A la Guadeloupe

Le Gosier, centre ville

A l’invitation du frère de Brigitte et de son épouse, nous avons passé quelques jours de vacances et de découverte à la Guadeloupe. « Transhumances » va livrer, en plusieurs épisodes, le récit de notre séjour.

 Dans l’avion d’Orly à Pointe à Pitre, je parcours le Guide du Routard. Je réalise avec humilité que ma connaissance de la géographie des Caraïbes est rudimentaire. La Guadeloupe est un archipel composé de plusieurs îles, Grande Terre, Basse Terre (qui porte mal son nom car c’est là que se situe le principal relief, le volcan de la Soufrière), Les Saintes, Marie-Galante et La Désirade. Cet archipel est situé sur une ligne de faille en forme d’arc dont l’extrémité sud se situe à l’est du Venezuela (Trinidad et Tobago) et le nord aux grandes îles de Porto-Rico, Saint Domingue / Haïti et Cuba. Du sud au nord, on trouve Grenade et Saint Vincent, Sainte Lucie, La Martinique, La Dominique, La Guadeloupe et un chapelet d’îles indépendantes ou sous souveraineté britannique, française ou néerlandaise, où l’on roule à droite ou à gauche selon les caprices de l’histoire.

 L’appartement de nos hôtes se situe au Gosier, une station balnéaire à quelques kilomètres de la capitale économique, Pointe à Pitre. La plage est à quelques centaines de mètres. La ville tire son nom des « gosiers », pélicans bruns dont les vols planés, brutalement interrompus par des plongées en piqué, sont impressionnants. Sur la terrasse de l’appartement, de jolis oiseaux au poitrail jaune, les « sucriers », se délectent de la cuillérée de sucre roux que nous leur laissons.

 L’urbanisme du Gosier semble assez anarchique. Le front de mer est bâti d’hôtels dont certains sont à l’abandon. On trouve quelques immeubles récents, mais l’habitat le plus fréquent est la case individuelle environnée d’un petit jardin.

 La nuit tombe vite à La Guadeloupe. Le crépuscule marque une frontière : en-deçà, les boutiques sont rues sont vibrantes d’animation, les boutiques attirent le chaland, on entend de la musique de partout ; au-delà, la majorité des gens rentrent chez eux et les grenouilles emplissent l’espace public d’un son qui ressemble à celui d’une roue mal huilée. Au Gosier, on rencontre toutefois un cours de Salsa à la terrasse d’une maison des jeunes, un stade puissamment éclairé où s’entraînent des footballeurs et la plage La Datcha, illuminée depuis 4h 30 du matin et jusqu’à 23h le soir.

 Beaucoup de Guadeloupéens sont propriétaires d’un terrain et de leur maison. Les cases sont souvent vastes. Les toits en acier sont d’une multitude de couleurs, ce qui apporte une touche de gaieté. Même les citadins possèdent un petit cheptel, bœufs, zébus, chèvres ou moutons. Lorsqu’ils ne disposent pas d’un pâturage, ils laissent leur(s) bête(s) brouter au bord des routes, attachée(s) par une chaine à un pie, souvent accompagnée(s) par des oiseaux blancs qui se font un régal de leurs parasites.

 

Boeuf accompagné de ses "nettoyeurs"

 La majorité de la population est noire et de grande taille. Les lecteurs de « transhumances » excuseront la trivialité de l’observation suivante : dans les toilettes publiques, les urinoirs sont placés à une hauteur inhabituellement grande, ce qui rend périlleuse leur usage par des personnes non bâties selon le format local.

 Au cours de notre voyage, avons eu la chance de visiter les îles principales, Grande Terre et Basse Terre, mais aussi Marie Galante et les Saintes. Nous avons été émerveillés par la diversité des paysages qui composent la Guadeloupe. Les contrastes sont saisissants. Basse Terre offre des similitudes avec La Réunion : les versants du volcan de la Soufrière sont pentus et, dans leur partie inférieure, plantés de canne à sucre ; les vagues de l’océan atlantique et de la mer des Caraïbes battent les falaises de roche noire déchiquetée. Au centre de Grande Terre, les Grands Fonds sont un dédale de petites vallées densément peuplées, peu profondes et pourtant aux pentes abruptes ; au nord-est, du Moule à la Pointe des Châteaux, la côte ressemble à celles de Bretagne ou de Cornouailles.

