Le Refuge

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Le film « Le Refuge » de François Ozon vient de sortir à Londres. La performance d’actrice d’Isabelle Carré dans le rôle de Mousse est magnifique.

Les premières scènes du film sont à peine soutenables. Dans un appartement bourgeois vide de Paris, un couple de trentenaires, Louis et Mousse, s’injectent par le bras et par le cou leur dose d’héroïne. C’est l’overdose. A l’hôpital, le médecin révèle à Mousse que Louis a succombé, et qu’elle est enceinte.

La mère de Louis fait pression sur Mousse pour qu’elle avorte. Cette intrusion est sans doute suffisante pour qu’elle décide de garder l’enfant, dont elle dit qu’il est Louis continuant à vivre à l’intérieur d’elle-même. Mousse cherche refuge dans une maison prêtée par un ex sur la Côte Basque. Elle y est rejointe par Paul, le frère de Louis. Comme Mousse, Paul doit faire le deuil de Louis. Comme elle, il est à la dérive, à la recherche de son identité, enfant adopté incertain de sa relation avec son frère et ses parents, homosexuel avide de paternité. D’abord hostile, Mousse découvre peu à peu en Paul un partenaire qui lui permettra peu à peu de se reconstruire, celui qui accueillera l’enfant.

Isabelle Carré était enceinte de six mois au moment du tournage sur la Côte Basque. Le film est une magnifique méditation visuelle sur la grossesse. La scène où Mousse, dans son bain, caresse son ventre émergeant de la surface, celle où elle demande à Paul de l’enduire de crème solaire, sont d’une grande beauté.

La grossesse de Mousse est emprunte d’ambigüité. Elle n’est pas désirée. L’enfant attendu aura dès le départ une lourde histoire : orphelin de père, une mère vivant sous méthadone, un père adoptif homosexuel. Le film pourtant n’est pas noir : il faudra du temps pour que les adolescents que sont restés Mousse et Paul deviennent adultes, et on sent bien que la petite Louise à son tour saura trouver son chemin.

Comme dans La Femme Défendue de Philippe Harel (1996) et  Se Souvenir des Belles Choses de Zabou Breitman (2001), Isabelle Carré est fascinante. Elle met ses plus intimes sentiments à nu, et la caméra explore sans retenue son visage et son corps. Pourtant, on ne ressent aucune impudicité, seulement une profonde vérité humaine. Par moment, elle est cassante et fermée comme une huitre ; dans son désarroi d’écorchée vive, elle diffuse pourtant de la douceur.

Le partenaire d’Isabelle Carré est, dans le rôle de Paul, le chanteur Louis Ronan Choisy, excellent lui aussi. Il a composé pour le film une chanson, qu’il interprète en duo avec Isabelle.

Photo du film  Le Refuge : Isabelle Carré et Louis Ronan Choisy.

Hymne à la Petite Reine

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La chaine de télévision britannique BBC 4 programme cette semaine un documentaire enthousiaste de Rob Penn, « la course de ma vie, l’histoire de la bicyclette ». C’est un véritable hymne à la Petite Reine.

Journaliste et écrivain, Rob Penn est un passionné de bicyclette. A la fin de ses études, il partit pendant des mois à la découverte du monde sur deux roues. L’argument du film est qu’il cherche à se fabriquer une bicyclette idéale qui dure jusqu’à la fin de sa vie. Il recherche chez des fabricants artisanaux ou industriels les meilleurs pièces possibles sur le  marché : les pneus en Allemagne, les roulements en Italie, les roues en Californie. Il trouve le cadre et la selle dans les Midlands, qui furent jadis la capitale mondiale de l’industrie du cycle, avec des milliers de producteurs et de sous-traitants.

Le reportage raconte l’histoire de la bicyclette, qui est peut-être à l’orée d’un nouvel âge d’or. Le maire de Londres, Boris Johnson parle d’un retour vers le futur : au début du vingtième siècle, 20% des déplacements à Londres se faisaient à vélo ; le pourcentage a baissé jusqu’ à 1% mais s’accroit de nouveau.

Il parle de professionnels amoureux de leur métier : le fabriquant de roues de San Francisco visse les rayons un par un et vérifie leur tension dans un souci de perfection.

Il nous emmène faire du mountain bike en Californie et visiter un sanctuaire à la Madone des cyclistes au détour d’une route en aplomb du Lac de Côme.

Rob Penn vient de publier un livre, « Tout pour le vélo, la poursuite du bonheur sur deux roues ». Transhumances ne manquera pas d’en faire la recension !

Photo : Rob Penn dans le reportage de BBC 4.

La Mort de Danton

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Le National Theatre de Londres donne actuellement Danton’s Death, La Mort de Danton, une pièce de Georg Büchner mise en scène par Michael Grandage.

Georg Büchner né deux ans avant Waterloo et mort à l’âge de 23 ans en 1837, fut fasciné par la révolution française et sa réviviscence dans les rues de Paris en 1830. Considéré comme subversif, il s’exila à Strasbourg. Il y mena de brillantes études de médecine et en parallèle écrivit un roman et des pièces de théâtre, dont Woyceck et La Mort de Danton. Cette dernière est produite par le National Theatre dans une version allégée de Howard Brenton.

La pièce se déroule entre le 25 mars et le 5 avril 1794. Un an plus tôt, le Comité de Salut Public avait été institué. La terreur battait son plein avec les massacres de septembre dans les prisons parisiennes, l’exécution à la guillotine des 21 députés girondins en octobre, le massacre de 6000 prisonniers vendéens en décembre, la liquidation de la fraction hébertiste en mars.

La pièce est construite sur l’antagonisme entre Danton (Toby Stephens) et Robespierre (Elliot Levey). Celui-ci est présenté comme un homme intraverti et solitaire, réprimant son anxiété profonde par un fondamentalisme : la vertu et la révolution vont générer le monde, il faut aller de l’avant. Il trouve en Saint-Just (Alec Newman) son tribun : pourquoi avoir peur du sang ? Comme la lave d’un volcan, la révolution avance inexorablement et il est naturel qu’elle prenne des vies.

Danton est un homme complexe. Il aime les plaisirs et les femmes. Il est certes un acteur convaincu de la Révolution, mais il est conscient des erreurs commises, comme celle d’avoir créé le tribunal révolutionnaire et mis en route une mécanique infernale. Mais comment arrêter une machine infernale qu’on a soi-même mise en route ? La machine s’arrêtera enfin, trois mois après qu’il fût guillotiné, lorsque le dernier acteur majeur du drame, Robespierre, y succomba lui-même.

Photo : The Guardian.

Du Greco à Dali

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Amateurs parisiens de la peinture espagnole, dépêchez-vous : le dernier jour de l’exposition « du Greco à Dali » au musée Jacquemart – André est dimanche premier août !

La référence au Greco de cette exposition extraite de la collection Pérez Simón est un peu abusive : il n’y a de lui qu’une toile de format miniature. En revanche, on y trouve de nombreux chefs d’œuvre de Dali, aux côtés de Ribera, Murillo ou Picasso.

Je retrouve avec plaisir l’œuvre de Joaquín Sorolla, dont nous aimions visiter la maison musée à Madrid. Le traitement de la lumière est exceptionnel.

Un chef d’œuvre de l’exposition est le portrait de femme andalouse peint par Julio Romero de Torres vers 1925 – 1930.

Illustration : Soleil du Matin, par Joaquín Sorolla y Bastida (1901).

Site Internet de l’exposition : www.cultrurespaces-minisite.com/greco-dali.

Site Internet du musée Sorolla à Madrid : http://www.museosorolla.mcu.es/.