La guerre de Spike

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Le Place Theatre de Watford vient de produire une pièce drôle et émouvante : « Adolf Hitler, mon rôle dans sa chute, de Spike Milligan », en tournée dans une vingtaine de villes du Royaume Uni jusqu’en mai 2010.

Terence Alan Milligan, dit Spike (1918 – 2002) a été désigné par un sondage de la BBC en 1999 comme « la personne la plus drôle des 1000 dernières années. » Musicien de jazz, scénariste de pièces pour la radio, écrivain, il publia sept tomes de ses mémoires de guerre. La pièce montée par Tim Caroll s’inspire de plusieurs d’entre eux : « Adolf Hitler, mon rôle dans sa chute » ; « Monty, son rôle dans ma victoire » et  « Mussolini, son rôle dans ma chute ». Il demanda que sur sa tombe l’on inscrivît : « je vous avais bien dit que j’étais malade ! »

Autant dire qu’il n’y a ni fait d’armes ni héroïsme dans la guerre de Spike. Affecté à un régiment d’artillerie, il est piètre soldat, et de Dunkerque à  Dieppe, puis de l’Afrique du Nord à l’Italie, sa terreur des canons ne fait que croître jusqu’à ce qu’il termine sa guerre en 1944, classé psychonévropathique dans un camp de réhabilitation près de Naples. Sa contribution à la défaite d’Hitler, c’est de ne s’être jamais laissé impressionner par l’idéologie nazie. Avec un groupe de copains, ils forment un orchestre de jazz et pratiquent entre eux un humour déjanté sur lequel la guerre n’a pas de prise.

Jouée par cinq acteurs remarquables, dont un débutant, Sholto Morgan, dans le rôle de Spike, la pièce est menée tambour battant, avec des chansons, des effets scéniques, des moments d’une irrésistible drôlerie, et d’autres nostalgiques ou tragiques comme cette scène où Spike communique par téléphone avec un soldat pendant un bombardement jusqu’à ce que le silence, définitif, s’établisse au bout de la ligne.

Comme le dit la présentation de la pièce, « haute comédie et tragédie entrent en collision à mesure que nous suivons Spike et son quartet de jazz, à la dérive sur la marée des grands événements historiques. Pour utiliser les mots de Milligan lui-même, la pièce fusionne joyeusement la comédie, la chanson et la danse – montrant comment l’humour, la musique et la camaraderie permirent à un groupe d’infortunés jeunes gens de prévaloir contre la puissance de la machine de guerre nazie ».

Euroscepticisme Tory(de)

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 Le leader Conservateur David Cameron vient d’annoncer la politique européenne de son parti. Il s’est attiré une riposte d’une clarté inattendue du Secrétaire d’Etat français aux Affaires Européennes, Pierre Lellouche.

David Cameron a annoncé le 4 novembre que son parti revenait sur sa promesse de soumettre l’approbation du traité de Lisbonne à référendum. En contrepoint de cette reculade, le leader Tory tint des propos d’un euroscepticisme torride : « plus jamais un gouvernement britannique n’autorisera que des pouvoirs soient transférés à l’Union Européenne, comme ils l’ont été par le Traité de Lisbonne, sans l’accord du peuple britannique (…) On a dit aux gens que nous allions rejoindre un Marché Commun, et il s’avéra que c’était une Union Européenne. On leur a dit qu’ils auraient leur mot à dire sur la constitution européenne, mais cette promesse n’a pas été tenue. » Il indiqua qu’un gouvernement Tory ferait voter une loi sur la souveraineté nationale garantissant que l’autorité ultime serait celle du Parlement, qu’un référendum serait organisé avant un éventuel passage à l’Euro et avant tout transfert de compétences à l’Union Européenne, qu’il chercherait à exempter le Royaume Uni du respect de la charte des droits fondamentaux et à rapatrier à Londres la législation sociale et sur l’emploi. »

Le lendemain, la Une du quotidien The Guardian titrait : « France : les Tories « autistes » châtrent la Grande Bretagne ». Il est vrai que, dans un entretien avec le journal, Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat français aux Affaires Européens, n’y allait pas par quatre chemins.

