A La Réunion, Salazie

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Situé au nord de l’Ile de La Réunion, le Cirque de Salazie est un charmant lieu de randonnée dans une végétation luxuriante.

Des trois principaux « cirques » montagneux de La Réunion, celui de Salazie est le plus exposé aux alizés et le plus arrosé. C’est le verger de l’île : on y cueille des quantités de fruits, ceux que l’on attend habituellement sous les tropiques, comme les letchis et les bananes, et d’autres qui poussent habituellement sous d’autres climats, comme des pêches minuscules mais d’un goût savoureux. On y cultive sous treille le chouchou (chayotte), et dans des canaux alimentés par les cascades du « Voile de la Mariée », le cresson. Dans les jardins et dans le cimetière paysager d’Hell Bourg, les fleurs nous offrent une symphonie de formes et de couleurs.

Au centre du Cirque, le Piton d’Enchaing se dresse, massif, et délimite deux espaces, celui d’Hell Bourg et celui de Grand Ilet. Hell Bourg est la traditionnelle station de « changement d’air » pour les Réunionnais pendant l’été austral. Le village est doté d’un véritable centre, ce qui est rare dans une île où le relief abrupt tend à fractionner et disperser l’habitat. En flânant, on admire de jolies maisons créoles dans un écrin de fleurs et de verdure. L’une d’elles, la maison Folio, se visite.

De l’autre côté du Piton d’Enchaing, Grand Ilet n’a pas la notoriété de sa rivale. Mais elle présente l’avantage de se situer sur la route qui monte au Col des Bœufs, qui donne accès aux sentiers du Cirque de Mafate. Des gîtes et plusieurs restaurants s’y sont installés ces dernières années. Nous déjeunons « chez Serge » d’un excellent rougail de saucisses, précédé d’un punch maison, accompagné d’une bière Dodo et suivi d’une tarte de coco accompagnée d’une glace à la vanille. Serge est fier de son entrée dans la dernière édition du Guide du Routard, sur recommandation de lecteurs.

L’église de Grand Ilet mérite la visite. Les « remparts » des montagnes environnantes constituent un cadre somptueux. Le bâtiment, construit sous sa forme actuelle en 1936, est typiquement créole, avec les bardeaux de bois sur les murs extérieurs et le parquet ciré de l’intérieur. Les fenêtres sans vitraux qui ouvrent sur la vallée donnent à l’édifice un faux air de temple anglican.

Photo « transhumances ».

A la Réunion, Conservatoire Botanique de Mascarin

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Le Conservatoire Botanique de Mascarin, situé à 500 mètres d’altitude en aplomb de la commune de Saint-Leu, sur la côte ouest de l’Ile de La Réunion,  est un lieu enchanteur.

Le domaine était celui de la famille Chateauvieux avant d’être racheté par le Département de La Réunion et servir à la fois de lieu de recherche botanique et de musée. Il domine de cinq cents mètres l’océan, est survolé par des escadrilles de parapentes et jouxte la petite église en pierre volcanique des Colimaçons. On commence la visite par la splendide case créole des maîtres du domaine, tout en boiseries et en parquets chaleureux, grande ouverte à la fraîcheur des alizés.

Le Conservatoire présente la quintessence de la végétation de l’île. Le parc, qui a aussi une vocation scientifique, a été organisé par thèmes : Réunion, « Plantes lontan » (d’autrefois),  Verger, Succulentes, Palmiers. Le silence est troublé par les chants d’oiseaux et le vent dans les arbres. Les arômes se mêlent et se démêlent, s’invitent et s’effacent avec le vent et les déplacements du visiteur. La peau passe de la brûlure du soleil au zénith à la consolation des parages ombragés. Tout est lignes, volumes, couleurs. Tout est profusion, vertige, excès.

