Guy Fawkes Night

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 Le 5 novembre au soir, c’est une explosion de feux d’artifice dans tout le Royaume Uni. Les Britanniques célèbrent la Guy Fawkes Night.

De notre appartement de Watford, la vue s’étend jusqu’au stade de Wembley à une quinzaine de kilomètres. En cette soirée du 5 novembre vers 20h, des dizaines de feux d’artifice éclairent l’horizon. Le plus proche, à quelques centaines de mètres, est artisanal et est probablement tiré d’un jardin.

C’est la nuit de Guy Fawkes, aussi appelée bonfire night, la nuit du grand feu. On célèbre l’échec de la conjuration de Catholiques qui, en 1605, avaient projeté de faire sauter le Parlement et, avec lui, le roi James I et l’aristocratie. Jusqu’en 1857, la célébration de l’événement était obligatoire. Le rite inclut des feux d’artifice, ce qui est dans la logique de l’explosif projet des insurgés, l’allumage de brasiers dans lesquels sont brûlés les effigies des conjurés, dont leur artificier Guido Fawkes, dit Guy (qui signifie « gars » en anglais), et des plats spécifiques, dont les jacket potatoes (pommes de terre en robe des champs) cuites sur les braises du bonfire.

La tradition du feu d’artifice s’est maintenant étendue à l’automne tout entier. Des feux sont allumés pour la fête indienne de Diwali, pour Halloween. Dans le parc de Cassiobury à Watford, un festival artificier est prévu pour la nuit de samedi. Et la revue de loisirs et spectacles Time Out consacre sa couverture et son principal article aux meilleurs feux d’artifice et aux pubs où se respire le mieux l’ambiance de poudre, de rébellion et de complots de la Guy Fawkes night.

(Photo du Guardian, Guy Fawkes Night à Glasgow)

Sculptures polychromiques à Valladolid

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Plusieurs pièces de l’exposition « The Sacred made Real » à la National Gallery de Londres ont été empruntées au musée national de sculpture de Valladolid. Je l’avais visité à l’été 2006.

Valladolid a connu deux périodes glorieuses. Pendant le Siècle d’Or (seizième), elle reçut souvent la Cour des rois, notamment celle de Philippe II. Cervantès vécut à Valladolid. Christophe Colomb y mourut le 20 mai 1606. La seconde a commencé il y a quelques années avec l’implantation industrielle de Renault. La ville est en plein chantier de rénovation. On restaure les monuments historiques, on crée des musées, on soigne les jardins et, fait rare en Espagne, on aménage des pistes cyclables.  Plusieurs mariages se célèbrent en ce samedi après-midi, et les convives endimanchés confèrent à la ville couleurs et élégance.

Le musée national de sculpture est aménagé dans le palais de Villema et dans le Collège de San Gregorio, dont la magnifique façade est de style « isabélin » très proche du « manuélite » portugais. Le Guide du Routard qualifie le musée de « plus émouvant de Castille ». Il constitue, avec le Couvent des Déchaussées à Madrid, un témoignage frappant de l’histoire spirituelle espagnole sous l’Inquisition, force vitale écrasée et tordue par la répression mais cependant invaincue. La collection de sculptures religieuses baroques en bois polychrome couvre les seizième, dix-septième et dix-huitième siècles.  La salle consacrée aux sculpteurs Alonso Berruguete et Juan de Juni (Jean de Joigny) contient des chefs d’œuvre : la Marie-Madeleine de Juni, le Sacrifice d’Isaac et l’enterrement de Jésus de Berruguete. L’art de Berruguete n’est pas sans rappeler celui du Greco. Pour exprimer la sujétion du corps à l’esprit, « la force du sentiment d’angoisse religieuse allonge la proportion des corps et les crispe dans une tension qui se traduit en mouvements violents et instables. Les visages la manifestent à travers d’expressions douloureuses, de bouches ouvertes haletantes et de sourcils froncés ».

