Biutiful

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Javier Bardem a été primé à Cannes et nominé aux Oscars pour son rôle dans le film Biutiful de Alejandro González Inárritu.

Dans le Barcelone souterrain et interlope, Uxbal vit de trafics illicites. Il sert d’intermédiaire entre des ateliers clandestins chinois, des dealers africains et des chefs de chantier avides de main d’œuvre sans statut. Il fréquente assidument les funérailles et transmet aux vivants, moyennant rétribution, les dernières paroles des défunts.

Uxbal est confronté à la mort de manière plus personnelle. Le cimetière où il est enterré son père va être rasé. On exhume le corps. Comme il a été embaumé, Uxbal demande à le voir. Il est confronté à un homme vingt ans plus jeune que lui, un père qu’il n’a jamais connu et qui n’a pas vieilli en même temps que lui.

Uxbal apprend qu’il a un cancer généralisé et qu’il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Il tente de remettre sa vie en ordre. Mais sa vie est un désastre. Pour soulager des immigrés chinois vivant dans des conditions inhumaines, il leur fait apporter des chauffages au gaz, mais cette bonne intention provoque leur asphyxie et leur mort. Les africains vendeurs à la sauvette d’objets de contrefaçon sont arrêtés et déportés dans leur pays d’origine. Il accepte de cohabiter de nouveau avec son épouse Marambra (Maricel Alvarez), mais celle-ci, alcoolique et nymphomane, est violente à l’égard de leur jeune fils.  

Ses deux enfants, une fille au seuil de l’adolescence et un petit garçon, sont le vrai trésor d’Uxbal. Il tente de les protéger de la cruauté et du désespoir ambiants, de les encourager à découvrir le côté « biutiful » du monde, de rêver à la neige dans les Pyrénées toutes proches. Il espère qu’Ige (Diaryatou Daff), une sénégalaise qu’il a sauvée de la déportation et à qui il laisse des liasses de billets, les prendra en charge après sa mort. 

Biutiful est un film glauque et difficile, parce qu’il parle de réalités que nous ne voulons pas regarder, parce que le langage cinématographique d’Inárritu est cru et violent et parce que Bardem, dans le rôle d’un truand au cœur tendre au bout de sa vie, est pathétique et sublime.

Photo du film Biutiful.

La Chine au secours de l’Euro

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La Chine a fait connaître son intention de soutenir l’Euro. Ceci la fait indiscutablement apparaître comme une puissance économique mondiale.

En novembre dernier, le Président chinois Hu Jiantao a fait un voyage officiel dans deux pays européens, la France et le Portugal. Pourquoi avoir choisi le Portugal, pays de dix millions d’habitants loin du niveau de prospérité moyen de l’Union Européenne ? L’ancienne colonie portugaise en Chine, Macau, est aujourd’hui transformée en casino géant et ne justifie probablement pas une telle attention !

La récente visite du vice premier ministre, Li Keqiang, en Espagne et dans d’autres pays européens, permet de mieux comprendre le surprenant détour par Lisbonne de son président. La Chine ne veut pas que l’Euro explose. Pour la sécurité de ses réserves en devises, elle ne veut plus les investir seulement en dollars. Elle achète d’ores et déjà des milliards d’euros de dettes des pays les plus fragiles de la zone Euro, dont le Portugal, et on estime qu’elle détient déjà 10% de l’ensemble de la dette nationale émise par l’Espagne. La Chine a besoin d’alliés dans le bras de fer qui l’oppose aux Etats-Unis, qui l’accusent de sous-évaluer systématiquement sa monnaie, le renminbi : elle présente le Portugal et l’Espagne comme ses « meilleurs amis ».

La Chine est aussi intéressée par les connexions de l’Europe avec les pays en développement. Li Keqiang a ainsi signé à Madrid un accord pour la vente de 40% du capital de la filiale du pétrolier espagnol Repsol au Brésil. La visite au Portugal s’inscrit dans la même logique. La Chine est un investisseur important en Angola et le premier importateur de biens produits au Brésil : or, les milieux d’affaires portugais sont particulièrement bien introduits dans ces deux pays.

La Chine avance ses pions sur l’échiquier économique mondial. C’est bon pour l’Euro et pour la croissance en Europe. A terme, c’est le basculement à l’est du pouvoir financier qui se confirme.

