Christ College à Oxford

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La visite de Christ Church College à Oxford offre un magnifique panorama de l’histoire, de la culture et de l’art anglais.

Le College a été créé par Thomas Wolsey, Ministre d’Henry VIII au début du 16ième siècle. J’ai évoqué ce personnage considérable dans mes chroniques « Wolf Hall » et « Hampton Court ». L’immense salle à manger, avec ses rangées de tables en bois où les étudiants prennent place tandis que les enseignants leur font face sur une estrade, date de 1529. De nombreux tableaux évoquent les personnalités marquantes de l’Université, en particulier John Wesley, le fondateur du Méthodisme, et Charles Dodgson (Lewis Carroll), l’auteur d’Alice au pays des merveilles.

La cathédrale est antérieure au Collège. Sa structure est romane, bien que la splendide voûte soit de style gothique flamboyant (vers 1500). Elle conserve le tombeau de Sainte Frideswide (650 – 727). Oxford a choisi comme sainte patronne une femme redoutable, capable de faire front aux rois. C’est un point commun avec Paris, qui vénère Sainte Geneviève, de deux siècles l’aînée de Frideswide. L’église a été embellie au cours des siècles. On y admire en particulier de beaux vitraux du préraphaélite Edward Burne-Jones. Une touchante statue en bois de la vierge et une crèche à base de personnages stylisés par les tissus qu’ils vêtent sont la contribution de l’époque moderne.

Le porche de la cathédrale ouvre sur une vaste esplanade carrée, le « Tom Quad », fermée en 1681 par une élégante tour, œuvre de l’architecte de la Cathédrale Saint Paul à Londres, Christopher Wren. Au centre de l’esplanade s’élève une statue de Mercure, le dieu aux pieds ailés. En cette période de fêtes, il a été coiffé d’un amusant bonnet rouge.

Photo « transhumances ».

Inflation de la langue anglaise

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Dans un article intitulé « the way we speak now » (la manière dont nous parlons maintenant) publié dans The Independant le 3 janvier, Genevieve Roberts évoque l’inflation de la langue anglaise.

« La langue anglaise a presque doublé en taille dans le siècle passé parce que nous vivons dans un riche sommet linguistique.

Un rapport récent a conclu que le vocabulaire grandit de 8.500 mots par an. Après que des chercheurs de l’Université d’Harvard et de Google ont analysé cinq millions de livres, ils en sont arrivés à 1.022.000 mots dans le langage, – en incluant « matière noire » qui ne fera jamais son entrée dans le dictionnaire.

Le Professeur David Crystal, auteur de « Evolving English » (l’anglais en évolution) dit que la croissance du vocabulaire n’est jamais continue, mais dépend de nouveaux concepts dans la société. « Il y eut un sommet du temps de Shakespeare autour de la Renaissance, un autre pendant la Révolution Industrielle, un autre sommet maintenant avec la Révolution Electronique », dit-il.

Alors qu’il y a plus d’un million de mots dans la langue anglaise, la plupart des lecteurs de The Independant connaissent probablement quelque 75.000 mots, dont ils utilisent 50.000 activement, estime-t-il.

En comparaison, l’anglais élisabéthain utilisait environ 150.000 mots. Shakespeare en utilisait un peu moins de 20.000 dans ses pièces, 12% de la langue. « Aujourd’hui, nous connaissons moins de mots en pourcentage parce que la langue a cru de manière si considérable », dit-il. »

Dans « mille neuf cent quatre vingt quatre », George Orwell décrit un pays, Oceania, en proie au délire totalitaire. Un projet phare de la dictature est le remplacement de l’anglais classique par une nouvelle langue, « Newspeak » dont le vocabulaire aurait été réduit au point de ne pouvoir rendre compte que de l’idéologie du Parti. « Vous ne saisissez pas la beauté de la destruction de mots, dit un fonctionnaire du régime. Savez-vous que Newspeak est la seule langue au monde dont le vocabulaire rapetisse chaque année ? » L’article de Genevieve Roberts démontre que la société anglaise évolue aux antipodes du totalitarisme.

Photo « transhumances » : Jonas à Ninive, vitrail de Christ Church Cathedral, Oxford. Jonas, prophète rebelle, avait reçu la mission d’annoncer aux habitants de Ninive la destruction de leur ville s’ils ne se convertissaient pas. Une belle allégorie de la puissance du langage !

Bonheur National Brut

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L’enquête d’opinion sur le degré d’optimisme ou de pessimisme parmi les nations me fait rebondir sur le débat relatif à la construction d’indices de bonheur ou de bien-être.

En 1972, l’ancien roi du Bouthan Jigme Singe Wangchuck avait fixé pour objectif à son pays l’augmentation du Bonheur National Brut au lieu du Produit National Brut. Cet objectif fut confirmé par le roi actuel en novembre 2008, lors de son couronnement.

Tout le monde reconnait les limites du « produit national brut », qui ne prend en compte que les services marchands (pas le travail domestique ou le volontariat) et inclut des dépenses (comme les dépenses militaires) qui ne contribuent pas immédiatement au sentiment de bien-être.

