Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

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Le dernier film de Woody Allen, « Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu », laisse une impression de gâchis et d’inachevé. Mais c’était le but recherché : le film parle de personnages qui ratent leur vie. Comme réalisation artistique, il est réussi.

Alfie (Anthony Hopkins) plaque Helena après quarante ans de mariage. Il ne supporte pas de vieillir. Il épouse une « artiste », en fait une prostituée, mais cette nouvelle vie le laisse ruiné, humilié et usé.

Sally (Naomi Watts), fille d’Alfie et Helena, rumine sa frustration de n’avoir pas pu construire une famille avec son mari Roy. Elle travaille dans une galerie d’art et démissionne pour créer sa propre affaire. Sa vie sentimentale tourne au fiasco : elle quitte Roy, mais se rend compte trop tard qu’elle est amoureuse de Greg, son patron. Elle démissionne pour créer sa propre affaire, mais n’obtient pas de sa mère Helena le prêt qui lui permettra de se lancer. Helena est tombée dans les griffes d’une voyante qui lui a expliqué que la conjonction des astres n’est pas favorable à des opérations financières !

Roy (Josh Brolin) est un écrivain raté. Il profite de la mort accidentelle d’un de ses amis pour voler son roman et le faire publier sous son nom. Manque de chance, l’ami n’est pas mort mais dans le coma, avec une bonne chance de récupération. Roy quitte Sally pour la voisine d’en face, Dia (Freida Pinto) dont il observait les déshabillages avec concupiscence. Ayant emménagé avec Dia, c’est maintenant Sally, son ex, qu’il regarde de la fenêtre. Quant à Dia, elle annule au dernier moment son mariage et provoque une crise dans sa famille.

Seuls deux personnages sortent de cet univers déprimant : Helena, que sa voyante a persuadé qu’elle est la réincarnation de Jeanne d’Arc, et Jonathan, qui communique par les tables tournantes avec l’esprit de son épouse décédée. Leur propre folie les protège de la folie du monde.

Photo du film « Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu ».

Un hiver à Majorque

   

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La célébration de l’année Chopin et le temps de novembre m’invitent à offrir aux lecteurs de « transhumances » une lecture de « Un hiver à Majorque » de George Sand (1855, Editions Cort 2004).

En novembre 1838, Aurore Dupin connue comme écrivaine sous le nom de George Sand, arrive à Majorque accompagnée de ses deux enfants Maurice et  Solange et de son amant Frédéric Chopin. Son  but est de se reposer, de vivre une romance sur une terre primitive et hospitalière et de profiter du climat méditerranéen de l´île pour soigner les poumons de Frédéric et les rhumatismes de Maurice.

Le voyage en bateau à vapeur de Barcelone à Palma, par une nuit tiède et sombre, fut bercée par la voix du timonier. Son chant « suivait un rythme et des modulations en dehors de toutes nos habitudes, et il semblait laisser aller sa voix au hasard, comme la fumée du bâtiment, emportée et balancée par la brise. C’était une rêverie plutôt qu’un chant, une sorte de divagation nonchalante de la voix, où la pensée avait peu de part,  mais qui suivait le balancement du navire, le faible bruit du remous, et ressemblait à une improvisation vague, renfermée dans des formes douces et monocordes. Cette voix de la contemplation avait un grand charme. »

Le voyage du retour, quelques mois plus tard, se fit à bord d’un bateau qui, « lorsque le vent est serein, transporte une fois par semaine deux cents cochons, et quelques passagers par dessus le marché. Il est beau de voir avec quels égards et quelle tendresse ces messieurs (je ne parle pas des passagers) sont traités à bord et avec quel amour on les dépose à terre.. (Chopin) était dangereusement malade. La traversée, la mauvaise odeur et l’absence de sommeil n’avaient pas contribué à diminuer ses souffrances. Le capitaine n’avait eu d’autre attention pour nous que de ne pas faire coucher notre malade dans le meilleur lit de la cabine, parce que, selon le préjugé espagnol, toute maladie est contagieuse ; et comme notre homme pensait déjà à faire brûler la couchette où reposait le malade, il désirait que ce fût la plus mauvaise. »

