A Antraigues, sur les traces de Jean Ferrat

Le village d’Antraigues sur Volane est tout entier pénétré du souvenir de Jean Ferrat.

 Le site d’Antraigues, dans les montagnes ardéchoises proches de Privas et de Vals, est emprunt de solennité – la vieille ville est construite en à-pic au-dessus d’un ravin et un haut clocher la surmonte – et d’humilité – le village est immergé dans un écrin de verdure. On comprend qu’il ait séduit Jean Ferrat, rebelle et doux, exigeant et docile.

 Des dizaines de visiteurs, souvent d’âge très mur, viennent ici en pèlerinage. Ils déjeunent au restaurant « La Montagne », achètent disques et livres souvenirs, se recueillent devant le caveau familial où repose Jean Tenenbaum, dit Ferrat. Sur le place du village, des banderoles portent le texte de chansons de Ferrat, dont naturellement « Ma France ». Des affiches annoncent des concerts en hommage au chanteur. Dans l’église, que Ferrat ne fréquentait pas, un livre d’or recueille des témoignages qui lui sont presque exclusivement consacrés.

 Pourtant, le village ne semble pas se résoudre au rôle de sanctuaire que le destin semble lui réserver. L’office de tourisme promeut les randonnées pédestres, aucune rue ne porte le nom du héros, on ne visite pas sa maison, aucun musée ne lui est consacré.

 Antraigues sur Volane semble craindre de profaner sa délicate intimité avec Jean Ferrat et considérer les pèlerins comme des intrus. A force de silencieuse insistance, ceux-ci se feront-ils une petite place  au soleil ?

 Photo « transhumances » : banderole sur la place d’Antraigues sur Volane, en face du restaurant « La Montagne ».

Le Poët Laval (Drôme)

Le Poët Laval, Château des Hospitaliers
Exposition "la couleur dans tous ses états"

Le Poët Laval est un village médiéval près de Dieulefit dans la Drôme provençale.

 Le village et son château, les Hospitaliers, était en ruines au début du vingtième siècle. Des travaux de restauration ont été menés pendant des dizaines d’années à l’initiative d’une association et par des particuliers qui ont aménagé des hôtels de charme et des ateliers d’artiste. Poët Laval fut aussi une place protestante : on y trouve un petit musée du protestantisme et le point de départ d’un sentier de randonnée qui mène en Suisse et en Allemagne, lieux d’exil des huguenots chassés par les dragonnades.

 Dans le château de Poët Laval se donne jusqu’au 11 septembre une magnifique exposition de Jacqueline Carron (travail sur les couleurs), Sabine Boisson (photographies) et Isabelle Jacquet (sculptures). Les œuvres sont mises en valeur par un éclairage judicieux dans de belles salles aux pierres apparentes.

Vieille rue au Poët Laval

 Dans le village, Naima Carbonare expose dans son atelier « l’Artisterie » des peintures-collages inspirées de la nature.

 Ce village est un hymne à la beauté.

 Photos « transhumances »

Pédalos à Maubuisson

20 août 2011. Forte chaleur aujourd’hui à Maubuisson. Nous sommes allés à bicyclette nous baigner dans l’océan à Carcans Plage. En fin d’après-midi, nous nous retrouvons au bord du lac et louons chez Olivier deux pédalos.

 C’est un moment de quiétude.  Un petit souffle d’air parcourt le lac. Le soleil oblique se reflète à la surface de l’eau et confère au sable et à la peau une jolie couleur d’ocre. Nous nous laissons doucement dériver.

 C’est aussi un moment de jeu. Nous nous essayons au stand-up paddle, cette planche large sur laquelle on se tient debout armé d’une longue pagaie. Nous faisons une course de vitesse à pédalo. A la proue de l’un d’entre eux, Thierry marque le rythme comme sur une galère. Nous nous plongeons dans l’eau chaude du lac.

 C’est un moment de grâce où il fait bon être ensemble et jouir des vacances.