Dans le même esprit baroque, le musée présente une crèche napolitaine du dix-huitième siècle, remarquable de réalisme et de détail. Deux orchestres célèbrent la Nativité. Le musée est aussi propriétaire de scènes de la passion de la même époque, qui sont encore aujourd’hui portées en procession pendant la Semaine Sainte. Nous avions vu à Ossuccio, sur les rives du lac de Côme, un Sacro Monte dont les chapelles abritaient des scènes identiques, mais en mauvais état, comme à l’abandon. Le « Paso procesional » de Valladolid a été magnifiquement restauré.

 

Le Sacré rendu réel

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La National Gallery propose jusqu’au 21 janvier 2010 une exposition intitulée « The sacred made real » consacrée à la peinture et à la sculpture polychromique en Espagne au dix-septième siècle.

Les pièces présentées, dominées par les peintures de Francisco Zurbarán et les sculptures polychromiques de Pedro de Mena, figurent de façon réaliste les tortures subies par Jésus, sa mise à mort et la douleur insupportable de sa mère. Celui que la Bible désigne comme le « Fils de Dieu » est un jeune homme athlétique soumis à la plus extrême des souffrances. Son corps est meurtri de plaies sanglantes et couvert de bleus.

La religiosité espagnole du dix-septième siècle a pour arrière-plan l’Islam et sa foi dans un Dieu que nul ne peut représenter. Peintres et sculpteurs n’ont de cesse de mettre en scène l’Incarnation de Dieu dans la chair martyrisée. Elle s’oppose au protestantisme par un excès de mise en scène, de couleurs et de senteurs ; et elle lui dispute aussi le terrain de l’austérité par la référence constante à Saint François d’Assise et aux mystiques.

L’exposition a sans cesse le souci de présenter la continuité entre peinture et sculpture, illustrée par Alonso Cano, qui excellait dans les deux disciplines. Sa sculpture de la tête de Saint Jean de Dieu est tout en subtilité et en humanité. Vu par Cano, le saint, un Grenadin militant des droits des pauvres à la santé et fondateur d’hôpitaux, frappe par sa détermination et par sa compassion.

Nous retrouvons avec émotion Saint François en méditation, un tableau de Zurbarán propriété de la National Gallery, qui avait inspiré l’œuvre de la jeune peintre écossaise Alison Watts. Celle-ci avait en particulier été sensible aux plis de la robe de bure du personnage dont naissent lumière et ombre et, par leur affrontement, une vie possible à côté de la mort.

 

Ange Gardien

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 Le correspondant à Madrid du quotidien anglais The Guardian raconte comment une femme de Barcelone doit la vie à un médecin qui, dans un bus, lui diagnostiqua une maladie rare (The Guardian, 29 octobre).

Montse, une barcelonaise de 55 ans, éveille la curiosité de la femme assise en face d’elle dans le bus 64. Après avoir observé la forme particulière de ses mains, elle lui dit qu’elle présente les symptômes d’une maladie rare, une tumeur provoquant des troubles hormonaux. Elle lui tend un papier sur lequel elle a noté deux analyses de laboratoire à réaliser. Quelques semaines plus tard, Montse consulte son gynécologue pour son check-up annuel et lui demande d’ajouter les analyses recommandées par l’inconnue. A la surprise du médecin, elles révèlent des mesures totalement anormales qui confirment le diagnostic fait dans l’autobus. Montse est opérée avec succès d’une tumeur de la taille d’un petit pois sur une glande située à la base de son cerveau. Son « ange gardien », une endocrinologiste de 60 ans vient d’appeler le journal La Vanguardia : « les mains me donnaient beaucoup d’indices, dit-elle, mais je n’étais pas sûre de l’opportunité de dire quelque chose. Mais je suis une personne plutôt spontanée, j’aime mieux mettre les pieds dans le plat que de garder mon inquiétude pour moi ».

Combien d’entre nous évitent de mettre les pieds dans le plat lorsqu’un danger menace un inconnu ou même un proche ? L’Ange Gardien n’est pas un ange. C’est un gêneur qui s’invite dans la vie privée des autres, c’est un Cassandre qui ne craint pas d’annoncer de mauvaises nouvelles, c’est un empêcheur de mourir en rond.