Backs to back de Birmingham

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Le National Trust a restauré quatre maisons « backs to back » construites au début du dix-neuvième siècle pour faire face à l’afflux de la main d’œuvre.

Birmingham connut au dix-neuvième siècle une véritable explosion démographique, pratiquement un décuplement de sa population. Pour y faire face, des propriétaires organisèrent des lotissements de maisons de deux étages construites dos à dos.

Le National Trust a entrepris la restauration de quatre de ces maisons promises à la destruction en raison de leur caractère insalubre. Chacune de ses maisons a été meublée à la manière dont elle devait l’être par la famille qui l’occupait : une famille juive en 1840, une famille de 10 enfants en 1870, un célibataire en 1930, un tailleur en 1970. Des objets et des témoignages enregistrés évoquent la vie dans ces logements analogues aux « courées » du nord. L’entassement était la règle. L’eau était prélevée au puits, l’eau courante n’arrivant qu’au vingtième siècle. Les sanitaires étaient communs et empestaient.

C’est intelligemment conçu. On arrive à pressentir ce qu’était la vie quotidienne difficile des humbles fantassins de la révolution industrielle.

Photo « transhumances ». Site internet : http://www.nationaltrust.org.uk/

Birmingham

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La ville de Birmingham n’est pas la principale direction touristique de Grande Bretagne. Il y est pourtant agréable de s’y promener.

Largement détruite pendant la seconde guerre mondiale, Birmingham a choisi de se reconstruire à la manière de Los Angeles. Des autoroutes urbaines la traversent en tous sens. La voiture est reine, le métro et même le tramway sont inconnus. La ville est parsemée de centres commerciaux équipés de gigantesques parkings.

Peut-être pour compenser ce qu’il faut bien considérer comme une erreur historique, les habitants de Birmingham affectionnent les rues piétonnes coquettes et fleuries. Le soir, l’animation aux terrasses des pubs et des restaurants est impressionnante. Autour de Broad Street et sur les quais du canal, elle se prolonge jusqu’aux dernières heures de la nuit.

La cathédrale St Philippe a été construite en 1715. L’intérieur surprend par ses petites dimensions : il faut dire que la ville ne comptait alors que quelques dizaines milliers d’habitants. L’édifice est inondé de lumière. Au fond du chœur, une magnifique verrière du maître préraphaélite Edward Burne-Jones, étincelante de rouge et de bleu, a été réalisée au dix-neuvième siècle. Une galerie court le long de la nef, peut-être vestige d’un temps où hommes et femmes étaient séparés. Les temps ont changé : c’est une femme d’environ 40 ans qui célèbre la grand-messe, The Revd. Canon Janet Chapman. Pendant les annonces en fin de célébration, elle fait applaudir son vicaire dont la femme attend une naissance pour novembre. A la fin de la cérémonie, le clergé salue un par un les participants et un café est servi dans un bas-côté pour ceux qui le souhaitent.

Je retrouve les préraphaélites au Birmingham Museum and Art Gallery, où une salle leur est consacrée. Ce qui m’intéresse le plus, c’est la galerie industrielle, avec une magnifique collection de vitraux, de verres et de céramiques produits par les artistes de Birmingham dans l’enthousiasme de la révolution industrielle et jusqu’à aujourd’hui. L’architecture de la salle elle-même est remarquable, à base de structures métalliques et de verrières. La salle contigüe est le restaurant. Consommer une soupe de carottes à la coriandre dans cet environnement imprégné de culture et de beauté est un enchantement.

Photo « transhumances » : gas street, le long du canal de Wolverhampton.

L’Affaire Venables divise les Britanniques

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Le cas d’un criminel récidiviste, Jon Venables, divise l’opinion publique britannique. Le cas n’est pas banal : le criminel en question avait 10 ans lorsqu’avec un complice de son âge il assassina un petit garçon après lui avoir fait subir des sévices.

Jon Venables vient d’être condamné à au moins 2 ans d’emprisonnement pour avoir recélé et diffusé du matériel pornographique enfantin. Il peut rester indéfiniment en prison si le juge d’application des peines en décide ainsi, une particularité du droit pénal britannique qui fait l’envie de la droite française.

En 1993, âgé de 10 ans, il avait un complice assassiné un petit garçon, James Bugler, après l’avoir torturé. Il avait été libéré en 2002. On lui avait donné une nouvelle identité. Il vient d’être condamné pour l’usage et la diffusion de pornographie enfantine.

Pour les « tabloïds » britanniques, la cause est entendue : Venables est un monstre (freak, monster), un dépravé, une bête. Aucun espoir de rédemption n’est possible dans son cas. Il est depuis son crime et pour toujours du côté de l’enfer. Le « politiquement correct » empêche les tabloïds de réclamer la peine de mort, mais la meute lâchée dans Facebook s’en charge.