 Photo « transhumances »

Nos meilleures années

J’ai eu plaisir à revoir en DVD « Nos meilleures années », le film de Marco Tullio Giordana récompensé par le prix « un certain regard » au Festival de Cannes en 2003.

 Le titre français est moins fidèle à l’esprit du film que l’italien : « la meglio gioventù », la meilleure jeunesse. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit. Le film nous raconte les vies des quatre enfants d’Angelo et Adriana Carrati de 1966 à 2003. Giovanna, Nicola, Matteo et dans une moindre mesure Francesca sont intimement mêlés aux événements qui ont marqué l’Italie contemporaine : les inondations de Florence, la révolte étudiante de 1968, le terrorisme des brigades rouges, l’offensive des magistrats contre la corruption (« tangentopoli »), l’assassinat du juge Falcone et la lutte contre la mafia. Ils ne supportent pas l’injustice et ils s’engagent.

 Pour deux des personnages, la révolte est pathologique. Matteo s’en prend au mandarin qui préside un jury d’examen qui ne devrait être pour lui qu’une formalité,  fait évader Giorgia, une patiente de l’hôpital psychiatrique où il fait des vacations, s’acharne sur un manifestant qui a gravement blessé un de ses collègues carabiniers. Giulia, la femme de Nicola et mère de leur fille Sara, plonge dans la clandestinité terroriste. Matteo et Giulia ont en commun un idéal de perfection jusqu’au fanatisme.  Nicola se reprochera de n’avoir pas su les arrêter au seuil de l’acte fatal, celui qui conduira Matteo au suicide et Giulia à la prison qui ruinera sa vie.

 Sans surprise, Nicola choisit après ses études de médecine de se spécialiser en psychiatrie. Il est lui aussi un militant, obtenant pour la première fois que des internés en hôpital psychiatrique puissent témoigner au procès pénal du directeur de l’établissement pour maltraitance. Mais c’est un homme profondément humain, attentif à ses patients, à sa fille Sara qui souffre de grandir sans mère, à sa sœur Giovanna qui consacre sa vie à son métier difficile et dangereux de juge, à ses parents qui au terme d’une vie passée à se disputer, se découvrent de nouveau amoureux aux portes de la mort. Comme lui, sa plus jeune sœur Francesca fait pendant à l’extrémisme mortifère de Matteo et Giulia : elle conserve le lien avec Giulia dans l’épreuve de la prison et de la difficile réinsertion, elle accueille Sara lorsque celle-ci vient à Rome apprendre son métier de restauration d’œuvres d’art.

 Le film se passe entre Rome, ville des parents Carrati, Turin, ville où Nicola est venu rejoindre Giulia, étudier et s’installer, et la Sicile où vit Mirella, qui a eu un enfant d’une relation passionnée et éphémère avec Matteo, Florence où Giulia a trouvé du travail à sa sortie de prison et où Francesca et son mari Carlo ont aménagé une maison de campagne. En 1966, Nicola passe plusieurs mois en Norvège ; en 2003, Andrea, le fils de Mirella et Matteo y emmène à son tour sa fiancée. La boucle et bouclée. L’ombre de Matteo sépare Nicola et Mirella, dont on devine qu’ils s’aiment mais n’osent franchir le pas : « ne laissez pas Matteo vous séparer, dit Carlo à Nicola un soir d’ébriété, vous allez finir par le haïr ! ». Nicola et Mirella se trouvent enfin.

 C’est un film beau, émouvant, toujours juste, pénétré de l’esprit d’un peuple sans cesse oscillant entre la sublime beauté et le drame ou l’abjection. Les acteurs sont tous exceptionnels, avec une mention spéciale pour Luigi lo Cascio (Nicola), Alessio Boni (Matteo) et les personnages féminins : Adriana Agori (Adriana), Jasmine Trinca (Giorgia), Maya Sansa (Mirella), Sonia Bergamascao (Giulia)…

 Photo du film « nos meilleurs années » : Nicola avec sa fille Sara enfant.