Action pour le Bonheur

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Le mouvement « Action pour le Bonheur » (Action for Happiness) a été lancé au Royaume Uni le 12 avril. Son directeur, Mark Williamson, explique son positionnement et son programme dans le quotidien The Guardian.

Fondé par des chercheurs en sciences sociales dont Richard Layard, professeur à la London School of Economics, Action for Happiness se présente comme un mouvement de masse pour le changement social. « Il se base sur une idée simple, qui est que si nous voulons une société plus heureuse, nous devons dans nos propres vies donner priorité à ce qui compte vraiment, y compris le bonheur de ceux qui nous entourent. »

Action for Happiness dénonce une société certes devenue plus prospère, mais aussi « de plus en plus concurrentielle et égoïste, avec une culture qui nous encourage à poursuivre la richesse, l’apparence, le statut et l’avoir au dessus de tout le reste. Dans les années soixante, 60% des adultes en Grande Bretagne disaient qu’ils croyaient qu’on peut faire confiance à la plupart des gens. Aujourd’hui le chiffre tourne autour de 30%. »  Il est urgent de combattre l’épidémie de solitude et d’isolement dont souffre le pays.

Le modèle du Mouvement est le Danemark. « Si la Grande Bretagne se hissait à son niveau,  2,5 millions de personnes de moins seraient malheureuses, et 5 millions de personnes de plus seraient très heureuses. » La recette : « des familles aimantes, des amitiés proches, une bonne conscience de soi-même, de forts liens communautaires, faire des choses pour les autres, rester actif  et avoir d’une certaine manière un but plus large pour sa vie. » Et pour y arriver, des actions pratiques telles que « trouver chaque jour des choses dont on est reconnaissant, même si elles sont petites ; essayer quelque chose de nouveau ou de différent ; et rechercher ce qui est bien dans les autres ».

Le mouvement affirme avoir une base scientifique, la science du bonheur. Il rejoint en ce sens les préoccupations de gouvernements, notamment ceux de Grande Bretagne et de France, qui veulent mesurer l’état de bonheur de la population. Transhumances avait évoqué ces projets le 9 janvier 2011 dans un article intitulé « bonheur national brut ».

Mark Williamson reconnaît que « à un moment où les familles et les communautés sont confrontées partout au Royaume Uni à des difficultés économiques, une sécurité de l’emploi incertaine et des coupes budgétaires sauvages, parler du bonheur peut sembler aller à contresens. » En effet, les critiques, tels John Grace, lui aussi dans The Guardian, estiment que ce n’est pas le moment : « dans une période de coupes budgétaires, je peux voir l’intérêt de se centrer sur les espaces de sa propre vie sur lesquels on peut exercer un certain contrôle. Mais cette poursuite du bonheur personnel est une distraction des causes réelles du malheur. Je suis prêt à parier que si les Danois sont si heureux, c’est qu’ils ont moins de pauvreté, moins d’inégalité et plus de mobilité sociale, et pas parce qu’ils méditent en plus grand nombre. Et la pauvreté, l’inégalité et la mobilité sociale peuvent être quantifiées. »

Dans le même sens, Simon Jenkins affirme que le bonheur a une forte dimension sociale et politique. Les gouvernements, dit-il, savent pertinemment ce qui rendrait les gens heureux, comme construire des hôpitaux à taille humaine au lieu de faire la course à la concentration et au gigantisme, ou abroger la loi sur les drogues de 1971 au lieu criminaliser les utilisateurs.

La science du bonheur en est encore à ses balbutiements. Happiness (bonheur) est un concept voisin de flourishing (épanouissement) et wellbeing (bien-être). Il est né pendant le Siècle des Lumières et est mentionné dans la Déclaration d’Indépendance américaine. Le droit au bonheur s’est imposé contre les religions, qui le reconnaissait dans l’autre monde mais le niait au monde des vivants. Action for Happiness associe bonheur et altruisme. Ce faisant, le Mouvement laïcise ce que les religions désignent par « charité ». En ce sens, il constitue une initiative bienvenue !

Photo « transhumances »

Travailler au-delà de 65 ans

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En Grande Bretagne, soixante-cinq ans cesse d’être l’âge de la retraite par défaut. Pour mettre à la retraite un travailleur plus âgé, les entreprises devront faire la preuve de son inaptitude.

Dans The Guardian du 1er avril, Jill Insley examine les raisons et les conséquences de l’abolition du « default retirement age » (DRA) que les Travaillistes avaient instauré en 2006 pour protéger les employés du risque d’être mis à la retraite avant soixante cinq ans. Un employé peut désormais choisir la date à laquelle il prend sa retraite ; c’est à l’employeur de prouver, le cas échéant, qu’il ne remplit plus les conditions pour occuper son poste de travail.

Pour le gouvernement, augmenter le nombre d’actifs réduira la pression sur le régime de retraite. Pour les salariés, pouvoir travailler plus longtemps est souvent une question de survie. Une étude montre qu’un tiers des salariés prenant leur retraite cette année auront un revenu inférieur à la ligne de pauvreté ; on estime qu’en 2009, 100.000 personnes ont été obligées de prendre leur retraite contre leur gré.

Du côté patronal, les nouvelles dispositions sont accueillies avec appréhension, en particulier par les PME, qui peuvent difficilement proposer à des employés âgés des postes dont les horaires et la pénibilité correspondent à leurs capacités ; contrairement à elles, de grandes entreprises comme British Telecom ont les moyens de mettre en place des politiques de diversité au travail faisant une place aux seniors. Les organisations patronales reprochent au gouvernement de n’avoir pas défini les règles de suivi de la performance des travailleurs âgés et les critères selon lesquels il sera possible de les mettre d’office à la retraite.

