Wet weather cover

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Le King’s Head Theatre d’Islington (Londres) donne la première pièce de l’acteur Oliver Cotton : « wet weather cover » (abri pour temps de pluie). Elle parle de l’affrontement des cultures britannique et américaine et de la vie de comédiens entre leurs égos, leurs petites misères et la passion pour leur métier.

Le théâtre mérite en lui-même une soirée. Il s’agit en vérité d’un pub dont la dernière salle est un auditorium exigu d’une centaine de places. Le prix des billets inclut une consommation et les spectateurs entrent avec une coupe de vin ou une pinte de bière.

La scène est tout entière occupée par le décor : l’intérieur d’une caravane minable où dégouline l’eau de pluie. Car il ne cesse de pleuvoir. Nous sommes en Espagne sur le site de tournage d’un film à petit budget sur les Conquistadors. La vedette du film, l’Américain Brad (joué par Michael Brandon) est en contact par talkie walkie avec le metteur en scène, mais la pluie empêche le tournage et lui tourne en rond.

Dans une première scène hilarante, il s’en prend à l’habilleur Pepe (Pepe Balderama), qui ne parle pas un mot d’anglais et lui tient la dragée haute dans un espagnol coloré. Sa seconde tête de turc est un second rôle anglais, Stuart (Steve Furst). Pour tuer le temps, Stuart lit une biographie de Marlowe, et Brad amorce une première dispute sur les mérites comparés de Marlowe et de Shakespeare. Les deux acteurs s’enflamment et finissent par déclamer ensemble une tirade de Richard II, sous les applaudissements du public.

L’alcool aidant, les deux hommes, acteurs dans l’âme, se lancent à corps perdu dans un jeu de rôle où tout à tour l’un prend l’avantage sur l’autre. Brad reproche à Stuart d’être un perdant, Stuart stigmatise la star hollywoodienne que Brad prétend être, n’existant que pour ses privilèges. Stuart quitte la caravane mais y revient aussitôt, un peu à cause de la pluie battante, beaucoup parce que Brad l’en supplie. Au paroxysme de leur affrontement théâtral, les deux hommes en viennent aux confidences : c’est en prison, condamné pour meurtre, que Brad s’est passionné pour le théâtre et la littérature. Stuart est sur le coup de la rupture avec sa fiancée.

Dans cette pièce de théâtre sur le théâtre, joué par des acteurs remarquables, le huis clos renforce l’intensité dramatique et rend les moments d’humour libérateurs.

(Photo de la pièce, Steve Furst et Michael Brandon)

Troublante Emma

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La Tate Britain de Londres est essentiellement consacrée aux peintres britanniques. Dans l’une des salles, consacrée à l’art du portrait au dix-huitième siècle, je suis fasciné par un tableau de 1787 représentant Emma Hamilton, l’amante de l’Amiral Nelson, par George Romney. Emma, ici dans le rôle de la sorcière Circé, nous fixe d’un regard troublant. Ses longs cheveux châtains sont apprêtés dans un mouvement circulaire qui nous entraîne dans une ronde vertigineuse. 

Romney a consacré à Emma plusieurs portraits et avait manifestement pour elle plus que de l’admiration ou de l’affection. « Emma Hamilton en Circé » est inachevé. Peut-être pour cela, il possède une force exceptionnelle. C’est l’œuvre d’un amoureux ensorcelé.

(Photo tirée de Wikipedia)

L’humour de Steve Bell

 

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Les caricatures de Steve Bell dans le quotidien britannique The Guardian sont une merveille d’humour et de pertinence. Je ne résiste pas au plaisir de reproduire celle-ci, réalisée d’après Charles Adams, qui fait suite aux récrimitations du pape contre les lois britanniques contre les discriminations. Le pape semble étonné de se retrouver en compagnie de personnages aussi bizarres, mais il est l’un d’entre eux.

Paroles d’enfants immigrés

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Le supplément « Venerdì » du quotidien italien La Repubblica a publié le 5 février un article sur le racisme vu et vécu par des enfants. Il se fonde sur un livre de Giuseppe Caldi, un instituteur de Reggio Emilia. Intitulé « Italia, per esempio » (Italie, par exemple). Le livre sera publié par Feltrinelli dans quelques jours. Il se présente comme une anthologie amusante, mais aussi tendre, bouleversante et douloureuse. En voici quelques extraits.

