Verulanium

100704_verulanium_museum_shell-mosaic.1278265363.jpg

La ville de St Albans, à une quarantaine de kilomètres au nord de Londres, fut la troisième ville romaine de Grande Bretagne. Son musée de la vie quotidienne dans la Grande Bretagne romaine vaut une visite.

Le musée est situé à l’extrémité d’un parc d’où l’on voit, imposante sur la colline, la Cathédrale de St Albans. Ce parc est à l’emplacement de la ville romaine. Des fouilles effectuées ici et sur le site d’anciennes villas romaines alimentent les collections. A proximité, on visite les ruines de l’amphithéâtre, très mal conservées car les ruines de la ville romaine furent utilisées au Moyen Age pour construire l’Abbaye.

Le musée abrite d’intéressantes mosaïques. J’ai été ému par les ossements d’un jeune garçon retrouvés dans un cercueil en cuir. Ses dents sont bleues, à la suite de l’oxydation pendant des siècles de la pièce de monnaie que l’on avait mis dans sa bouche pour payer le passeur au royaume des morts.

Illustration : mosaïque du musée, http://www.stalbansmuseums.org.uk/

Architecte Errant

100612_clugh_william-ellis_1961.1278232439.jpg

Le complexe architectural de Portmeirion, dans le nord du Pays de Galles, est répertorié par le Guide Vert comme une curiosité à ne pas manquer au Royaume Uni, au même titre que Stonehenge, Canterbury ou Edimbourg. C’est l’œuvre de Clough Williams-Ellis (1883 – 1978), dont l’autobiographie écrite en 1970 s’intitule « Architect Errant » (éditée par Portmeirion Limited).

Il y a en effet du Don Quichotte en Clough Williams-Ellis. La construction de la fantaisie architecturale de Portmeirion (un nom attribué par lui) à partir d’un hôtel existant s’est étagée sur des dizaines d’années. Il en fut à la fois le propriétaire, le promoteur, l’architecte, le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Il se battit pour la création du premier parc national en Grande Bretagne. Il s’opposa au démantèlement d’une colonie de congés payés voisine de sa maison, dont les bien-pensants craignaient qu’elle amène à la campagne les désordres des quartiers urbains prolétaires.

Du Chevalier de la Manche, Williams Ellis a aussi l’imperturbable liberté. Alors que sa clientèle de millionnaires est presque totalement Tory, il affiche ses sympathies pour les Libéraux et même les Travaillistes. Comme le Chevalier Errant, c’est un infatigable voyageur, même si c’est souvent sur la mer qu’il trace sa route. Comme lui, il est amoureux, mais sa Dulcinée, Amabel, est de chair et d’os : il écrira avec elle plusieurs livres.

Ce livre nous raconte une vie réussie à tous points de vue. L’auteur a exercé la carrière dont il avait rêvé très tôt dans l’enfance, l’architecture ou plus largement, comme il le dit joliment « l’impact visuel de notre pays ». Il a écrit des livres et d’innombrables articles. Il a été ami des personnalités les plus remarquables de ton temps. Il a laissé d’innombrables bâtiments, jardins, monuments. Il a été heureux en ménage et a eu trois enfants dont un fils, Christopher, mort sur  le champ de bataille de Cassino. Il dit à se propos : « nous décidâmes que puisque nous, ses parents, vivions, nous essaierions de le faire correctement et de garder la blessure pour nous ».

La clé de cette réussite est la confiance en soi. Etudiant en sciences naturelles à la prestigieuse université de Cambridge, Clough interrompt ses études, cherche sur l’annuaire l’adresse de l’académie d’architecture, s’y inscrit mais interrompt le cursus au bout de trois mois car il gagne un concours et a l’occasion d’appliquer immédiatement des connaissances qu’il n’a pas eu le temps d’acquérir.

Cette confiance est en grande partie héritée : un père ecclésiastique et universitaire, une mère dotée d’un solide sens artistique, des oncles militaires, industriels ou propriétaires fonciers, l’ancrage dans le Pays de Galles. Elle se consolide aussi au fil des années, avec l’expérience de la Grande Guerre, les projets architecturaux menés à bien malgré les vicissitudes, le Parc National de Snowdonia, et encore et toujours Portmeirion.