Entre ces deux hivers, l’hiver à Majorque fut une véritable épreuve. Chopin était tuberculeux, mais ni lui ni Aurore ne voulaient le reconnaître. La peur de la maladie, en même temps que le scandale d’une femme adultère,  habillée en homme, fumeuse et ne fréquentant pas le lieu de socialisation par excellence qu’était la messe dominicale, installèrent une situation de totale incommunication entre les Majorquins et les étrangers. « Nous avions surnommé Majorque « l’île des Singes » parce que, nous voyant environnés de ces bêtes sournoises, pillardes et pourtant innocentes, nous nous étions habitués à nous préserver d’elles sans plus de rancune et de dépit que n’en causent aux Indiens les jockos et les orangs espiègles et fuyants. »

Pourtant, le séjour à Palma, puis à la villa Son Vent d’Establiments et enfin à la Chartreuse de Valldemossa dont les moines avaient été expulsés quelques années plus tôt fut fécond tant pour Aurore George Sand, qui y commença son roman Spiridion que pour Chopin lui-même qui composa la Deuxième Ballade en fa majeur, le Scherzo en do mineur, la Mazurka en mi mineur et le Prélude en ré « La Goutte d’eau. »

Aurore passe de longues heures en contemplation à la Chartreuse, qui domine la mer. « Tandis qu’on l’entend gronder au nord, on l’aperçoit comme une faible ligne brillante au-delà des montagnes qui s’abaissent et de l’immense plaine qui se déroule au midi ; tableau sublime, encadré au premier plan par de noirs rochers couverts de sapins, au second par des montagnes au profil hardiment découpé et frangé d’arbres superbes, au troisième et au quatrième par des mamelons arrondis que le soleil couchant dore des nuances les plus chaudes, et sur la croupe desquels l’oeil distingue encore, à une lieue de distance, la silhouette microscopique des arbres, fine comme l’antenne des  papillons, noire et nette comme un trait de plume à l’encre de Chine sur un fond d’or étincelant. »

La Chartreuse en elle-même, avec son enchaînement de cloîtres de différentes époques, est un lieu extraordinaire :  » Jamais je n’ai entendu le vent promener des voix lamentables et pousser des hurlements désespérés, comme dans ces galeries creuses et sonores. Le bruit des torrents, la course précipitée des nuages, la grande clameur monotone de la mer interrompue par le sifflement de l’orage, et les plaintes des oiseaux de mer qui passaient tout effarés et tout déroutés dans les rafales ; puis de grands bouillards qui tombaient tout à coup comme un linceul, et qui, pénétrant dans les cloîtres par les arcades brisées, nous rendaient invisibles et faisaient paraître la petite lampe que nous portions pour nous diriger, comme un esprit follet errant sous les galeries, et mille autres détails de cette vie cénobitique qui se pressent dans mon souvenir : tout cela faisait bien de cette Chartreuse le séjour le plus romantique de la terre ».

