Jubilée

 

Elizabeth II à Windsor, photo "transhumances"

Le premier week-end ensoleillé du printemps nous a donnés l’occasion de visiter le château de Windsor et de nous plonger dans l’atmosphère du Jubilée de Diamant de la Reine Elizabeth II.

 Malgré l’austérité, l’année 2012 s’annonce festive en Grande Bretagne, avec les Jeux Olympiques et la célébration des soixante années de règne de la souveraine. Visiter le château de Windsor, c’est approcher – de très loin – la famille royale. Et c’est de très loin qu’on accourt ! Dans la longue queue pour accéder au palais de poupée de la Reine Mary et aux appartements royaux, nous nous associons à la conversation animée de quatre étudiantes, Coréenne, Japonaise, Taïwanaise et Angolaise.

 Windsor est une manifestation de pouvoir, mâtiné de bonhommie. Les « bonnets à poils » se laissent approcher et photographier impassibles par des touristes ravis de l’exotique aubaine ; mais les jeunes militaires qui se prêtent aujourd’hui à cette manifestation folklorique peuvent demain recevoir leur carnet de route pour l’Afghanistan.

 En 1952, la jeune reine était encore impératrice, malgré la perte récente des Indes. La diversité de l’empire s’est maintenant invitée au cœur de l’Angleterre, du Pays de Galles, de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord : diversité des races, des cultures, des croyances, des religions ou des non-religions. Le jubilée marque une étonnante continuité : 60 ans d’un même monarque ! L’exposition de photos consacrée à l’événement témoigne aussi du passage du temps, non seulement en raison du vieillissement de la reine et du prince consort, mais aussi parce que la plupart des innombrables présidents et têtes couronnées qu’ils ont côtoyés appartiennent à une histoire désormais révolue.

Windsor : pouvoir et bonhommie. Photo "transhumances"

Un dangereux aveuglement

 

 

Rupert et James Murdoch devant la Commission Leveson en 2011

 

Dans The Guardian du 2 mai, Margaret Heffernan revient sur l’audition de Rupert Murdoch par la Commission Leveson.

 La journaliste s’interroge sur l’aveuglement volontaire que la Commission Leveson reproche à Murdoch. « Les gens en position de grand pouvoir, dit-elle, vivent dans une bulle. Ceci peut revêtir une réalité physique : Murdoch n’emprunte pas les vols réguliers et ne fréquente pas des espaces publics – et, si l’on en juge par ses prestations devant les parlementaires et Leveson, il est clair qu’il n’est pas habitué à faire face à des questions impromptues et des questionnements inattendus.

 Dans ce cocon il se développe un sens de sécurité à la fois physique et intellectuelle qui est immensément dangereux. Ces gens sont entourés par d’autres qui souhaitent leur plaire et qui espèrent acquérir du pouvoir en agissant ainsi (…)

 Mais Murdoch a-t-il choisi d’être aveugle ? Il a choisi de s’entourer de loyalistes, pas de critiques – avec des cadres supérieurs qui étaient politiquement et financièrement dépendants – tout en perdant les fidèles les plus robustes qui pouvaient lui résister. Murdoch a organisé sa gouvernance d’entreprise de manière à rendre quelque forme de questionnement que ce soit difficile et inefficace – tandis que les actionnaires choisissaient de s’aveugler eux-mêmes par de hauts dividendes. »

 Heffernan cite d’autres exemples d’aveuglement : les patrons des banques Lehman Brothers et Bear Stearns face aux risques potentiels de leurs activités, ainsi que l’Eglise Catholique au début du scandale des prêtres pédophiles.

 Voisi sa conclusion : « C’est la responsabilité des puissants de s’assurer qu’ils s’entourent eux-mêmes de penseurs indépendants et d’alliés critiques qui ont la liberté et le courage de leur dire la vérité. Quand les leaders choisissent de ne pas suivre cette voie, ils embrassent l’aveuglement et l’obscurité morale qui va avec elle. »

Humiliation d’un puissant

La comparution du magnat de presse Rupert Murdoch devant la commission d’enquête Leveson, les 25 et 26 avril, a donné le spectacle rare d’un homme habitué à tenir le monde sous sa botte interrogé, déstabilisé et finalement humilié.

 La Commission Leveson a été mise en place à la suite de la découverte de la pratique systématique d’écoutes téléphoniques illégales par News of the World, un titre du groupe Murdoch. Elle vise à faire des recommandations pour la moralisation de la presse. Pour la seconde fois, Rupert Murdoch et son fils James ont été convoqués par la Commission pour une audition à la Royal Court of Justice.