Aujourd’hui Carlo a écrit sur ma trousse « je te hais ! » Moi pourtant ça ne me touche même pas, parce que j’y suis habituée (Vera, 9 ans, Albanie)

Moi ici en Italie je suis nouvelle. D’abord j’avais peur de ne pas parler, de ne pas apprendre. Et puis je ne savais pas si les maîtresses et les élèves m’acceptaient ou non. Mais ensuite elles ont fait une fête pour moi, elles ont dit mon nom et bref maintenant je me trouve très bien ici à l’école en Italie. Maintenant je sais qu’elles m’acceptent. Je le sais parce qu’elles me le disent. Peut-être me le disaient-elles avant, mais je ne comprenais pas bien ». (Laila, 7 ans, Egypte)

Une chose qui m’ennuie de la part de quelques camarades de classe italiens est celle-ci : s’ils t’offrent une balle et que le lendemain ils te disent qu’ils ne te l’ont pas offerte et la reprennent, ils me disent que je n’ai pas compris. En revanche, moi j’ai très bien compris (Jo, 10 ans, République Dominicaine).

Eux, ils sont contre tous sauf contre eux-mêmes. Ils s’appellent Lega Nord et sont contre le Sud, l’Ouest et l’Est (Naima, 11 ans, Maroc)

Ils sont petits, sympathiques, joyeux, toujours à la mode. Les Italiens ressemblent aux Albanais (Vera, 9 ans, Albanie)

Les mamans d’Italie traitent leurs enfants un peu comme des bébés, même s’ils sont plus grands. En revanche, mois j’ai tout de suite compris que je devais me débrouiller toute seule (Olga, 11 ans, Togo)

Un enfant pense que j’ai la peau comme ça parce que je me suis teinte avec un crayon. Et si je me lave bien la figure, après elle devient blanche. Mais à la fin, ils posent tous des questions. Ils disent : « de quelle couleur est ton sang ? » Ils disent « mais ton caca est noir ? »  Ils le disent parce qu’ils sont petits, ils ne sont pas méchants. Eux dès qu’ils voient une peau noire, ils pensent que tout est noir, mais ça n’est pas comme ça, Je ne me mets as en colère car la maîtresse doit encore tout leur enseigner, ils sont trop petits. Et puis je n’ai jamais vu un caca blanc, personne ne l’a vu, ça n’existe pas ! (Ines, 9 ans, République Dominicaine)

Pour moi, s’ils s’aiment ils font bien de s’épouser même si lui est noir et elle blanche, la couleur ne veut rien dire parce que même celui qui vient de l’étranger est une personne, pas un animal. Mais le mari et la femme doivent se mettre bien d’accord sur ce que l’on mange, sur la religion et sur l’éducation des enfants, parce qu’ils avaient peut-être des habitudes différentes et donc pour se mettre d’accord ils doivent un peu plus parler, autrement il y a des embrouilles et même des litiges. Mais il peut y avoir des embrouilles même si le père et la mère sont tous deux italiens, en fait en Italie il y a beaucoup de mariages non mixtes mais aussi beaucoup de divorces (Kumari, 10 ans, Pakistan)

Mon frère m’avait dit que s’il voulait aller en discothèque, lui en Italie ne peut pas y aller. Non parce qu’il est petit, mais parce qu’il est étranger. Parce qu’à Reggio Emilia et Parme on n’accepte pour danser en discothèque que des italiens. Mais si tu es une fille, tu peux entrer même si tu es marocaine. Mais seulement si tu es belle (Omar, 11 ans, Maroc)

En Italie, il y a deux rois : un roi est Berlusconi, l’autre est le Pape. Berlusconi commande l’Italie, le Pape commande les Italiens (Lili, 9 ans, Chine)

Moi, s’il y a seulement cette croix ça ne m’ennuie pas, mais si le mort y est attaché ça me semble un peu moche parce que quand tu manges tu vois tout le temps ce Dieu qui meurt et pour moi ce n’est pas beau. (Naima, 7 ans, Maroc)

Si tu es née dans un pays et que tu viens ensuite habiter dans un pays lointain, comme moi, tu te sens un peu étrange, tu te sens un peu comme si tu étais un nouveau né ; parce que tu es déjà né au Sri Lanka, comme moi, mais si tu viens en Italie, tu sais marcher mais tu ne sais pas parler italien, et tu dois changer ta façon de manger parce que tu ne trouves pas notre nourriture (Sheela, 9 ans, Sri Lanka)

Moi j’ai mes parents qui sont nés en Tunisie et moi je suis née pourtant en Italie, alors quelle est ma patrie ? Toujours la Tunisie ou est-ce l’Italie aussi pour moi ? Ou bien toutes les deux ? Ou bien aucune patrie ? (Zahira, 11 ans, Tunisie)

Parfois je ne comprends pas les gens qui te disent que tu es Albanais, tu es Indien, tu es Italien, tu es Roumain. Qu’est-ce que ça veut dire ? Moi maintenant je suis ici, en Italie (Damian, 10 ans, Roumanie)

Il y a beaucoup de types d’Italiens : grands, blonds, de valeur, méchants. Comme les Chinois. Mais ils sont un eu ignorants, ils ne le savent pas. Ils pensent que tous les Chinois sont pareils, parce qu’ils n’ont pas voyagé comme moi (Tong, 9 ans, Chine).