Photo : le président chinois Hu Jiantao et le premier ministre portugais José Socrátes à Lisbonne en novembre 2010.

L’Espagne, un leader des énergies renouvelables

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 Dans un article de The Guardian paru le 29 décembre, Stephen Burgen indique que l’Espagne vient, pour la première fois, d’exporter de l’énergie vers la France, et que la part des énergies renouvelables est en forte croissance.

L’Espagne importe traditionnellement de l’électricité de la France. Pour la première fois en novembre, la France a du importer de l’électricité espagnole pour compenser la baisse de production occasionnée par les grèves contre la réforme des retraites.

L’électricité espagnole est de plus en plus produite à partir d’énergies renouvelables. En 2010, la part de l’énergie hydro-électrique, éolienne et solaire représente 35% de la demande espagnole. Cela est du à des pluies abondantes et à des vents soutenus, mais aussi à l’installation de nouvelles capacités.

L’énergie éolienne s’est accrue de 18.5% en 2010 et couvre 16% de la demande, seulement 3% de moins que le nucléaire. Le solaire est en retard et ne représente que 3% de la demande, mais d’importantes capacités sont en cours d’installation.

Depuis des années, le gouvernement encourage le développement des énergies renouvelables. Cela correspond à une caractéristique géographique d’un pays où le vent et l’ensoleillement sont abondants. C’est aussi un encouragement à une industrie de pointe, à un moment où le modèle de développement fondé sur l’immobilier connaît une crise profonde.

Stephen Burgen note pourtant que le « verdissement » du réseau électrique espagnol n’a pas profité aux consommateurs, qui font face à une augmentation des prix de 9% en  2011, austérité budgétaire oblige.

Illustration : graphique de la puissance éolienne installée en Espagne, par année et cumulée. Asociación Empresarial Eólica Española, http://www.aeeolica.es

Voyage en Alcarria

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Pour rester dans l’ambiance espagnole et nous faire penser à l’été, voici une lecture du beau récit de Camilo José Cela, Viaje a la Alcarria (1946 et 1965, De Bolsillo).

En lisant « Voyage en Alcarria », j’éprouve de la jalousie. J’aimerais écrire un tel livre qui n’est pas un roman, dit son auteur, mais une géographie. Je dirais quant à moi : la chronique du passage au travers d’un pays modelé par le labeur de ses habitants, que l’on ne peut comprendre qu’au fil de rencontres simples, éphémères et vraies.

Agé de trente ans, Camilo José Cela voyagea dans l’Alcarria (provinces de Guadalajara et Cuenca), sac au dos, du 9 au 15 juin 1946, notant au passage ce qu’il observait. Bien que plusieurs fois retravaillé par la suite et stabilisé dans sa version définitive vingt ans plus tard, le texte garde une fraîcheur et une justesse exceptionnelles. S’il a pour cadre une Espagne disparue, agricole et miséreuse, il nous touche aujourd’hui encore par la beauté de la langue castillane et par la curiosité intellectuelle du voyageur qui se rend totalement disponible à ce qui vient et s’efforce de le restituer avec la plus grande objectivité possible.

A la sortie de Guadalajara, sur la route de Saragosse, un gamin rouquin l’interpelle : « me permettez-vous de vous accompagner quelques hectomètres ? » Il s’appelle Armando Mondéjar López, il a treize ans, trois frères et une sœur. Le voyageur lui demande s’ils sont tous blonds. Et le garçon lui répond : « oui, monsieur. Nous avons tous les cheveux roux, même mon père. » Dans la voix du garçon, il y a comme un vague accent de tristesse. Quand l’enfant s’en va et salue le voyageur de la main, ses cheveux brillent en plein soleil comme s’ils étaient de feu. L’enfant a de beaux cheveux lumineux, pleins de charme, mais il ne le sait pas. Et Cela écrit ce poème :

Armando Mondéjar López

Es un niño preguntón;

Tiene el pelo colorado

Del color del pimentón

(Armando Mondéjar López est un enfant questionneur ; il a la chevelure colorée de la couleur du poivron rouge).

Allumer une cigarette, faire la sieste sous un arbre en regardant le vol d’une cigogne, partager une gourde de vin ou un vermouth à la table d’une auberge, accepter l’invitation d’un muletier et faire un bout de chemin à ses côtés sur la carriole, le voyage est fait de petits riens qui donnent au temps qui fuit la densité de l’éternité.

Photo « transhumances »