En Grande Bretagne, le Premier Ministre David Cameron a annoncé en novembre dernier le lancement d’un indice de bien-être, qui inclura des indices existants (notamment ceux qui contribuent à l’indice de développement humain, tels que l’espérance de vie ou l’éducation) et des mesures subjectives relatives à la psychologie et aux attitudes des citoyens. Les difficultés sont nombreuses : au lieu de suivre les mouvements volatils du sentiment des gens, ne vaudrait-il pas mieux mesurer tout simplement l’évolution de la santé mentale de la population ? Et, à supposer que l’on puisse construire un indice satisfaisant, comment peut-on y fonder des politiques : comment un gouvernement pourrait-il réagir à une soudaine diminution de 10 ou 20% de l’indice ?

Le rapport Stiglitz – Sen – Fitoussi

En France, d’intéressantes propositions ont été formulées par le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi remis en Septembre 2009 au président de la République. L’INSEE en rend compte dans un intéressant dossier intitulé « les recommandations du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, quelques illustrations, http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/ecofra10d.PDF. Il constitue une bonne synthèse des réflexions actuelles sur la mesure du bien-être et offre des points de comparaison avec d’autres pays.

Comment mesurer le sentiment de bien-être des individus ? Le rapport suggère de prendre en compte la présence de sentiments ou d’affects positifs, c’est-à-dire de flux d’émotions positives (comme le bonheur et la joie ou la sensation de vitalité et d’énergie) ressentis sur un intervalle de temps ; et aussi l’absence de sentiments ou d’affects négatifs, c’est-à-dire d’émotions négatives (comme la colère, la tristesse ou la dépression) sur un intervalle de temps.

Parmi les indices objectifs de la qualité de la vie, l’espérance de vie est importante. On sait qu’elle s’est considérablement accrue, jusqu’à atteindre 84 ans pour les femmes et 77 ans pour les hommes en France. Un autre concept tend à s’imposer, celui d’espérance de vie « en bonne santé » : 64 ans pour les femmes, 63 ans pour les hommes.

Le degré d’éducation, l’insécurité économique (chômage), les inégalités, le taux de pauvreté (pourcentage de personnes qui vivent avec moins de 60% du revenu médian), le « taux de victimisation » (pourcentage de citoyens victimes d’un crime ou d’un délit) contribuent aussi à la mesure de la qualité de la vie. La position de la France est enviable : le taux de pauvreté est plus bas que dans d’autres pays comparables, le taux d’inégalité a décru alors qu’il s’est accru ailleurs, le « taux de victimisation » est plus faible et en nette diminution.

Bonheur durable

 Enfin, le rapport s’attarde sur la « soutenabilité » économique et environnementale du bien-être : une chose est la qualité de la vie aujourd’hui, autre chose est celle que nous lèguerons aux générations à venir. Dans ce domaine, on peut mentionner l’Happy Planet Index, http://www.happyplanetindex.org/, qui révèle l’efficacité écologique avec laquelle le bien-être humain est produit. La France arrive dans ce classement au 71ième rang, le premier étant le Costa Rica, résultat surprenant quand on connait les dégâts produits par l’agriculture extensive dans ce pays. La carte d’Europe du bien-être éclogiquement soutenable est présentée ci-dessous.

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Illustration : caricature de Steve Bell dans The Guardian du 26 novembre. M. Bien-être Heureux (David Cameron) apporte la réalisation de soi.

La télévision de la nation

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Dans The Guardian du 21 décembre, Joe Moran se livre à une intéressante réflexion sur l’évolution de la télévision : la multiplication des chaînes a-t-elle eu raison du rôle de ciment de la nation que le petit écran a joué dans les années soixante-dix et quatre-vingts ?

Beaucoup de Britanniques regrettent le bon vieux temps où des millions de téléspectateurs regardaient en même temps les mêmes émissions sur les 4 seules chaînes disponibles. Ils communiaient dans une même ferveur, en particulier dans la période de Noël. Le Livre Guinness des Records relève ainsi 28.3 millions de téléspectateurs pour un show spécial en décembre 1977.

« L’ironie, écrit Joe Moran, est que dans l’environnement tiré par le marché créé par le Broadcasting Act de 1990, ceux qui regardaient la télévision le plus – les personnes âgées – furent les plus ignorés parce qu’ils attiraient le moins les annonceurs. Avec l’avènement du digital et de la télé à la demande dans les années 2000, on pensait que c’en serait fini de l’ère de la « consommation télévisuelle linéaire ». On personnaliserait désormais une soirée devant la télévision comme des consommateurs individuels atomisés.

Simplement, ce n’est pas ce qui s’est passé. Des événements télévisuels du samedi soir tels que X Factor (équivalent britannique de la Star Academy) ou Stictly Come Dancing (sans équivalent en France, concours de danse de salon où des célébrités sont associées en couple à un danseur professionnel) ont ressuscité le concept d’émissions en direct regardées par les familles. C’est vrai, le nombre de spectateurs est plus petit que dans les années 1970, mais le potentiel d’implication collective est plus grand. Twitter a permis à de vastes communautés virtuelles de discuter des émissions pendant leur diffusion.

(…) L’une des caractéristiques de  la télévision demeure qu’elle peut être vue par des foules de gens au même moment(…). Même si nos politiciens continuent à réciter le refrain du choix individuel, la popularité constante de la télévision de Noël indique qu’elle est faite pour durer. »

Photo The Guardian, 3 décembre 2010 : Pamela Stephenson et James Jordan dans Strictly Come Dancing