Nouvelle ère politique en Grande Bretagne

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Quel que soit le résultat des élections législatives au Parlement Britannique le 6 mai prochain, quelque chose de très profond parait avoir changé : le bipartisme entre Conservateurs et Travaillistes semble bien mort.

En un sens, la Grande Bretagne est déjà entrée dans le tripartisme. Pour la première fois, un débat télévisé a été organisé entre les « premier-ministrables » ; et pour la première fois,  le troisième parti, Libéral-Démocrate, a été invité.

Son leader, Nick Clegg, est apparu comme le grand vainqueur du premier des trois débats. Du coup, son parti est crédité d’environ 30% dans les sondages, après le Parti Conservateur mais avant le Parti Travailliste.

Dans The Observer du 25 avril, Will Hutton stigmatise « un système de votre grotesque » qui contribue à une Grande Bretagne injuste. Et pour cause. Utilisant le logiciel de simulation de sièges de la BBC, le journaliste découvre que si les trois partis se partageaient chacun 30% des voix, les Travaillistes obtiendraient 315 sièges, les Conservateurs 206 et les Libéraux Démocrates seulement 100. Imaginant que les Conservateurs obtiennent 33%, les Libéraux 30% et les Travaillistes 27%, les Travaillistes obtiendraient malgré tout une majorité de sièges (262), les Conservateurs arriveraient en deuxième position (257) et les Libéraux Démocrates seraient à la traine avec 102 sièges.

Le système du premier concurrent arrivé au poteau dans chaque circonscription a été défendu jusqu’à présent tant par les Travaillistes que par les Conservateurs. Ces derniers escomptaient une victoire écrasante qui leur aurait permis de redessiner à leur guise la carte électorale.

Cette fois, il semble que les choses vont changer. Il y a de fortes chances que les Britanniques élisent un « Parlement suspendu » (Hung Parliament) sans majorité absolue. Les Libéraux Démocrates marchanderont alors leur participation au Gouvernement contre une loi électorale. Et même si un parti obtient la majorité absolue, la sous-représentation au Parlement des Libéraux Démocrates poserait un problème de légitimité tel qu’il ne pourrait être ignoré. Une dose de proportionnelle devrait être de toute manière injectée dans le système.

Photo : Nick Clegg, Gordon Brown et David Cameron avant le second débat télévisé, sur Sky News. Photo The Guardian

Inégalités en Grande Bretagne

  

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Le quotidien britannique The Guardian s’est fait l’écho récemment des recherches d’un universitaire de Sheffield, Danny Dorling, qui tendent à prouver que les inégalités s’accroissent en Grande Bretagne, malgré les politiques impulsées par le Parti Travailliste.

Dorling indique qu’à Londres, les 10% les plus riches ont un patrimoine moyen de £933.563 contre un maigre £3.420 pour les 10% les plus pauvres, soit un facteur 273. « L’écart de richesse a produit un inquiétant écart de santé. L’espérance de vie à la naissance du groupe le plus riche croit chaque année d’un an, alors que les plus pauvres ne voient presque aucun accroissement. En 2008, une femme née dans les quartiers huppés de Kensington et Chelsea pouvait espérer jusqu’à 88 ans et neuf mois – un an auparavant elle aurait pu atteindre 87.9 ans. A Glasgow, par contraste, les femmes peuvent espérer vivre jusqu’à 77.1 ans en 2007, mais elles n’ont gagné qu’un mois en 2008 pour atteindre 77.2 ans. »

Danny Dorling souligne que les riches tendent à se séparer du reste de la société, à vivre dans des quartiers isolés, à envoyer leurs enfants dans des écoles différentes. Cette ségrégation choisie peut avoir un effet négatif pour le Parti Conservateur : son électorat est de plus en plus concentré dans quelques circonscriptions. Comme l’élection est par scrutin uninominal à un tour, le parti manque d’électeurs dans les circonscriptions populaires : le Parti Travailliste pourrait remporter plus de sièges aux élections du 6 mai même s’il obtient moins de voix.