 L’audition de Rupert Murdoch le met aux prises avec deux hommes, Robert Jay, l’avocat de la Commission, et le Juge Leveson lui-même. The Guardian donne dans son édition du 22 avril des extraits de cette confrontation, qui pourrait fournir la trame d’une pièce de théâtre. Robert Jay se montre pugnace et met plusieurs fois Murdoch dans les cordes.

 L’un des moments les plus intenses de l’audition est lorsque Murdoch est prié de s’expliquer sur l’indemnité de 700.000 livres payée à Gordon Taylor, le directeur général de l’association professionnelle du football, après que News of the World eut reconnu que son téléphone portable avait été écouté. Jay demande à Rupert Murdoch s’il a demandé à son fils James les raisons du paiement d’une somme aussi astronomique. Rupert répond que, oui, il en avait parlé à James. Quelle fut sa réponse ? « J’avais peu de temps, et on me donnait deux cases à cocher. Laquelle cocher ? Celle qui impliquait une petite somme d’argent, – relativement petite – ou une infiniment plus grande ? Et son avis était de cocher la plus petite case, et c’est ce qui s’est passé. Il avait peu d’expérience à ce moment là (…) »

 Leveson et Jay demandent alors à Murdoch s’il ne veut pas dire cocher la plus haute case, plutôt que la plus basse.  Murdoch répond alors « J’ai oublié ce qu’elles étaient, mais on a coché la case qui n’impliquait pas le risque d’un appel et des dommages et intérêt triplés, et Dieu sait quoi encore ». Jay enfonce le clou : « je vois. Est-ce qu’on ne vous a pas dit que la case la plus haute était celle qui disait « si on ne trouve pas un accord sur ce cas, il y a un risque que se présentent beaucoup d’autres cas ? » « Non, on ne m’a jamais dit cela », répond Rupert Murdoch.

 Rupert Murdoch n’est pas habitué à rendre des comptes. Face à la commission d’enquête, il se prend les pieds dans le tapis et perd sa superbe. C’est un moment de pure démocratie.

Photo The Guardian : audition de Rupert Murdoch

Le Royal College of Surgeons

 

Armoiries du Royal College of Surgeons, 1822

Le Collège Royal des Chirurgiens (Royal College of Surgeons) joue un rôle important dans la formation initiale et permanente des chirurgiens en Angleterre.

 La visite est organisée pour les membres de la section britannique de l’Ordre National du Mérite à l’invitation d’Adrian Marton, ancien vice président du College. Adrian nous parle de son histoire. Pendant longtemps, barbiers et chirurgiens, deux métiers autorisés à faire couler le sang, ont fait cause commune : c’est une compagnie des barbiers – chirurgiens que le roi Henri VIII reconnait en 1540. Les chirurgiens ne se séparent des barbiers qu’en 1745. Ils sont alors installés dans la City près de la Cour de Justice et sont autorisés à autopsier les corps des condamnés pendus haut et court.

 Les chirurgiens s’installent à la fin du dix-huitième siècle à leur adresse actuelle, en bordure du square de Lincolns Inn Fields, près d’Holborn. Leur bâtiment abrite l’immense collection anatomique amassée par le chirurgien John Hunter (1728 – 1793). Une partie de cette collection a été détruite par un bombardement en 1941, qui a nécessité la reconstruction d’une grande partie du bâtiment. Ce qui en reste a été conservé dans un musée, le Hunterian Museum, qui a été réaménagé dans le College selon les canons de la muséologie moderne il y a quelques années. La visite du musée est recommandée aux étudiants en médecine. Mais de la visite de la salle des bocaux, où sont exposés sous formol des centaines d’échantillons d’organes humains et animaux,  se déprend une insolite beauté. J’ai repensé à une récente émission de France Inter pendant laquelle une fille de Theodorakis, artiste peintre, racontait que Louise Bourgeois lui avait demandé de s’inspirer des collections du musée d’histoire naturelle et de lui rapporter ses trouvailles.

 Le clou de la visite est la rencontre avec la responsable du centre de formation, Trisha Brown. Elle nous parle d’une manière passionnée des programmes organisés par le College et nous fait pénétrer dans le « théâtre d’opération », une salle simulant un bloc opératoire avec tous ses équipements. Deux côtés de la salle sont vitrés : dans une salle annexe, un formateur simule des événements cliniques sur un mannequin allongé sur la table d’opération : brutale perte de tension, hémorragie, etc. Dans l’autre peuvent prendre place des observateurs. Le théâtre d’opération est utilisé pour former des équipes de chirurgiens et d’infirmières pour des interventions d’urgence. Il est souvent utilisé par des équipes médicales de l’armée britannique en Afghanistan.

 La bibliothèque du College est organisée par organes, de la tête aux pieds. Nous sommes dans le monde de l’anatomie classique. Lorsque je demande à Trisha si le College s’occupe de nano technologies, elle me répond que ce n’est pas dans le domaine d’intervention du College. Pas encore.