Norwich

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Norwich, à quelque 200km au nord est de Londres, est la ville la plus importante de l’East Anglia, base de la colonisation des Anglo-Saxons après la chute de l’empire romain.

Grâce au commerce de la laine, Norwich était au Moyen Age la seconde ville la plus riche de Grande Bretagne après Londres. Sa Cathédrale fut construite en style roman du onzième ou treizième siècle, puis surélevée en style gothique. La pierre était importée des carrières de Caen par la mer puis par la rivière Wensum qui fait une boucle autour du quartier médiéval.

La flèche de la cathédrale était l’emblème de Norwich Union, une mutuelle d’assurance créée en 1797 par Tomas Bignold pour garantir le risque d’incendie, aujourd’hui absorbée dans le groupe Aviva. Malgré la pluie, la promenade le long de la rivière puis dans les rues de la vieille ville qui monte jusqu’au château est agréable. Nous déjeunons à Elm Hill Brassery. La soupe de potirons à la coriandre, le gratin d’aubergines au gingembre et le crumble à la vanille sont absolument délicieux.

La place du marché, occupée par des petites guérites colorées évoquant involontairement des cabines de plage, est dominée par l’église St Peter Mancroft, le Guildhall du quinzième siècle, le City Hall de l’entre deux guerres et le Forum, bâtiment de verre et d’acier inauguré en 2002, qui abrite une bibliothèque. Un passage Art Nouveau conduit au château fort, sous lequel ont été creusés une galerie commerçante et un parking.

Nous traversons à pied sous une pluie battante le campus de l’Université d’East Anglia, célèbre entre autres pour ses recherches sur le changement climatique : notre navigateur nous a fait stationner sur un parking périphérique, juste à l’opposé du Centre Sainsbury des arts visuels. Le déplacement vaut la peine. Le bâtiment a été conçu par Norman Foster à la fin des années soixante-dix pour recevoir la collection de Robert et Lisa Sainsbury, propriétaires de l’une des principales enseignes de supermarchés du Royaume Uni.

La collection est émouvante. Elle recueille des objets des cinq continents, de l’art primitif à des formes élaborées. En contrepoint des objets présentés, la collection permanente montre des chefs d’œuvre d’artistes du dix-neuvième et vingtième siècles, Giacometti, Picasso, Degas, Saura, avec une prévalence d’œuvres d’Henry Moore et Francis Bacon. Se sentir ainsi immergé dans le flot impétueux de l’art éternel et universel procure une profonde et sereine émotion. Au sous-sol, les réserves de la collection sont accessibles au public : seule une petite partie du trésor accumulé par les Sainsbury est incluse dans la collection permanente.

Site Internet du Sainsbury Centre for Visual Arts http://www.scva.ac.uk/. Photo « transhumances » : galerie Art Nouveau entre la place du marché de Norwich et le château.

La montre de Von Ribbentrop

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Le Palace Theatre de Watford donne « Von Ribbentrop’s watch », une comédie légère et sérieuse qui touche au sujet de l’identité juive aujourd’hui.

La pièce « Von Ribbentrop’s watch », produite par Oxford Playhouse en association avec Watford Palace Theatre, a été initialement diffusée par la chaine de radio BBC4 en 2008. Elle a été écrite par Laurence Marks et Maurice Gran, connus pour leurs « sitcoms » à la télévision. Brigid Larmour, directrice artistique du théâtre de Watford, s’est chargée de cette première mise en scène.

La pièce commence sur le registre de la sitcom, avec le classique antagonisme entre la belle fille Ruth (Gwyneth Strong) et sa belle mère Mrs Roth (Barbara Young), qui se heurtent sur des détails infimes de la vie quotidienne. La famille Roth, Mrs Roth, ses deux fils Gerald et David, Ruth, la femme de Gerald, et Saha leur fille, se prépare à célébrer ensemble la Pâque juive. Du fait de la crise économique, le négoce de vins de Gerald périclite. Lorsque Sasha annonce son intention de se marier à son cousin Simon, fils de David, une dépense imprévue s’annonce au pire moment.

A l’occasion d’une révision de la montre qu’il a héritée de son père, Gerald apprend qu’elle est gravée au nom de Joaquim Von Ribbentrop, le ministre des Affaires Etrangères d’Hitler, l’un des pendus de Nuremberg. Un expert l’a évaluée à plusieurs dizaines de milliers de livres. Des collectionneurs, nostalgiques du nazisme inclus, se l’arracheraient à prix d’or : de quoi remettre les affaires de Gerald sur pied et offrir des noces somptueuses à Sasha ! 

