On vient de célébrer les cinquante ans du premier film de la série des James Bond : Docteur No, avec Sean Connery. Le Sunday Times Magazine du 14 octobre évoque le rôle de l’auteur de James Bond, Ian Flemming, comme responsable du réseau de correspondants étrangers du journal.
Ian Fleming a été journaliste au Times de 1945 à 1962. Il dirigeait un réseau de plus de 80 reporters dans les cinq continents. Outre leurs fonctions de journalistes, nombre de ses correspondants étaient aussi des espions des Services Secrets britanniques. Fleming avait sculpté son job à sa mesure et selon ses goûts : journaliste, romancier, agent secret, joueur de golf le week-end, consacrant deux mois par an à sa propriété en Jamaïque. Ses centres d’intérêt étaient les voitures, les armes à feu, le manger et le boire et le sexe sadomasochiste.
La secrétaire de Fleming au Times, qui portait le nom romanesque d’Una Trueblood et est aujourd’hui octagénaire, dactylographiait ses romans. Il lui dédicaçait les premières copies : « à Una, qui a écrit tous les livres ». Dans Docteur No, l’une des protagonistes porte le nom de Mary Trueblood et meurt de mort violente. « Avec mes excuses pour la mort soudaine » écrivit Fleming sur la page de garde à l’intention d’Una.
Godfrey Smith, qui travailla au Times avec Fleming, dit de lui qu’il était « débonnaire, sophistiqué, charmant et avec un énorme budget de dépenses. Il conduisait partout une voiture chic et chère. Sauf une fois, je pense après qu’il se fût mis aux livres de Bond, je l’ai vu de mes yeux attendre à un arrêt d’autobus. C’était l’une des choses les plus drôles que j’aie jamais vues. Je suppose qu’il était à la recherche de je ne sais quelle nouvelle expérience. »
La ville de Bristol vient de lancer sa monnaie locale : la livre de Bristol, Bristol pound.
La livre de Bristol est émise par une « credit union », l’équivalent d’une caisse de crédit mutuel. Les usagers peuvent y ouvrir un compte sur la base de la parité : 1 livre sterling est convertie en 1 livre de Bristol. Ils peuvent payer en Bristol pound des biens et des services proposés par des commerçants qui l’acceptent, plus d’une centaine actuellement. Elle prend la forme de coupures de £1, £5, £10 et £20, mais elle peut aussi être utilisée électroniquement pour payer des factures, par ordinateur ou depuis un téléphone portable. Puisque la Bristol Credit Union est homologuée par le régulateur bancaire, la FSA, les déposants jouissent d’une garantie de leurs avoirs jusqu’à 85.000 livres par personne.
L’objectif de cette monnaie est de retenir dans l’économie locale une part plus grande des revenus qu’elle génère. Les commerçants espèrent que les acheteurs se tourneront vers eux pour écouler leur monnaie locale. Les consommateurs agissent par patriotisme régional : ils entendent participer à une initiative qui stimule l’économie de leur ville. Autre argument ; s’ils utilisent un compte électronique libellé en Bristol pound, ils reçoivent une prime de 5 livres pour 100 livres déposées.
D’autres villes britanniques ont mis au point un système semblable : Totnes, dans le Devon, se lança en 2006. Bristol a plusieurs atouts : sa taille, le soutien d’une « credit union » et celui de la municipalité, ainsi que la coexistence d’une forme papier et d’une forme scripturale.
« Transhumances » a rendu compte en novembre 2009 de l’expérience de la Banque Palmas qui gère une monnaie locale dans le périmètre d’une favela, le Conjunto Palmeiras. L’objectif était de créer de la richesse en partant du principe que le produit brut d’un territoire est le produit de la masse monétaire par sa vitesse de circulation. En faisant circuler très vite une monnaie dans un espace restreint, on accroit le revenu de ses producteurs et de ses consommateurs. Les initiateurs de la Bristol pound évoquent l’effet multiplicateur de la circulation de la monnaie locale. Les objectifs sont toutefois modestes : 125.000 Bristol pounds en circulation aujourd’hui, et un objectif de 500.000 dans un an qui ne représente qu’une fraction infime de la monnaie en circulation dans la région. Mais l’effet symbolique est considérable : Bristol rejoint d’autres grandes métropoles, comme Hambourg ou Toronto, dans le club des villes avides d’innovation sociale et décidées à la faire advenir.
Le leader du parti travailliste britannique, Ed Miliband, a prononcé à la conférence de son parti à Manchester un remarquable discours. Son fil directeur rappellera aux Français les souvenirs de la dernière élection présidentielle : le parti au pouvoir s’emploie à diviser, nous voulons rassembler.
Le discours d’Ed Miliband le 2 octobre dura 1h4mn32s, dont 17mn15s d’applaudissements. Parlant sans notes, il sut soulever l’enthousiasme de ses partisans et s’imposer – enfin – comme leur leader.