Il y a là une question de société fondamentale : y a-t-il d’un côté les braves gens et de l’autre des voyous irrécupérables ? Ou bien faut-il reconnaître le versant sombre des gens biens et la capacité des délinquants à se repentir ?

Son avocat fit une déclaration dont voici des extraits. «  (…) Jon Venables commença une vie indépendante en mars 2002, à l’âge de 19 ans, après avoir passé la moitié de sa vie en prison. La décision de le libérer était fondée sur la compréhension de ce qu’il avait fait, sur l’acceptation de sa responsabilité et de ce que cette responsabilité l’accompagnerait pour le reste de sa vie. Il avait dit que chaque jour qui s’était écoulé depuis 1993, il avait pensé à combien la vie aurait été différente pour tous ceux qui avaient été affectés, et il comprend qu’ils aient aussi leurs propres motifs de réflexion.

Sa libération impliquait un défi, un défi qui a pesé sur lui chaque jour depuis lors. Selon les mots des attendus de la sentence, il avait une « vie léguée » – un changement complet d’identité – il fut formé par la police à la contre-surveillance et il lui a fallu vivre en permanence dans le mensonge pour le reste de la vie. Il y avait peu de doute que si son identité était révélée, sa vie aurait été en danger. (…) L’une des majeures conséquences sur sa vie fut l’incapacité à partager un énorme secret… il craignait d’être toujours seul.

Il s’excuse auprès des amis qu’il s’est faits au cours de ces huit années, qui au mieux vont être perplexes et troublés, et plus probablement blessés et en colère en réalisant que leur ami n’était pas ce qu’il disait qu’il était.

(…) Ce n’est nullement une excuse, mais Jon Venables dit maintenant qu’à la réflexion, ne connaissant pas tout à fait à quoi ressemblait le monde dans lequel on le libérait et comment il fonctionnait, il n’a peut-être pas totalement compris à quel point le passage du temps en lui-même n’atténuerait pas par lui-même ses frustrations et son malheur. Il dit qu’il comprend qu’il n’y avait pas de modèle à sa disposition ou  à celle de ceux qui le soutenaient – il se sentait comme un canari au fond d’une mine. Le retour en prison représenta une sorte de soulagement lorsqu’il se produisit. Il a l’intention d’apprendre des leçons qui l’aident à affronter ce défi de nouveau.

(…) Il est décidé, maintenant et une fois pour toutes, à devenir la personne qu’il désire être de manière qu’une fois sorti de prison il n’y revienne plus jamais. »

Illustration de The Guardian : couvertures de tabloïds sur l’affaire Venables.

Yes Minister

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Il y a trente ans, la BBC lançait une série de comédies mettant en scène le monde politique. Malgré le temps passé, regarder ces sketches d’une demie heure chacun procure un grand plaisir.

Patrick Lagadec m’avait souvent vanté l’humour dévastateur de « Yes Minister », la série programmée par la BBC entre 1980 et 1984. Ayant eu l’occasion de l’acquérir pour £6 chez le supermarché Sainsbury’s, j’ai en effet passé un bon moment.

Dans la première séquence, James Hacker prononce un discours enflammé un soir d’élection. Il vient d’être élu député. Ministre de l’Agriculture dans le « shadow cabinet », il attend anxieusement l’appel du nouveau Premier Ministre. Celui-ci finit par l’informer de ce qu’il occupera le portefeuille des Affaires Administratives.

Le Directeur de Cabinet Sr Humphrey Appleby (joué par Nigel Hawthorne) va s’employer à déniaiser le Right Honorable James Hacker (joué par Paul Eddington). Chauffé par son Conseiller Politique, le nouveau ministre prend à cœur le slogan de campagne : « open government! » Il fait diffuser à la presse un article s’en prenant vertement à la commande, par le précédent ministre, d’ordinateurs américains alors que le chômage frappe en Grande Bretagne. Las ! Le Premier Ministre prépare un déplacement à Washington et l’initiative de son Ministre est une catastrophe. Fort heureusement, Sr Humphrey a fait prendre à l’article les circuits de la censure interne. Il s’excuse hypocritement pour avoir omis les nouvelles règles de transparence. Non moins hypocrite, Sr Humphrey répond que tout le monde peut se tromper.

Tout est de la même veine. Le ministre est plein de bonne volonté mais, face au risque de voir se détourner des électeurs ou de perdre son portefeuille, il n’a pas le courage de faire front et se laisse manipuler. Une séquence très actuelle est celle où, résolu à réduire son administration de 23.000 personnes, il finit par supprimer quelques dizaines de postes de postes de serveuses de thé.

La série constitue une critique au vitriol de la classe politique, politiciens et hauts fonctionnaires mêlés. Si le mobilier et les outils de communication datent de trente ans, la comédie n’a pas pris une ride.

Photo BBC, « Yes Minister  »