« Je demandais à ces murs abandonnés de me révéler la pensée intime des reclus silencieux qu’ils avaient, durant des siècles, séparés de la vie humaine. J’aurais voulu suivre le fil amoindri ou rompu de la foi chrétienne dans ces âmes jetées là par chaque génération comme un holocauste à ce Dieu jaloux, auquel il avait fallu des victimes humaines aussi bien qu’aux dieux barbares. Enfin j’aurais voulu ranimer un chartreux du quinzième siècle et un du dix-neuvième pour comparer entre eux ces deux catholiques séparés dans leur foi, sans le savoir, par des abîmes, et demander à chacun ce qu’il pensait de l’autre. Il me semblait que la vie du premier était assez facile à reconstruire avec vraisemblance dans ma pensée. Je voyais ce chrétien du Moyen Âge tout d’une pièce, fervent, sincère, brisé au coeur par le spectacle des guerres, des discordes et des souffrances de ses contemporains, fuyant cet abîme de maux et cherchant dans la contemplation ascétique à s’abstraire et à se détacher autant que possible d’une vie où la notion de perfectibilité des masses n’était point accessible aux individus. Mais le chartreux du dix-neuvième siècle, fermant les yeux à la marche devenue sensible et claire de l’humanité, indifférent à la vie des autres hommes, ne comprenant plus ni la religion, ni le pape, ni l’église, ni la société, ni lui-même, et ne voyant plus dans sa Chartreuse qu’une habitation spacieuse, agréable et sûre, dans sa vocation qu’une existence assurée, l’impunité accordée à ses instincts, et un moyen d’obtenir, sans mérite individuel, la déférence et la considération des dévots, des paysans et des femmes, celui-là je ne pouvais me le représenter aussi aisément. »

Pour George Sand, la société majorquine est bloquée, ce qui empêche les masses de se perfectionner et de se hausser au niveau de l’élite. La faute en est à l’aristocratie, oisive et au bord de la banqueroute, qui entretient malgré ses dettes toute une classe de domestiques et d’obligés inutiles. Le tableau est très semblable à celui que dresse, plus de d’un siècle plus tard, Dominique Fernandez de l’aristocratie sicilienne dans l’Ecole du Sud. La faute de l’aristocratie est de maintenir le peuple dans un état d’indifférenciation, de ne pas reconnaître que la « perfectionnabilité » des masses passe par l’affranchissement des individus. « Ayant parcouru Palma pour y chercher des appartements, je suis entré dans un assez grand nombre de maisons ; tout s’y ressemblait si exactement que je pouvais de là conclure à un caractère général chez leurs occupants. Je n’ai pénétré dans aucun de ces intérieurs sans avoir le coeur serré de déplaisir et d’ennui, rien qu’à voir les murailles nues, les dalles tachées et poudreuses, les meubles rares et malpropres. Tout y portait témoignage de l’indifférence et de l’inaction ; jamais un livre, jamais un ouvrage de femme (…) Ainsi toutes ces maisons où les générations se succèdent sans rien transformer autour d’elles, et sans marquer aucune empreinte individuelle sur les choses qui ordinairement participent en quelque sorte à notre vie humaine, font plutôt l’effet de caravansérails que de maisons véritables ; et tandis que les nôtres donnent l’idée d’un nid pour la famille, celles-là semblent des gîtes où les groupes d’une population errante se retireraient indifféremment pour passer la nuit. »

L’antipathie d’Aurore pour Majorque s’explique par la frustration d’une lune de miel transformée en assistance médicale à un grand malade, mais aussi par la confrontation avec une société dont la transition au capitalisme semble bloquée.

Photo de Valdemossa, www.info-mallorca.co.uk

Wikinomics

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Wikinomics, le best seller de Don Tapscott et Anthony D. Williams (Atlantic Books, London, 2006 – 2008) est sous-titré « comment la collaboration de masse change tout ». Le livre propose une stimulante réflexion sur la manière dont des entreprises innovantes cherchent à se placer au cœur de réseaux ouverts et à capter leur énergie pour leurs propres fins. L’entreprise se définissait autrefois par des frontières hermétiques. Ses limites deviennent poreuses, ce qui l’oblige à définir rigoureusement son identité et sa stratégie.

Il y a des livres qui défient le compte-rendu, tant ils sont bien écrits et lumineux. C’est le cas de Wikinomics. Le chroniqueur n’a qu’une voie possible : s’éloigner du texte et être attentif aux échos qu’il éveille en soi.

