Trésors au V&A

Le Victor and Albert Museum (V&A) à Londres a inauguré en décembre dernier une nouvelle galerie consacrée à l’art en Occident au Moyen Age et à la Renaissance, entre 300 et 1600. La visiter est un émerveillement. Voici l’une des pièces présentées, un vitrail allemand de 1500 représentant l’adoration des Rois Mages.

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Le père de mes enfants

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 Le film de la jeune réalisatrice Mia Hansen-Love, « le père de mes enfants », nous parle de résilience. Une famille peut-elle surmonter le drame du suicide d’un père adoré et vénéré ?

Grégoire (Jean-Do de Lencquesaing) est un homme passionné par son métier, producteur de films d’art et d’essai. C’est aussi un père de famille comblé, entre une belle femme d’origine italienne, Silvia (Chiara Casselli), et trois filles vives et jolies, dont une adolescente, Clémence. On le voit s’intéresser à un jeune cinéaste rencontré dans l’autobus, défendre bec et ongle le tournage en Suède d’un film dont le budget dérape, résoudre au téléphone mille et un problèmes. On le voit raconter à ses filles l’histoire des Templiers dans une chapelle en ruine près de leur maison de week-end au bord de la Loire et décrypter pour elles la signification d’une mosaïque de Ravenne.

Pourtant, Grégoire est au bout de sa route. Un contrôle de vitesse par la Gendarmerie lui fait perdre son permis de conduire. C’est un signal. Dans sa vie, il va trop vite. Les dettes se sont accumulées, la banque et ses fournisseurs sont à bout de patience. L’écran de son ordinateur reflète un homme défait. Il se suicide.

Pour Silvia et ses filles, comme pour le personnel de la petite société de production, le choc est terrible. Clémence, en particulier, se sent abandonnée et trahie.  La vie pourtant reprend peu à peu le dessus. A la tête de la société de production, Silvia tente de sauver l’œuvre de Grégoire, en particulier son catalogue de films. Sa tentative ne sera pas couronnée de succès : les dettes sont si lourdes que la liquidation est inévitable. Mais du moins la dynamique de la vie de Grégoire ne s’est pas arrêtée avec sa mort. Clémence s’éprend du jeune cinéaste que son père avait promis d’aider. Elle découvre pour le cinéma la même passion qui animait celui-ci. 

Le suicide avait coupé le temps entre un avant et un après. Peu à peu, une continuité s’établit de nouveau. Les moments lumineux et les passions d’avant nourrissent la vie ici et maintenant.

Le Big Bang en question

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L’émission scientifique de la chaine britannique BBC2 « horizon » était le 9 mars consacrée à une question provocante : « est-ce que tout ce que nous savons de l’univers est faux ? ».

L’émission est tournée à la manière d’un thriller : images répétitives d’une expérience de gonflage et de « big bang » d’un ballon dans un hangar glacial, visages de scientifiques dans un miroir déformant, musique anxiogène. Elle inclut aussi des interviews de cosmologues d’universités américaines et anglaises, des images d’un télescope au Nouveau Mexique et un reportage sur un laboratoire installé dans une mine désaffectée du Minnesota, à 800 mètres de profondeur, pour tenter de prouver l’existence de l’antimatière.

La théorie du big bang, c’est-à-dire la création de notre univers par explosion et inflation à partir d’un noyau infiniment petit, est née d’un modèle mathématique qui, à partir de l’observation de la situation actuelle de l’univers, est capable de remonter le temps. Il a un très grand pouvoir explicatif : les phénomènes observés répondent bien, en général, à ce qu’il prédit. Mais avec les progrès des instruments d’observation, des anomalies apparaissent dans les températures ou les vitesses de rotation des galaxies. Les galaxies ne se comportent pas comme le modèle dit qu’elles devraient se comporter.