Le paradoxe de ce discours, c’est qu’il emprunte sa thématique à Benjamin Disraeli, un leader Tory (Conservateur). Le 3 avril 1872, également à Manchester, il prononça un discours devenu emblématique. Il y défendait l’idée que la nation, au lieu d’être divisée, devait être unie par des passions communes, une préoccupation et un soutien mutuels. Aux français, ceci devrait rappeler la campagne présidentielle d’avril 2012. Le candidat François Hollande reprochait au président Nicolas Sarkozy de chercher à opposer les Français les uns aux autres et de nourrir des tensions au lieu de les apaiser. C’est le même positionnement qu’adopte Miliband. Les commentateurs disent qu’après le Old Labour et le New Labour (celui de Blair et Brown) est en train de naître le One Nation Labour.
La conversion n’est pas aisée pour la gauche, qui s’est largement construite sur l’idée de la lutte des classes. Le père des Miliband, David et Ed, Ralph, était d’ailleurs un marxiste convaincu. Mais il est vrai que la droite, celle de Cameron et Osborne comme celle de Romney, se définit de plus en plus par une exaltation des « makers » (ceux qui font) contre les « takers » (ceux qui profitent). Les droites croient en la concurrence dure, en l’effacement des filets de protection, en l’apprentissage de la responsabilité individuelle. La nécessité de réduire les déficits publics constitue pour elles une aubaine : elle leur donne l’excuse pour réduire les subventions dont profitent les parasites.
Il n’est pas étonnant dès lors que les gauches tendent à s’approprier le message du rassemblement et de l’unité. Il a permis le triomphe de François Hollande en 2012. Les sondages donnent à Miliband et son parti une dizaine de points d’avance sur les Conservateurs, et les Libéraux Démocrates ne se remettent pas des compromis passés avec les Tories au gouvernement. Une victoire travailliste en 2015 n’est pas garantie. Mais portés par l’image d’Une Nation, les Travaillistes ont désormais des chances sérieuses de l’emporter.
Alex Salmond et David Cameron signent le pacte d'Edimbourg
La question de l’indépendance de l’Ecosse et de la Catalogne a été au cœur de l’actualité de ce mois d’octobre.
« Le gouvernement britannique et le gouvernement écossais sont tombés d’accord pour qu’un référendum sur l’indépendance écossaise soit organisé », titrait The Guardian le 16 octobre. Le pacte d’Edimbourg fait suite à l’élection au parlement écossais d’une majorité nationaliste. A l’issue de plusieurs mois de négociation, Alex Salmond a obtenu que le referendum ait lieu en 2014 et non en 2013 comme le souhaitait Cameron, et que les jeunes de 16 et17 ans puissent voter, ce qui accroit les chances du vote indépendantiste. Cameron de son côté obtient qu’une seule question soit posée : voulez-vous oui ou non que l’Ecosse devienne indépendante ? Salmond aurait aimé ajouter une seconde question sur la dévolution de plus de pouvoirs à l’Ecosse, quelle que soit la réponse à la première question.
Le président de la Généralité catalane, Artur Mas, a quant à lui déclaré que si son parti était réélu aux élections régionales du 25 novembre, il organiserait un référendum sur la question suivante : « voulez-vous que la Catalogne devienne un nouvel état au sein de l’Union Européenne ? » Le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy a réagi brutalement à cette déclaration. Le ministre de la justice Alberto Ruiz Gallardon a menacé Mas de rétorsion : « si une personne commet un acte illégal, elle doit répondre de ses actions. »
Qu’est-ce qui explique le fossé qui sépare la négociation d’Edimbourg et l’affrontement crispé entre Madrid et Barcelone ?
Une partie de la différence tient à la conjoncture. En Ecosse, une minorité est actuellement en faveur de l’indépendance : 34% pour, 55% contre. Cameron pense que le « non » l’emportera en 2014 ; Salmond pense que ses chances de renverser la tendance sont sérieuses. Dans l’Espagne déchirée par la crise économique, le ressentiment des Catalans contre le gouvernement central n’a cessé de croître : leur région est en faillite, ce qui est une source d’humiliation, mais le déficit est du en partie aux transferts vers d’autres régions. Les chances du oui au référendum, s’il avait lieu, seraient élevées.
Il y a aussi une grande différence culturelle. Les Ecossais ont été opprimés par les Anglais au dix-huitième siècle, mais la Royauté se proclame, depuis Balmoral, aussi écossaise qu’anglaise. Par ailleurs, le gaélique n’est presque pas parlé, et la langue n’est pas un marqueur national. En revanche, la langue catalane est parlée par une majorité de la population. La guerre civile espagnole, la victoire du franquisme et l’écrasement des nationalités est un souvenir qui brûle encore sous la cendre. Le problème est d’autant plus aigu que le Parti Populaire est, à bien des égards, un héritier du franquisme. La réaction de nombre de ses partisans en face des revendications nationalistes, en particulier basques mais aussi catalanes, est parfois proche de l’hystérie.
Enfin, le contexte institutionnel est différent. Parce qu’elle voulait éviter la répétition des clivages meurtriers, la constitution espagnole n’inclut pas de mécanismes souples de révision et ne considère pas la possibilité d’un démembrement. L’absence de Constitution écrite de la Grande Bretagne permet de définir, par consensus, des processus permettant de gérer même la possibilité que le Royaume Uni d’Angleterre, Galles, Ecosse et Irlande du Nord vienne à disparaître.
Artur Mas acclamé par ses partisans. Photo El Pais.