La télévision de la nation

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Dans The Guardian du 21 décembre, Joe Moran se livre à une intéressante réflexion sur l’évolution de la télévision : la multiplication des chaînes a-t-elle eu raison du rôle de ciment de la nation que le petit écran a joué dans les années soixante-dix et quatre-vingts ?

Beaucoup de Britanniques regrettent le bon vieux temps où des millions de téléspectateurs regardaient en même temps les mêmes émissions sur les 4 seules chaînes disponibles. Ils communiaient dans une même ferveur, en particulier dans la période de Noël. Le Livre Guinness des Records relève ainsi 28.3 millions de téléspectateurs pour un show spécial en décembre 1977.

« L’ironie, écrit Joe Moran, est que dans l’environnement tiré par le marché créé par le Broadcasting Act de 1990, ceux qui regardaient la télévision le plus – les personnes âgées – furent les plus ignorés parce qu’ils attiraient le moins les annonceurs. Avec l’avènement du digital et de la télé à la demande dans les années 2000, on pensait que c’en serait fini de l’ère de la « consommation télévisuelle linéaire ». On personnaliserait désormais une soirée devant la télévision comme des consommateurs individuels atomisés.

Simplement, ce n’est pas ce qui s’est passé. Des événements télévisuels du samedi soir tels que X Factor (équivalent britannique de la Star Academy) ou Stictly Come Dancing (sans équivalent en France, concours de danse de salon où des célébrités sont associées en couple à un danseur professionnel) ont ressuscité le concept d’émissions en direct regardées par les familles. C’est vrai, le nombre de spectateurs est plus petit que dans les années 1970, mais le potentiel d’implication collective est plus grand. Twitter a permis à de vastes communautés virtuelles de discuter des émissions pendant leur diffusion.

(…) L’une des caractéristiques de  la télévision demeure qu’elle peut être vue par des foules de gens au même moment(…). Même si nos politiciens continuent à réciter le refrain du choix individuel, la popularité constante de la télévision de Noël indique qu’elle est faite pour durer. »

Photo The Guardian, 3 décembre 2010 : Pamela Stephenson et James Jordan dans Strictly Come Dancing

Pour l’économie britannique, un plan B ?

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Dans The Guardian du 16 décembre, le caricaturiste Steve Bell évoque le saut dans l’inconnu de l’économie britannique.

Le dessin montre le Premier Ministre David Cameron et le Chancelier de l’Echiquier George Osborne conjointement dans le rôle d’un cheval ailé s’élançant d’une falaise. « Un plan B ? Et pourquoi donc aurions-nous besoin d’un plan B ?», demande Cameron.

Le programme d’augmentation d’impôts et d’économies budgétaires bénéficie à ce jour d’un large soutien. Les britanniques sont effrayés par la hausse vertigineuse du déficit public et de l’endettement, et craignent que le pays s’engage dans une spirale négative à la grecque ou à l’irlandaise. Pourtant les premiers signes de résistance sont apparus avec les manifestations contre la hausse des droits d’inscription à l’université. Ils devraient s’intensifier : dans la fonction publique, 130.000 licenciements devraient être effectués avant avril, début de la nouvelle année fiscale. La TVA va passer de 17.5% à 20% en janvier, ce qui ponctionnera le pouvoir d’achat. On peut toutefois prévoir que le Gouvernement restera ferme sur l’application du programme, du moins si les choses ne dérapent pas.

Or, le consensus des économistes est que l’économie devrait croître de 1.6% à 2% en 2011. Leur optimisme est fondé sur la reprise des exportations dopées par la faiblesse de la livre, la capacité d’adaptation des entreprises britanniques, la renaissance du secteur financier. Pour eux, les choses ne devraient pas déraper. Le cheval ailé ne se lance pas du haut de la falaise, il n’y a pas lieu de penser à un plan B.

On est toutefois frappé par les contradictions qui tiraillent la société et l’économie britanniques aujourd’hui. Les exportations augmentent certes de 4%, mais les importations augmentent davantage et tirent l’inflation. Les pétrodollars s’engouffrent dans le marché immobilier londonien et tirent les prix vers le haut, mais partout ailleurs dans le pays les logements ne se vendent pas et les prix baissent. Les banques sont de nouveau profitables, grâce aux 200 milliards de livres prêtés chaque jour par la banque centrale ; mais les entreprises se plaignent de ce que le crédit est devenu rare et cher. Le taux d’intérêt directeur est à 0.5%, mais l’inflation est supérieure à 3%, ce qui est incompatible.

Le Gouvernement britannique applique un remède de cheval à un malade sous perfusion. Cela peut marcher, mais ce n’est pas certain. Penser à un plan B ne serait pas forcément une mauvaise idée !

Ashmolean Museum à Oxford

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L’exposition « les Préraphaélites et l’Italie » nous a donné l’occasion de connaître le Musée Ashmolean d’Oxford, qui vient d’être rénové.

A vrai dire, l’exposition « les Préraphaélites et l’Italie », qui s’est achevée le 5 décembre, nous a déçus. Nous aimons cette « fraternité » de peintres anglais du milieu du dix-neuvième siècle qui prétendait renouer avec la spontanéité et la naturalité d’avant Raphaël : Rossetti, Hunt, Millais ont profondément marqué l’esthétique en Grande Bretagne. Mais les tableaux rassemblés ne sont pas les meilleurs et leur éclairage est détestable. L’intérêt de l’exposition repose principalement sur l’évocation de la personnalité de Ruskin, un passionné de l’art italien, qu’il fit connaître et préserver ; Ruskin fut un sponsor des préraphaélites. Les peintures du lac de Côme ou de la cathédrale de Lucques ont ranimé de chers souvenirs.

Il est étonnant que la mise en scène de l’exposition ait été ratée. La rénovation de l’Ashmolean, qui se flatte d’être le premier musée public de Grande Bretagne (depuis 1683) est un grand succès. Le musée offre un condensé de l’art à travers les époques et les continents. Les pièces présentées sont souvent exceptionnelles, et l’éclairage souligne leur beauté. Les explications sont lisibles. Nous regrettons de n’avoir le temps de louer un audio-guide : il constitue certainement un cours d’histoire de l’art complet, appuyé sur la matérialité des collections présentées.

Illustration : Le premier anniversaire de la mort de Béatrice par Dante Gabriele Rossetti. Site Internet de Ashmolean Museum : http://www.ahsmolean.org.uk