Pour intégrer les anomalies, le modèle doit ajouter de la gravité et inventer un phénomène invisible (« noir ») qui équilibre les équations. C’est ainsi qu’est apparue la « matière noire », qui serait invisible et pourrait traverser la matière que nous connaissons, ce qui explique l’installation du laboratoire dans le sous-sol du Minnesota. D’autres anomalies ont été constatées, ce qui a rendu nécessaire l’introduction dans le modèle de « l’énergie noire », qui remplirait le vide intergalactique. Plus récemment, d’autres observations ont conduit des cosmologues à faire l’hypothèse d’un « flux noir » qui pourrait provenir d’autres univers.  

Tout ce que nous savons de l’univers est-il faux ? Jamais la mathématique n’a été aussi développée et jamais notre observation de l’univers n’a été aussi riche. Mais l’histoire de la création racontée par la théorie du big bang a besoin de tant d’additifs « noirs » qu’un doute s’installe. Une révolution scientifique, pareille à la découverte de la loi de la relativité il y a un siècle, est-elle imminente ?

L’émission « Horizon » de BBC2 peut être vue sur http://www.bbc.co.uk/iplayer/

Photo du télescope spatial Hubble, galaxie spirale, http://www.hubblesite.org/

Soul Play

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Le Palace Theatre de Watford vient de produire une chorégraphie de Kate Flatt, « Soul Play »,  jeu de l’âme.

Rares sont les œuvres théâtrales qui parlent d’après la mort. On se souvient de « huis clos » de Jean-Paul Sartre ou de « hôtel des deux mondes » d’Eric Emmanuel Schmitt. L’œuvre de la chorégraphe Kate Flatt commence à l’instant où un jeune homme, dont nous ne saurons pas le nom, vient de se jeter sous un train. Il se retrouve seul dans un univers sombre. Il essaie de se raccrocher à des choses simples de sa vie d’avant, une sacoche, des pièces de monnaie. Mais il est passé de l’autre côté, irrémédiablement.

Une vieille femme, clopinant comme une sorcière, installe près de lui sa chaise et quelques objets personnels. L’homme essaie d’engager un dialogue avec elle, mais elle ne répond pas. Etes-vous Polonaise ? Ou bien Lithuanienne ? Peu à peu la femme s’anime, et on se rend compte que du diable de sorcière émerge un ange, aérien, léger, communiquant par le langage du corps. L’homme s’exaspère de ne pouvoir entrer en relation par la parole. Il rumine toutes les rancœurs, toutes les frustrations qui l’ont conduit au suicide, il bouscule la femme, on sent qu’il voudrait la tuer. La femme insiste, virevolte autour de lui et peu à peu l’entraine. Le lourdaud se met doucement au diapason du corps en mouvement de sa partenaire, il se fait plus léger. Lorsqu’il est mûr, elle l’entraîne doucement. Il peut disparaître, serein pour toujours, de la scène.

Ce jeu de l’âme annulant par la danse l’écrasement d’une vie ratée a quelque chose de sublime. Les mots sont chargés d’angoisse et de solitude ; le mouvement des corps apporte la rédemption. La pièce, qui dure environ trois quarts d’heure, fait partie d’un projet soutenu par le Peace Hospice, une maison de retraite de Watford. Après la représentation, la metteuse en scène Kate Flatt, la danseuse Joy Constantinides et le comédien Sam Curtis, et une professionnelle du Peace Hospice chargée de l’accompagnement psychologique des pensionnaires, sont venus dialoguer avec les quelques dizaines de spectateurs. Ils expliquèrent que la pièce est née du besoin des personnes âgées d’exprimer ce qu’elles ressentent face à la mort de personnes qui leur sont chères. Elle s’inspire d’un jeu scénique mis en scène par les habitants d’un village de Transylvanie (Roumanie) entre le décès et l’enterrement, simulant les noces du défunt avec la mort.

Une spectatrice demanda pourquoi le comédien jouait pieds nus. Kate Flatt expliqua que dans certains pays, comme au Japon, les personnes résolues à se donner la mort se déchaussent. Je pense aux manuels d’El Qaida, qui prescrivaient au contraire aux pilotes du 11 septembre de nouer scrupuleusement leurs souliers.

Un spectateur dit qu’il avait fait lui-même une tentative de suicide et que la pièce lee bouleversait.

(Photo : www.kateflatt.com)