Le livre est écrit dans un style alerte et souvent plein d’humour. Je ne résiste pas au plaisir de citer un extrait du chapitre intitulé « école et vacances » : « Je me souviens avoir dépensé mon unique shilling dans un bazar pour écouter à travers un tube avec un écouteur un phonographe Edison – Bell. Sur la cire de son cylindre avait été gravé un chapelet de déplorables blagues américaines. Je fus si étonné et impressionné qu’après soixante quinze ans elles restent avec moi – hélas ! – mot pour mot ».

Photo : Clough Williams-Ellis

Fluidité

100630_fluide.1277929240.JPG

Javier Cantera, Président du groupe de consultants en ressources humaines espagnol BLC, donne dans sa newsletter un point de vue original sur la réforme du droit du travail en Espagne.

Javier Cantera déplore l’esprit cloche-merle qui préside selon lui au débat sur la réforme du droit du travail, avec des partenaires sociaux nostalgiques du passé. Il plaide pour un changement pragmatique qui tienne compte de l’évolution de l’environnement et de l’impératif de compétitivité. La sécurité de l’emploi est-elle seulement dans la loi et non dans les capacités des personnes ? Il faut travailler sur notre façon de penser, et en particulier :

  • – Redéfinir le bonheur comme une expérience de la fluidité

  • – Démasquer les pièges de l’esprit, les siens et ceux des autres

  • – Se concentrer sur la passion pour la qualité de la vie au travail

Il faut réinventer nos zones de confort et resituer notre motivation dans « l’être » plus que dans « l’avoir ». Javier Centra cite le livre « flow » (flux, fluidité) écrit par Mihaly Csikzzentmihalyi dans les années 90. Celui-ci dit que le bonheur se trouve où l’on accepte un défi. Le bonheur surgit d’états d’expérience optimale, de ces moments où l’on se sent « possédé » par un profond sentiment de jouissance, celui d’être le propriétaire de ce que l’on fait et comment on le fait. Dans ce monde du travail, nous devons chercher à profiter des moments positifs de nos enthousiasmes. Il faut couler comme une source pour que notre esprit se plaise dans l’action professionnelle.

Javier Cantera avoue lui-même qu’il ne se voit pas à une table de négociations entre syndicats et patronats pour défendre ses thèses. Mais celles-ci rejoignent en partie celles qu’avait exposées Dominique Strauss-Kahn au cours de la précampagne pour les élections présidentielles de 2006. Il fallait, disait-il, redéfinir la sécurité du travail comme la garantie de parcours de transition et de formation entre différents emplois, au lieu du bétonnage d’acquis intangibles.

Photo « transhumances » : ruisseau au Voile de la Mariée, Salazie, Ile de la Réunion.

La bastide de Grenade

img_0524.1277752945.jpg

Faire son marché dans les rues et autour de la halle de Grenade sur Garonne est un enchantement.

La bastide de Grenade est l’une des trois cents villes nouvelles créées aux 12ième et 13ième siècles en Aquitaine pour fixer de la main d’œuvre et mettre en valeur les terres agricoles. Son plan est rigoureusement perpendiculaire. Signe des temps, l’église Notre Dame de l’Assomption, bien que d’amples proportions, n’occupe pas le centre de l’espace. Celui-ci est dévolu à la halle, un bâtiment harmonieux dont la charpente de chêne et de sapin des Pyrénées repose sur d’élégants piliers de brique. La ville est faite pour le commerce, la religion n’est plus tout à fait son cœur. Aujourd’hui aussi, des villes nouvelles gravitent autour de centres commerciaux.

Se promener un samedi matin de juin dans le marché de Grenade offre un moment de plaisir. Les produits maraîchers sont frais et appétissants, les plantes aromatiques embaument, c’est une symphonie de couleurs, de soleil et d’ombre.

Les habitués discutent avec leurs commerçants préférés de maturités et de recettes. A un angle de rue, un vendeur de disques diffuse La Montagne de Jean Ferrat. Aux terrasses de café, des familles se désaltèrent. Dans la chaleur de midi, tout est comme au ralenti. Le bonheur est là.

Photo « transhumances » : façade sur la Place Jean Moulin de Grenade, dont la centre est occupé par la halle.