La chaîne de supermarchés Asda est reconnue comme un des leaders dans l’incorporation de travailleurs âgés. Elle emploie 40.000 salariés de plus de 50 ans, dont 1.100 de plus de 70 ans. Caroline Massingham, qui au lieu de « chef du personnel » ou de « directrice des ressources humaines » porte le joli titre de « directeur des gens » (people director) explique que les fait que des « héros de service client » servent de mentors à des employés plus jeunes fonctionne extrêmement bien. « L’éthique du travail des travailleurs plus âgés par opposition à celle de notre marché plus jeune a un effet massif sur la performance du magasin. Elle apporte de la stabilité dans ce marché du travail – vous ne voyez pas un taux de rotation aussi élevé dans cette tranche d’âge que parmi les plus jeunes ».

On est frappé en Grande Bretagne par le nombre de personnes âgées qui occupent un emploi. Une étude récente du Cercle d’Outre Manche le confirme : en 2010, le taux d’emploi des 55 – 65 ans était de 58% au Royaume Uni et de 38.3% en France. Depuis des années, la discrimination sur le critère de l’âge est interdite : les curriculum vitae ne mentionnent pas l’âge d’un candidat, pas plus que son sexe ou son groupe ethnique. La suppression de l’âge de la retraite par défaut s’inscrit dans la lutte contre cette discrimination en même temps qu’elle s’adresse à problème social majeur.

Photo The Guardian : employées de la chaîne de supermarchés Asda.

Les Préraphaélites au Musée d’Orsay

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Le Musée d’Orsay présente une exposition intitulée : « une ballade d’amour et de mort, photographie préraphaélite en Grande Bretagne, 1848 – 1875 ».

La photographie a été inventée par Daguerre ne 1839. Le mouvement préraphaélite est né en Grande Bretagne, à l’initiative des peintres Millais, Rossetti et Hunt, en 1848. L’exposition du Musée d’Orsay montre les connexions entre une technique, qui allait devenir une forme d’art, et une école de peinture qui prétendait renouer avec la naturalité d’avant Raphaël et l’académisme.

Dans les années 1850, photographes et peintres britanniques partagent une même passion pour le détail des paysages végétaux. Comme les peintres, les premiers photographes mettent en scène des pièces de Shakespeare ou des sonnets de Tennyson.

L’affiche de l’exposition associe un portrait d’une jeune femme, Jane Morris, par son amant Dante Gabriel Rossetti, et une photo prise par John Parsons selon une mise en scène par le peintre.

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On est touché par des photos d’une très belle jeune actrice, Ellen Terry par Charles Dogson, professeur de mathématiques à Oxford et auteur, sous le nom de Lewis Carroll, d’Alice au Pays des Merveilles. Le peintre George Frederic Watts fit plusieurs portraits d’Ellen. A son tour, il fut photographié par Julia Margaret Cameron (1815 – 1879), dont plusieurs clichés sont présentés dans l’exposition. Julia offrit des clichés à Victor Hugo, alors en exil à Guernesey. On sait que l’écrivain français ainsi que son fils Charles s’étaient intéressés très tôt à la photographie.

La personnalité de John Ruskin (1819 – 1900) est très présente dans l’exposition. Critique d’art réputé, Ruskin avait défendu les préraphaélites contre leurs adversaires, en particulier Charles Dickens. Il fut aussi un fervent défenseur de la photographie, qu’il décrivait comme « l’écriture du soleil ». On voit ainsi côte à côte une photographie de la ville de Fribourg, qu’il fit prendre par un de ses assistants, et un tableau de la ville qu’il réalisa lui-même.

Illustrations : Jane Morris, peinte par Rossetti.

Concert Baroque à St Martin-in-the-Fields

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L’église St Martin-in-the-Fields, sur Trafalgar Square à Londres, accueille tout au long de l’année des concerts de musique baroque.

Programmer Vivaldi, Bach, Mozart et Pachelbel n’est pas particulièrement audacieux. On est sûr de trouver un public au-delà du cercle restreint des mélomanes avertis. On pourrait faire la fine bouche si le choix de ce genre de musique ne s’imposait par le lieu.

St Martin-in-the-Fields est l’oeuvre de l’architecte James Gibbs. Elle fut consacrée en 1726. Elle a fait l’objet d’importants travaux de restauration dans les vingt dernières années. L’espace intérieur a été réaménagé pour une plus grande visibilité et une plus grande flexibilité. La voûte décorée de dorures a été remise à neuf. L’éclairage a été soigneusement étudié. On éprouve un sentiment d’harmonie et de plénitude, le même que procure la musique baroque dans le divertissement comme dans la gravité.

Le chef d’œuvre du travail de restauration est la verrière est de l’église, au fond du chœur. Installée en  2008, elle est l’œuvre de l’artiste iranienne Shirazeh Houshiary et de son mari architecte Pip Horne. Au centre du vitrail se trouve un puits de lumière, une ellipse inclinée. Au matin, elle reçoit les rayons du soleil ; la nuit, c’est un volume blanc artificiellement éclairé. Des traits montent de la base du vitrail à l’arc qui le surmonte ; à  proximité du puits de lumière,  ils se tordent de manière à l’éviter et poursuivre leur ascension. Des traits horizontaux structurent ce mouvement vers le haut. Le symbole de la croix est évident : le vitrail est torsion, souffrance, douleur ; il est aussi lumière, action de grâce, résurrection.

La rencontre de l’architecture baroque réinterprétée par des artistes modernes et de musiciens baroques de génie offre une expérience inoubliable.

Photo The Guardian : verrière est de St Martin-in-the-Fields.