« Les Tories ont une ligne et ne font que répéter la ligne. Cela donne une bizarre impression d’autisme (…) C’est pathétique. Il est tout simplement triste de voir la Grande Bretagne, qui est si importante en Europe, se couper du reste et disparaître de l’écran radar. Je sais qu’ils vont revenir, mais j’espère que le voyage sera court (…)  J’ai dit à William Hague (son homologue dans le « shadow cabinet » Tory) : allez-vous en pour deux ou deux ou trois ans. Compte tenu de votre situation politique et économique, vous allez vous retrouver tout seuls et vous reviendrez. Allez-y,  faites le. C’est mon message pour eux… Vous voulez être marginalisés, allez-y. Mais c’est une perte de temps pour nous tous. »

Le parti Conservateur a quitté l’an dernier le Parti Populaire Européen de Berlusconi, Merkel et Sarkozy pour s’allier à de petites formations dont certaines flirtent avec l’extrême droite et l’antisémitisme. Sa probable arrivée au pouvoir dans les prochains mois promet des jours difficiles pour l’Europe.

(Photo Conservative Party: David Cameron and William Hague)

Guy Fawkes Night

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 Le 5 novembre au soir, c’est une explosion de feux d’artifice dans tout le Royaume Uni. Les Britanniques célèbrent la Guy Fawkes Night.

De notre appartement de Watford, la vue s’étend jusqu’au stade de Wembley à une quinzaine de kilomètres. En cette soirée du 5 novembre vers 20h, des dizaines de feux d’artifice éclairent l’horizon. Le plus proche, à quelques centaines de mètres, est artisanal et est probablement tiré d’un jardin.

C’est la nuit de Guy Fawkes, aussi appelée bonfire night, la nuit du grand feu. On célèbre l’échec de la conjuration de Catholiques qui, en 1605, avaient projeté de faire sauter le Parlement et, avec lui, le roi James I et l’aristocratie. Jusqu’en 1857, la célébration de l’événement était obligatoire. Le rite inclut des feux d’artifice, ce qui est dans la logique de l’explosif projet des insurgés, l’allumage de brasiers dans lesquels sont brûlés les effigies des conjurés, dont leur artificier Guido Fawkes, dit Guy (qui signifie « gars » en anglais), et des plats spécifiques, dont les jacket potatoes (pommes de terre en robe des champs) cuites sur les braises du bonfire.

La tradition du feu d’artifice s’est maintenant étendue à l’automne tout entier. Des feux sont allumés pour la fête indienne de Diwali, pour Halloween. Dans le parc de Cassiobury à Watford, un festival artificier est prévu pour la nuit de samedi. Et la revue de loisirs et spectacles Time Out consacre sa couverture et son principal article aux meilleurs feux d’artifice et aux pubs où se respire le mieux l’ambiance de poudre, de rébellion et de complots de la Guy Fawkes night.

(Photo du Guardian, Guy Fawkes Night à Glasgow)

Le Sacré rendu réel

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La National Gallery propose jusqu’au 21 janvier 2010 une exposition intitulée « The sacred made real » consacrée à la peinture et à la sculpture polychromique en Espagne au dix-septième siècle.

Les pièces présentées, dominées par les peintures de Francisco Zurbarán et les sculptures polychromiques de Pedro de Mena, figurent de façon réaliste les tortures subies par Jésus, sa mise à mort et la douleur insupportable de sa mère. Celui que la Bible désigne comme le « Fils de Dieu » est un jeune homme athlétique soumis à la plus extrême des souffrances. Son corps est meurtri de plaies sanglantes et couvert de bleus.

La religiosité espagnole du dix-septième siècle a pour arrière-plan l’Islam et sa foi dans un Dieu que nul ne peut représenter. Peintres et sculpteurs n’ont de cesse de mettre en scène l’Incarnation de Dieu dans la chair martyrisée. Elle s’oppose au protestantisme par un excès de mise en scène, de couleurs et de senteurs ; et elle lui dispute aussi le terrain de l’austérité par la référence constante à Saint François d’Assise et aux mystiques.

L’exposition a sans cesse le souci de présenter la continuité entre peinture et sculpture, illustrée par Alonso Cano, qui excellait dans les deux disciplines. Sa sculpture de la tête de Saint Jean de Dieu est tout en subtilité et en humanité. Vu par Cano, le saint, un Grenadin militant des droits des pauvres à la santé et fondateur d’hôpitaux, frappe par sa détermination et par sa compassion.

Nous retrouvons avec émotion Saint François en méditation, un tableau de Zurbarán propriété de la National Gallery, qui avait inspiré l’œuvre de la jeune peintre écossaise Alison Watts. Celle-ci avait en particulier été sensible aux plis de la robe de bure du personnage dont naissent lumière et ombre et, par leur affrontement, une vie possible à côté de la mort.