Commençons par le titre du livre. Wiki est le mot hawaïen pour « rapide » ; economics signifie « science économique ». Tout le monde connaît Wikipedia, l’encyclopédie collaborative lancée par Jimmy Wales sur la base d’un logiciel, Wiki, qui permet chaque jour à des milliers de personnes de contribuer à son enrichissement. Wikipedia met à la disposition de ses utilisateurs une plateforme libre d’accès. Chaque participant est invité à améliorer les contributions existantes. Les apports de chacun sont au bénéfice de tous, ils ne peuvent être privatisés.

Le système d’exploitation Linux est, comme Wikipedia, une plateforme collaborative. La carte du génome est un projet collectif  dans lequel plusieurs laboratoires pharmaceutiques mettent en commun leurs moyens et leurs résultats, ce qui leur permet de construire ensemble le socle sur lequel chacun développera ses propres applications thérapeutiques.

Les auteurs attribuent quatre caractéristiques à la nouvelle économie collaborative, celle où baignent les « entreprises 2.0 ». La première est l’ouverture (« openness »): ces entreprises sont plus à l’aise sur la place publique que dans des jardins clôturés. La seconde est la collaboration entre égaux (« peering ») : dans l’exemple de YouTube, il n’y a pas de hiérarchie parmi les utilisateurs / acteurs ; c’est le nombre de consultations qui définit l’intérêt d’une vidéo partagée sur la plateforme et non l’autorité de son auteur. La troisième est le partage (« sharing »): il s’agit d’un renversement complet de l’idée même de propriété industrielle ; le savoir est mis à la disposition d’une très vaste communauté  de « prosumers » (consommateurs qui sont aussi producteurs), et ceux-ci sont invités à se l’approprier et à le « remixer » ; le champ de la propriété industrielle et du copyright se réduit à ce qui est vraiment stratégique. La dernière caractéristique est la dimension mondiale (« acting globally ») : les entreprises 2.0 n’ont pas de frontière ; comme on le voit dans le cas de Facebook, le marché potentiel n’a pas d’autre limite que l’humanité elle-même.

C’est une véritable révolution culturelle qu’a opérée IBM, autrefois le leader des systèmes « propriétaires », lorsqu’elle a opté pour Linux et décidé que des bataillons entiers de ses chercheurs participeraient, sur un pied d’égalité, au développement du système d’exploitation ouvert. C’est aussi une rupture profonde dans les habitudes de travail qu’a mise en œuvre Boeing : les spécifications pour l’électronique embarquée du 777 occupaient 2.500 pages ; quelques années plus tard, celles du 787 Dreamliner tenaient en 20 pages, laissant le champ libre à la créativité des fournisseurs.

Wikinomics incite les entreprises à créer autour d’elles des « écosystèmes » vibrants d’énergie où elles se laissent porter par l’enthousiasme d’une communauté de créateurs. La création en commun par Amazon et Warner Bros d’Amazon Studios illustre cette dynamique. « L’idée de base, dit le quotidien The Guardian (18 novembre) est d’inviter des scénaristes et metteurs en scène à présenter leurs projets en envoyant un scénario ou une maquette de film. Une fois qu’un scénario est sur le réseau, d’autres internautes auront la possibilité de le lire et même de l’améliorer, créant de nouvelles versions. En ce qui concerne les maquettes de films, elles seront-elles aussi publiques et pourront être soumises au vote. »

Le passage à l’économie collaborative change radicalement la perception que les entreprises ont de leur environnement et brouille le tracé de leurs frontières. Il existe un vrai risque de dilution de leur identité et d’évaporation de leur valeur ajoutée. L’ouverture, la collaboration entre égaux, le partage et la dimension mondiale ne deviennent sources de richesse que pour autant que l’entreprise soit claire sur son positionnement, divise de manière adéquate ses investissements entre la participation aux communautés collaboratives et ses projets propres, et focalise l’organisation de ses ressources sur ses objectifs clés.

Illustration : couverture de Wikinomics.

Budapest

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La Royal Academy of Arts présente une belle exposition intitulée « Tresors of Budapest ». Je donne à cette occasion un compte rendu du beau roman du brésilien Chico Buarque (Chico Buarque, Budapeste, Dom Quixote, 2003. En portugais brésilien).

