dans le divertissement comme dans la gravité.

Le chef d’œuvre du travail de restauration est la verrière est de l’église, au fond du chœur. Installée en  2008, elle est l’œuvre de l’artiste iranienne Shirazeh Houshiary et de son mari architecte Pip Horne. Au centre du vitrail se trouve un puits de lumière, une ellipse inclinée. Au matin, elle reçoit les rayons du soleil ; la nuit, c’est un volume blanc artificiellement éclairé. Des traits montent de la base du vitrail à l’arc qui le surmonte ; à  proximité du puits de lumière,  ils se tordent de manière à l’éviter et poursuivre leur ascension. Des traits horizontaux structurent ce mouvement vers le haut. Le symbole de la croix est évident : le vitrail est torsion, souffrance, douleur ; il est aussi lumière, action de grâce, résurrection.

La rencontre de l’architecture baroque réinterprétée par des artistes modernes et de musiciens baroques de génie offre une expérience inoubliable.

Photo The Guardian : verrière est de St Martin-in-the-Fields.

Helen Mirren, trésor national

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Dans le quotidien The Guardian du 4 mars 2011, Ryan Gilbey interview Helen Mirren, actrice qui, âgée maintenant de 65 ans, fait figure de trésor national en Grande Bretagne.

« Je suis plus âgée, maintenant, dit Helen Mirren. Il y a un moment épouvantable quand on découvre qu’on n’est plus la personne la plus jeune dans la salle. Particulièrement si, jeune, on a connu le succès. Et par la suite bien sûr, on réalise qu’on se trouve la personne la plus âgée dans la salle ! (…) Cela fait partie du déroulement normal de la vie. Quand on est jeune, on se demande ce que les vieux radotent quand ils s’efforcent de partager leur sagesse. Cela n’a pas de sens parce qu’être jeune, c’est quelque chose de vraiment spécifique. Dieu merci pour cela. Dieu merci pour les jeunes qui vont manifester contre le capitalisme rampant ou toute autre cause. »

Helen Mirren avoue son admiration pour Gérard Depardieu. Il dit un jour quelque chose qui changea la façon dont elle ressent le jeu d’acteur. Interrogé sur la manière dont il approche un rôle, Depardieu répondit : « je regarde le scénario. S’il dit « gangster », je joue un gangster ; s’il dit « épicier », je joue un épicier ». Mirren claque des mains. « Une lumière s’alluma dans mon cerveau. Je me dis « c’est cela, il suffit de jouer ce qui est dans le scénario ». J’ai appliqué cela depuis lors. Si le scénario dit « femme bouleversée, en colère, sort du lit sans maquillage », c’est cela que je joue. Je n’embrouille pas tout avec « quelle est l’histoire cachée de cette femme ? »

Dame Helen Mirren est marquée par son rôle dans « The Queen », qui lui valut  un Oscar. Quand elle joue une assassine retraitée dans le récent film d’action Red, ce n’est pas simplement Mirren qui sort un revolver de sous un bouquet de roses jaunes ou annonce allègrement « je tue des gens, mon cher » : c’est Sa Majesté qui le fait, aussi, remarque Ryan Gilbey.

Photo The Guardian : Helen Mirren

Abraham Lincoln, saint ou pécheur

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La chaîne de télévision britannique BBC4 vient de programmer un documentaire sur la personnalité d’Abraham Lincoln : « Abraham Lincoln, saint or sinner ? ».  Il fournit un éclairage intéressant sur un moment clé de l’histoire des Etats-Unis.

Abraham Lincoln (1809 – 1865) est vénéré comme un demi-dieu aux Etats-Unis, l’émancipateur des esclaves, le père de la nation. Le candidat Barak Obama s’est souvent référé à lui pendant sa campagne pour l’élection présidentielle.

Le documentaire diffusé par BBC4 s’interroge sur la véritable personnalité de Lincoln. Des nostalgiques des Etats Confédérés lui reprochent sa brutalité dans l’écrasement de la sécession ; des historiens rappellent qu’il était convaincu de l’inégalité des races et que s’il souhaitait la disparition de l’esclavage pour des raisons économiques, il était aussi partisan de déporter les noirs dans des colonies hors des Etats-Unis ; ils lui reprochent aussi le non respect des engagements pris à l’égard des Sioux et  la répression féroce qui suivit leur révolte.

La référence aux Sioux donne une clé de la guerre de Sécession. Au milieu du dix-neuvième siècle, c’est la ruée vers l’ouest. Les émigrés arrivés dans la Nouvelle Angleterre rêvent d’acquérir une terre qu’ils puissent cultiver ; les grands propriétaires du sud ont le projet de constituer de grands domaines où ils feront travailler la main d’œuvre gratuite dont ils disposent, les esclaves. Les deux modèles sont antagonistes : l’agriculture familiale ne peut survivre si elle fait face à la concurrence de grandes exploitations esclavagistes.

Le Parti Républicain et Lincoln s’accommodent très bien de l’esclavage tant qu’il est cantonné au Sud. Ils sont en effet convaincus de l’inégalité des races, et ne voient pas d’objection à ce que les noirs soient relégués à un statut inférieur. Mais ils s’opposent à sa généralisation au Nord et son exportation à l’Ouest du continent américain pour des raisons économiques : l’esclavage fausse la concurrence.

Les Etats du Sud font sécession et créent une Confédération. La guerre qu’ils déclenchent en 1861 tourne mal pour l’Union. En tant que Commandant en Chef, Lincoln a une idée géniale : proclamer l’émancipation des esclaves. Cette manœuvre militaire a des résultats inespérés. Au sud, l’économie est désorganisée ; des milliers de noirs rejoignent l’armée Unioniste. En 1865, l’armée confédérée capitule. Lincoln est étonné par la vaillance de ses soldats noirs ; ses préjugés racistes se fissurent.

Lincoln mourut assassiné quelques mois après la capitulation des sécessionnistes, un vendredi saint : tout se conjuguait pour le faire accéder au statut de Saint. Le documentaire de BBC4 montre qu’il ne fut pas un saint, mais un homme conditionné par les préjugés de son temps qui, confronté à des circonstances exceptionnelles, sut prendre des décisions courageuses et accepter de réviser des idées reçues.

Cent ans après la déclaration d’émancipation, Martin Luther King prononça son fameux discours « I had a dream ». Le début du discours est peu connu. Il dit qu’en 1863 le gouvernement américain tira un chèque au bénéfice de ses citoyens esclaves, mais qu’il se révéla sans provision. Il réclama que la dette soit, enfin, payée.

Illustration : photo d’Abraham Lincoln.