Mon papa célibataire et moi

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Dans le supplément Famille du quotidien britannique The Guardian, l’homme de télévision et romancier Peter Grimsdale écrit un bel et émouvant hommage à son père intitulé « mon papa célibataire et moi » (2 février 2010, http://www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2010/feb/20/peter-grimsdale-single-father). En voici quelques extraits.

Mon père raccrocha le téléphone, descendit à la cuisine, me prit dans ses bras et dit « c’est l’hôpital. Maman est morte ». Et il se mit à pleurer. C’était plus alarmant que la nouvelle elle-même qui, bien que je n’eusse que neuf ans, ne me prit pas par surprise. Elle avait été malade et hors de la maison pendant longtemps.

Il reprit vite sa contenance. Il y avait mes sœurs de seize ans à prendre aussi en compte et il se mit à faire toutes ces choses qu’il faut faire quand quelqu’un meurt. Il fit ce qu’il avait toujours fait – faire des listes. Je continuai à monter un meccano avec lequel j’étais en train de jouer – une petite voiture à trois roues, que j’avais finie lorsque le curé arriva.

Il avait 51 ans et moi 9, presque la même différence d’âge qu’il y a entre moi et mon fils Lawrence. Ce n’est que maintenant, marié avec trois enfants à moi, que je comprends l’énormité de ce à quoi il fut confronté dans cet été 1964.

Ma mère avait été formée comme professeur d’arts ménagers. Elle avait fait toute la cuisine et cousu la plupart de nos vêtements et tous les rideaux. La machine à coudre était toujours sortie. Mon père était habituellement dans le garage à faire des meubles. Ils s’étaient mariés avant la guerre mais n’avaient monté leur ménage qu’en 1947, en plein creux du rationnement. Dans notre maison de Sheffield, la table de cuisine en formica, une table à manger, des chaises, un bureau, une lampe standard, la maison de poupées de mes sœurs et les landaus des poupées, mon garage de Dinky Toys et le chemin fer miniature qui se dépliait d’une bibliothèque – complétée par un tourne-disques, tout avait été fabriqué par lui (…)

Le jour où maman mourut, il nous dit « quoi que vous ressentiez, c’est bien ». « C’était si libérateur, se souvient ma sœur Jessica.  Recevoir cette permission – il n’y avait pas de jugement ». Moi aussi j’étais soulagé, car je me sentais légèrement coupable car il y avait une légère  touche d’excitation pour ce qui allait se passer ensuite.

Papa décida d’apprendre à cuisiner (…) Dix huit mois après la mort de maman, il faisait du bœuf bourguignon, son propre pâté et son propre pain. Il fit un gâteau de Noël et s’essaya même à des croissants, qu’il nous servit sur une table de camping dans le jardin – à la vue des voisins – remplissant mes sœurs d’un intense embarras. « C’est exactement la même chose que développer des photos, expliquait-il alors que ses exploits culinaires se répandaient. « temps, température et quantité ». (…)

Il n’y avait pas de discussion sur le passé. Non pas que ce fût interdit ; nous ne parlions simplement jamais de maman. C’est difficile à imaginer maintenant, mais pour la génération de papa, qui avait eu l’expérience des privations pendant la Dépression puis la guerre, s’en sortir c’était simplement continuer à se débrouiller avec les choses.

(Photo The Guardian, Peter Grimsdale aux côtés de son père)

Le Flamenco de Rafaela Carrasco

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Dans le cadre du Festival de Flamenco de Londres, la compagnie Rafaela Carrasco vient de présenter son spectacle « Vamos a tiroteo ».

Le spectacle est construit à partir d’une chanson Flamenco de 1931, « vamos a tiroteo », allons à la chasse aux palombes. C’est pourtant une interprétation résolument moderne de la tradition du Flamenco que nous propose Rafaela Carrasco. Aux traditionnelles guitares s’ajoutent un violoncelle et un piano. Il y a des innovations grinçantes, comme la Sévillane dansée par des hommes vêtus des robes traditionnellement portées par les danseuses, alors que Rafaela elle-même revêt souvent un pantalon.