Ruth est une convertie. Mrs Roth ne l’a jamais vraiment considérée comme juive, et l’a toujours psychologiquement exclue de la famille. C’est pourtant une vraie croyante. Elle a appris l’hébreu et s’investit totalement dans la célébration du rite de la Pâque, introduit par la question « pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? » Elle s’oppose violemment à Gerald pour vouloir sauver la situation de la famille avec l’argent des nazis. Le dîner tourne au désastre. Resté seul au salon avec une balayette pour ramasser les débris de vaisselle, Gerald reçoit la visite du spectre de Von Ribbentrop en personne : n’ont-ils pas tant de chose en commun ? Ribbentrop, lui aussi, avait été négociant en vin et avait épousé une héritière… Gerald doute : qui est plus juif, lui qui a hérité du judaïsme, ou Ruth qui s’efforce chaque jour de l’épouser ? A quoi tient-il le plus au monde, au confort de l’argent ou à l’amour de son épouse ?

Et comment la montre de Von Ribbentrop est-elle entrée dans la famille Roth ?

Affiche de la pièce « Von Ribbentrop’s watch ». Après Watford, la pièce sera représentée à Richmond du 5 au 9 octobre et à Salisbury du 12 au 16 octobre.

Britanniques et Français en affaires

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La Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a organisé le 23 septembre un débat sur le thème des relations interculturelles de la France et de la Grande Bretagne dans le monde des affaires.

Peter Alfandary, vice-président de la Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a créé il y a un an un forum pour réfléchir aux différences entre les Britanniques et les Français dans l’approche des affaires. La première manifestation de ce forum fut un débat organisé à la Résidence de France entre Jean-François Decaux, président de Jean-Claude Decaux UK, et Tim Fischer, Country Manager de la Société Générale pour le Royaume Uni. D’un côté un Français installé depuis fort longtemps à Londres ; de l’autre un Britannique travaillant à Londres pour une entreprise française et marié à une Française.

Certaines différences tiennent au mode d’éducation. L’école en France peut être qualifiée de darwinienne : elle vise à sélectionner des individus à l’intelligence supérieure. En Grande Bretagne, on préfère l’encouragement au blâme, le travail en équipe à la concurrence des individus. Dans le monde du travail, un Britannique cherchera le compromis dans un esprit pragmatique ; un Français rédigera des notes lumineuses et s’arc-boutera sur des principes. Un Britannique jugera quelqu’un sur ses compétences et ses réalisations ; pour un Français, sortir premier de Polytechnique reste un avantage professionnel jusqu’à la retraite.

On souligne souvent le côté plus direct des Français, la réticence des Britanniques à exposer leurs sentiments, leur usage systématique de phrases atténuées, « je ne suis pas sûr d’être totalement d’accord avec vous » devant s’interpréter comme « vous avez radicalement tort » ! Les Français ne redouteront pas la confrontation personnelle, les Britanniques peuvent la considérer comme des attaques en dessous de la ceinture. L’humour et l’autodérision sont fréquemment utilisés par les Britanniques, ce qui en fait souvent des orateurs plus efficaces que les Français.

Dans la prise de décision, il semble que les Français aient besoin de plus de certitude que les Britanniques. Si ceux-ci ont un fort sentiment qu’une décision est juste, ils la prendront même s’ils n’ont pas toute l’information à leur disposition.

Les Britanniques semblent parfois obsédés par les seuls actionnaires (shareholders), alors que les Français ont tendance à considérer davantage l’ensemble des parties intéressées à la vie des entreprises, consommateurs inclus (stakeholders). J’avoue pourtant ne pas partager la conclusion selon laquelle la qualité du service serait supérieure en France.

Plusieurs fois dans le débat, l’influence américaine sur la culture des affaires en France comme en Grande Bretagne a été mentionnée, conduisant à une homogénéisation progressive des comportements. Une bonne question est de savoir si la présence massive d’immigrés des cinq continents en Grande Bretagne et dans une moindre mesure en France change aussi les comportements managériaux.

Le forum des relations interculturelles a publié un fascicule curieusement intitulé « lumière au bout du tunnel »  (light at the end of the tunnel) consacré à des réflexions pratiques sur les Français et les Britanniques dans les affaires.  Il passe en revue l’environnement des affaires ; les négociations, réunions et contrats ; le recrutement et la gestion des ressources humaines. Il contient plusieurs citations illustrant le propos. Je citerai celle-ci de Jean Monnet : « l’Anglais ne peut jamais être convaincu par des arguments, seulement par des faits ».

Site Internet de la Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne : http://www.ccfgb.co.uk. Photo « transhumances ».