Photo « transhumances ». Site Internet du Conservatoire : http://www.cbnm.org/

A La Réunion, Saint Gilles

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Grâce à l’hospitalité des cousines de Brigitte, Saint Gilles les Bains, à 40km au sud ouest de Saint Denis de La Réunion, est depuis trente ans notre base de vacances tropicales. On se baigne à la plage dans une eau à 28 degrés, on flâne au jardin botanique, on s’immerge dans le monde marin de l’aquarium, on se délecte d’un apéritif en mer au coucher du soleil.

La plage

La plage de Saint Gilles est une bande de sable doré miraculeusement sauvegardée de la voracité des roches noires volcaniques. Elle s’adosse à la pente qui du Grand Bénare et du Maido  n’en finit pas de plonger dans l’Océan.

Le soleil règne sur la plage de Saint Gilles. Le matin, il naît dans les Hauts. A mesure que le jour s’avance et que les nuages s’accrochent aux pentes, il s’avance vers la mer, et une course de lenteur s’engage. Généralement, le soleil esquive les nuages et brille jusqu’à rejoindre l’horizon et disparaître en un crépuscule somptueux. A midi, la luminosité est exceptionnelle, et exaspère les contrastes de couleurs, du noir de la roche à l’or du sable, du bleu profond de l’Océan au vert de la Canne, sur les hauteurs.

La plage de Saint Gilles est un lieu où alternent chaleur torride et immersions bienfaisantes. Elle est un lieu où se montrent et se regardent les corps, dans la grâce particulière des vacances tropicales.

On trouve sur la plage de Saint Gilles toutes les générations, des plus jeunes enfants à des personnes âgées. On trouve des personnes seules, des bandes de jeunes, des couples et des familles nombreuses. On trouve des français, des allemands et des italiens, des créoles et des zoreils, des vacanciers et des résidents. On y trouve toutes sortes de races et toutes sortes d’accents. Certains amateurs de plage sont déjà cuits par le soleil, d’autres se frictionnent de crème.

Sur la plage de Saint Gilles bronzent des lecteurs de Voici, d’Arlequin, de Patricia Cromwell et de littérature classique. Des jeunes jouent au volley ball et au beach ball. Au large, d’autres attendent la vague et se lancent dans la glisse en une mêlée indescriptible.

La plage de Saint Gilles sent bon les embruns. Espace de farniente, espace de rencontre, elle est aussi fenêtre ouverte sur l’Océan et sur le monde.

Le Jardin d’Eden

Le Jardin d’Eden est un parc botanique créé par l’ingénieur agronome Philippe Kaufmant il y a une quinzaine d’années. Il est la preuve que tout pousse à l’Ile de La Réunion : nous sommes dans la partie sèche de l’île, mais grâce à une irrigation abondante, la végétation est luxuriante. Il est organisé par thèmes : palmeraie, plantes médicinales, plantes odorantes, plantes tinctoriales (à l’origine de teintures)… Au fil des années, il s’est étendu. Nous découvrons cette année un rucher, dont les ruches sont habillées en cases créoles. Le jardin aquatique est arrivé à maturité, avec des roseaux deux fois la taille d’un homme et de splendides lotus.

Un jardinier nous présente  un « endormi » (caméléon) sur une branche en plein soleil. Les visiteurs pourront ainsi le photographier sans utiliser leur flash, qui peut rendre l’animal aveugle.

La promenade dans le jardin d’Eden est paradisiaque. La chaleur est atténuée par l’ombre d’arbres immenses. Les fleurs nous offrent une symphonie de couleurs. On se trouve imprégné de toute une gamme de senteurs. Brigitte photographie les feuilles de plantes exotiques, à la recherche des motifs géométriques qui inspireront son prochain tableau.