Les éclairages jouent un rôle important dans le spectacle. Les danseurs glissent d’un spot de projecteur à l’autre, et l’intervalle d’ombre est à l’image du silence que Rafaela nous propose d’écouter. « Les gens ne sont pas habitués au silence du Flamenco, seulement à beaucoup de bruit. Dans le Flamenco, nous sommes habitués à beaucoup de son, beaucoup de percussion, beaucoup de cris. Et j’avais très envie de chercher le silence, de chercher le son d’une main, le son d’une tête ou d’un regard dans le silence, et même de rendre les gens un peu nerveux » (interview à flamenco-world, 17 juin 2004).

(Photo Rafaela Carrasco, wwew.rafaelacarrasco.com)

Brighton Beach Memoirs

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Le Palace Theatre de Watford donne « Brighton Beach Memoirs », une pièce de Neil Simon. Largement autobiographique, elle raconte deux jours d’une famille juive de New York en 1937.

Eugen M. Jerome, 14 ans, pense qu’il n’est jamais assez tôt pour écrire ses mémoires. Il nous prend donc à témoin de son journal intime. Sa famille est composée de sept personnes. Jack Jerome, le père d’Eugen, sa mère Kate, son grand frère Stanley ; Blanche Norton, sœur de Kate et veuve depuis six ans et ses deux filles Nora et Laurie. Tout ce petit monde vit à l’étroit dans un logement de quatre pièces de Brighton Beach, un quartier de New York, et à l’étroit dans un budget où chaque dollar compte.

Oppressée par la promiscuité et la pauvreté, la famille entre en crise. Soudain, elle est en proie à un vertige centrifuge. Nora se voit proposer un rôle dans un spectacle à Broadway ; Blanche se prépare à sortir avec le Monsieur d’en face, bien qu’il soit Irlandais et catholique ; Stanley, honteux d’avoir perdu son salaire au poker, veut s’engager dans l’armée ; Jack, frappé par une crise cardiaque, se retire dans sa chambre.  Au final, chacun renonce, bon gré ou mal gré, à ses rêves d’évasion et revient au bercail où au fond il se sent aimé. Et des cousins polonais, une famille de quatre enfants qui a réussi à fuir la menace du nazisme, annoncent qu’ils prennent le paquebot pour New York et demandent l’hospitalité.

Le jeune Ryan Sampson joue un Eugen drôle et touchant, toujours convainquant.

(Photo du Watford Observer : Stephen Boxer dans le rôle de Jack et Ryan Sampson dans celui de Eugen, au cours d’une répétition)

Assassinat à Dubaï

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L’assassinat à Dubaï le 19 janvier d’un cadre de Hamas, Mahmoud al-Mahbouh, soulève de nombreuses questions.

Le Ministre israélien des Affaires Etrangères, Avigdor Lieberman, n’a pas voulu confirmer ni démentir l’implication des services secret, le Mossad, indiquant que son Gouvernement suivait une politique d’ambigüité en matière d’Intelligence. Sans craindre de se contredire, il a poursuivi « je pense que la Grande Bretagne reconnait qu’Israël est un pays responsable et que notre activité de sécurité est conduite selon des règles du jeu très claires, prudentes et responsables. » Il en a déduit que les relations entre son pays et la Grande Bretagne ne souffriraient pas de l’usage frauduleux, dans l’opération de Dubaï, des passeports de six citoyens britanniques vivant en Israël.

De fait, la réaction du Gouvernement britannique a été modérée. L’Ambassadeur israélien a été convoqué au Foreign Office pour « échanger des informations » sur l’incident. Il y a pourtant de quoi s’indigner : le truquage de passeports est un affront au pays qui les émet et en est propriétaire.

Mais on peut aussi s’étonner de la modération de l’opinion publique en Europe. Voici qu’un Etat s’adjuge le droit de condamner à mort sans procès et d’exécuter la sentence partout dans le monde. Où sont les droits humains ? Où est la démocratie ?

(Photo : le père de Mahmoud al-Mahbouh brandit une photo de son fils lors de ses funérailles. La photo comme les informations est extraite du quotidien britannique The Guardian. Voir en particulier www.guardian.co.uk/world/2010/feb/19/israel-britain-dubai-killing).