« Il devrait être interdit de railler celui qui s’aventure en langue étrangère ». Le livre de Chico Buarque nous parle de l’ambiguïté  du langage. Son héros s’y trouve doublement confronté. Ecrivain public, il s’approprie le style, les mots et même la biographie de ses clients,  mais les textes qu’il écrit ne portent pas sa signature. Brésilien, il relève le défi de parler un hongrois irréprochable, mais souffre du résidu d’accent étranger que l’on discerne jusque dans sa prose.

José Costa vit à Rio et est écrivain public. Il écrit pour le compte d’autrui articles de journaux, discours, dissertations, lettres d’amour et biographies. « Voir mes œuvres signées par des étrangers me donnait un plaisir nerveux, une sorte de jalousie à l’envers. Parce que pour moi ce n’était pas le sujet qui s’appropriait mon écrit, c’était comme si j’écrivais dans son cahier à lui ».

Une escale technique inopinée l’immobilise pour une nuit dans un hôtel de Budapest. Il reste éveillé devant  la télévision, fasciné par cette langue magyare dans laquelle l’accent tonique est toujours placé sur la première syllabe, un peu comme un français à l’envers. Insatisfait de sa vie à Rio, entre sa femme Vanda, présentatrice à la télévision et son fils Joaquinho, obèse et quasi-muet, marginalisé au sein de l’agence culturelle qui l’emploie et dont il fut co-fondateur, José décide de partir pour Budapest. Il fait la connaissance de Kriska, grande jeune femme qui se déplace sac au dos dans la ville en patins à roulettes. Kriska lui enseigne le Magyar et lui révèle son corps. « Elle se dévêtit. Jamais je n’avais vu un corps si blanc de toute ma vie. Sa peau était si blanche que je ne savais comment la prendre, où installer mes mains ».

De retour à Rio, José a perdu ses repères. La biographie qu’il a écrite quelques mois plus tôt pour le compte d’un minable aventurier allemand débarqué au Brésil est devenue un best-seller, que son présumé auteur a le mauvais goût de dédicacer à Vanda. Il revient à Budapest. Logé par Kriska dans la remise de son appartement, maltraité, il trouve un emploi comme appariteur au Cercle des Belles Lettres, chargé de préparer la salle pour les débats et de les enregistrer. Pendant des mois, son passe-temps est de transcrire les enregistrements et de les faire corriger par Kriska, jusqu’au jour où celle-ci juge son travail irréprochable.

José devenu « Kostá »·s’annonce alors comme écrivain public à Budapest. Il écrit pour un écrivain hongrois renommé mais à court d’inspiration, sans que celui-ci le lui ait demandé, un poème épique qui devient un immense succès de librairies et de salons. Mais Kostá est mortifié lorsque Kriska lui confie son avis sur ce livre : « couci-couça. Il y a des gens qui aiment l’exotique. C’est comme si ce livre avait été écrit avec l’accent étranger ».

Expulsé de Hongrie à la suite d’une coterie d’écrivains jaloux, devenu étranger dans son propre pays, le destin de José bascule quelques mois plus tard. Il est rappelé en Hongrie et invité en grande pompe par une célèbre maison d’édition. Il est fêté et adulé pour sa biographie intitulée « Budapest », signée de son nom mais œuvre d’un auteur anonyme. José Costa, alias Kostá, est pris à contre-pied. Un autre a écrit sur le cahier de sa vie, et celle-ci échappe à son contrôle. Kriska lui fait lire et relire le livre, qui se termine de la même manière que la biographie de l’aventurier allemand : « et la femme aimée, de qui j’avais déjà bu le lait, me donna à boire l’eau avec laquelle elle avait lavé son chemisier ».

Illustration : « deux femmes s’embrassant » d’Egon Schiele, 1914, tableau présenté à l’exposition « Treasures of Budapest » de la Royal Academy of Art.