Le chercheur identifie six ensembles de croyances – élitisme, exclusion, préjugé, avidité et désespoir, qui remplacent les cinq fléaux sociaux à l’aube de l’Etat Providence : l’ignorance, le besoin, l’oisiveté, la misère noire et les maladies. Il considère que les politiciens britanniques ont accepté et encouragé l’idée que l’inégalité est fâcheuse mais inévitable au lieu de la voir, d’abord et avant tout, comme injuste. Il affirme que les politiques travaillistes les plus progressistes, comme la réduction de la pauvreté chez les enfants, sont rendues inutiles par un système élitiste qui permet aux « super-riches » d’accumuler des niveaux record de richesse.

(Photo : yacht Odyssey II, www.shipphotos.co.uk)

Henry Moore à Perry Green

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La visite à la maison et aux ateliers du sculpteur Henry Moore à Perry Green, non loin de Hertford, offre une magnifique promenade printanière.

Pour visiter la propriété dans laquelle Henry Moore et sa femme Irina emménagèrent lors du Blitz de Londres en 1940, il faut réserver à l’avance. On ne pénètre dans la maison elle-même qu’équipés de chaussons. Chaque pièce est surveillée par un jeune étudiant qui s’offre pour un commentaire du cadre de vie du sculpteur et des œuvres d’art qu’il collectionnait, peintures de Degas ou de Renoir, masques de Nouvelle Guinée, coraux.

Le parc est étendu. L’herbe est fraîchement coupée et on hume un délicieux parfum de fleurs et de printemps. Comme au musée Chillida d’Hernani, au Pays Basque, d’immenses sculptures jalonnent la prairie. Leurs volumes, la matière dont elles sont faites, leur couleur, entrent en contraste ou en résonnance avec les arbres en fleur. Le soleil les caresse et fait subtilement varier leurs volumes.

A mesure que ses œuvres se vendaient et que sa fortune s’accroissait, Moore agrandit son domaine et fit construire plusieurs ateliers capables d’abriter la production d’œuvres de grand gabarit. Ces ateliers se visitent et enseignent la technique du sculpteur, de la réalisation de maquettes en modèle réduit à l’utilisation du polystyrène pour simuler de plus grands volumes.

Photo « transhumances » : statues d’Henry Moore à la Henry Moore Foundation, Perry Green, Hertfordshire.

Wigmore Hall

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Wigmore Hall se distingue des autres salles de concert de Londres par son intimité et par un caractère délicieusement désuet.

Nous profitons du passage à Londres de ma filleule Marie, qui joue du violon dans un orchestre amateur en région parisienne, pour assister à un concert de musique baroque au Wigmore Hall. Des personnes très âgées descendent d’un autocar avec d’infinies précautions et se confondent en remerciement pour la patience du chauffeur. Tirées à quatre épingles, elles correspondent très exactement à l’image que l’on se fait du vieil aristocrate anglais.

Contrairement au Royal Albert Hall, au Royal Festival Hall et au Barbican, qui frappent par leur gigantisme, c’est l’étroitesse du lieu qui étonne. La quinzaine de musiciens du group English Concert a du mal à trouver place sur la scène. L’auditorium est tout en longueur. L’acoustique est excellente, et la configuration du lieu permet une grande proximité du public avec les artistes.

Bien que restauré il y a une quelques années, Wigmore Hall est resté dans l’esprit de ses constructeurs en 1901. Il a un côté légèrement suranné qui ne manque pas de poésie. La scène est surmontée d’une coupole décorée d’une fresque représentant l’humanité luttant contre l’inaccessibilité de la musique. Ce n’est pas un chef d’œuvre, loin de là, mais le spectateur se sent membre d’une communauté de mélomanes enracinée dans le temps. Wigmore Hall produit environ 400 concerts par an, ce qui signifie plusieurs dizaines de milliers depuis sa fondation.

(Photo : Wigmore Hall, http://wigmore-hall.org.uk)