L’aquarium

La Réunion tourne le dos à l’Océan. De manière emblématique, sa voie la plus fameuse, la « route en corniche », se contente de l’effleurer de manière tangentielle. L’Ile vit pour ses îlets, ses plantations de cannes, ses cirques. L’Aquarium de Saint Gilles en est le reflet inversé. Il révèle un monde de lumière et de cavernes, construit par le corail à partir de milliers d’organismes élémentaires. La partie immergée de l’île représente cinq fois celle connue des terriens. Elle abrite des millions d’êtres vivants, de la langouste dont le mouvement coordonné des pattes tient du miracle permanent, aux balistes et poissons clown polychromes, aux requins dont la trajectoire est si pure, jusqu’aux méduses gracieuses livrées au caprice des vagues.

Le Grand Bleu

Le Grand Bleu est un bateau promenade qui peut emmener une cinquantaine de passagers. Pendant la journée, il recherche les bans de dauphins et stationne en aplomb de fonds coralliens que sa coque transparente permet d’admirer. Le soir, il propose d’admirer le coucher du soleil avec un apéritif de punch planteur, de samosas et de bonbons piment. Le soleil se couche vite à La Réunion. En l’espace d’une demie heure, l’horizon s’embrase, les nuages se vêtent de pourpre, les pentes sont caressées de rouge et d’ocre. Le retour s’effectue à la nuit tombée. Les hauts de l’île se parsèment de mille feux. La sonorisation du Grand Bleu diffuse des ségas et des maloyas.

Photo « transhumances »

Voyage en Alcarria

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Pour rester dans l’ambiance espagnole et nous faire penser à l’été, voici une lecture du beau récit de Camilo José Cela, Viaje a la Alcarria (1946 et 1965, De Bolsillo).

En lisant « Voyage en Alcarria », j’éprouve de la jalousie. J’aimerais écrire un tel livre qui n’est pas un roman, dit son auteur, mais une géographie. Je dirais quant à moi : la chronique du passage au travers d’un pays modelé par le labeur de ses habitants, que l’on ne peut comprendre qu’au fil de rencontres simples, éphémères et vraies.

Agé de trente ans, Camilo José Cela voyagea dans l’Alcarria (provinces de Guadalajara et Cuenca), sac au dos, du 9 au 15 juin 1946, notant au passage ce qu’il observait. Bien que plusieurs fois retravaillé par la suite et stabilisé dans sa version définitive vingt ans plus tard, le texte garde une fraîcheur et une justesse exceptionnelles. S’il a pour cadre une Espagne disparue, agricole et miséreuse, il nous touche aujourd’hui encore par la beauté de la langue castillane et par la curiosité intellectuelle du voyageur qui se rend totalement disponible à ce qui vient et s’efforce de le restituer avec la plus grande objectivité possible.

A la sortie de Guadalajara, sur la route de Saragosse, un gamin rouquin l’interpelle : « me permettez-vous de vous accompagner quelques hectomètres ? » Il s’appelle Armando Mondéjar López, il a treize ans, trois frères et une sœur. Le voyageur lui demande s’ils sont tous blonds. Et le garçon lui répond : « oui, monsieur. Nous avons tous les cheveux roux, même mon père. » Dans la voix du garçon, il y a comme un vague accent de tristesse. Quand l’enfant s’en va et salue le voyageur de la main, ses cheveux brillent en plein soleil comme s’ils étaient de feu. L’enfant a de beaux cheveux lumineux, pleins de charme, mais il ne le sait pas. Et Cela écrit ce poème :

Armando Mondéjar López

Es un niño preguntón;

Tiene el pelo colorado

Del color del pimentón

(Armando Mondéjar López est un enfant questionneur ; il a la chevelure colorée de la couleur du poivron rouge).

Allumer une cigarette, faire la sieste sous un arbre en regardant le vol d’une cigogne, partager une gourde de vin ou un vermouth à la table d’une auberge, accepter l’invitation d’un muletier et faire un bout de chemin à ses côtés sur la carriole, le voyage est fait de petits riens qui donnent au temps qui fuit la densité de l’éternité.

Photo « transhumances »