L'île de la Désirade vue de la Pointe des Châteaux

Art Nouveau à Nancy

Le Musée de l’Ecole de Nancy est tout entier consacré à l’Art Nouveau dans une variété de disciplines : ébénisterie, céramique, luminaire, verrerie, vitrail.

 Nous avions été enthousiasmés par la visite du Musée Horta à Bruxelles. La maison d’Eugène Corbin à Nancy offre les mêmes émotions. Elle nous transporte au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles. Dans la ligne des précurseurs britanniques John Ruskin et William Morris, des artistes nancéens s’inspirèrent de la nature. Leur mobilier, leurs vitraux, leurs céramiques sont habités d’arbres, de fleurs, d’oiseaux. Les lignes sont féminines, toutes en courbes, sans rupture ni aspérité. C’est un art total, débordant de vitalité, de couleurs, de chaleur.

 Les artistes de l’Ecole de Nancy sont nés pour la plupart vers 1850 : l’ébéniste Eugène Vallin qui, comme les préraphaélites anglais, avait commencé sa carrière dans le style gothique ; le maître verrier, ébéniste et céramiste Emile Gallé ; l’artiste décorateur et ébéniste Louis Majorelle ; le décorateur et peintre verrier Jacques Gruber. Gallé, Majorelle et les frères Daum ne furent pas seulement des créateurs. Comme William Morris avant eux, ils furent des industriels talentueux.

 Les Galeries Poirel de Nancy consacrent une exposition temporaire à « Jacques Gruber et l’Art Nouveau, un parcours décoratif ». On y découvre le génie multiforme de cet artiste qui trouva sa voie dans l’art du vitrail au moment de l’éclosion de l’Art Nouveau et évolua vers un style toujours coloré mais plus abstrait.

 Il y a quelque chose de fascinant et envoûtant dans l’Art Nouveau. Rien ne choque. Tout enveloppe, protège, caresse. Dans les moments de doute, c’est un réconfort.

 Photo « transhumances » : vitrail de Jacques Gruber au Musée de l’Ecole de Nancy.

En passant par la Lorraine

Des Lorrains passionnés nous ont transmis, l’espace d’un week-end, l’amour de leur région.

 La famille de Ludovic, le compagnon de notre fille Florence, nous a fait découvrir avec passion sa région, entre Nancy, Toul et Commercy. « Nancy en hiver » chantait Joe Dassin dans « le café des trois colombes ». C’est le même contraste entre la chaleur d’un moment de découverte partagée et la froide obscurité d’un week-end de janvier que nous avons vécu, et nous nous trouvons déjà imprégnés de la nostalgie de la chanson de Dassin.

 Emerveillement de l’Art Nouveau, au Musée de l’Ecole de Nancy, et aussi pour le somptueux décor de la brasserie Excelsior et le mobilier de la « Pharmacie Art Nouveau » de Commercy.

 Splendeur de l’architecture classique du dix-huitième siècle, celle de la place Stanislas, et aussi du château de Commercy, construit sur les fondations d’une forteresse en aplomb d’un canal.

 Rencontre des cultures à la basilique Saint Nicolas de Port qui conserve les reliques d’un saint né dans l’actuelle Turquie et reçoit des pèlerinages orthodoxes. La construction, de style gothique tardif, est faite d’une belle pierre blanche. A la croisée du transept, une colonne est droite, mais la colonne symétrique est torsadée : peut-être un symbole de la distance entre occident et orient ?

 Délices de la liqueur de mirabelle, des macarons de Nancy et des madeleines de Commercy.

 Plaisir de découvrir une région guidés par ceux qui l’habitent et qui l’aiment.

 Photo « transhumances » : la Place Stanislas à Nancy.

Coventry, berceau du transport individuel

Le musée des transports de Coventry rend un magnifique hommage à une ville qui a vu naître sur une grande échelle l’industrie de la bicyclette, du vélomoteur et de l’automobile.

 Coventry était peut-être née pour le développement du transport individuel. Son icône est la princesse Godiva. Celle-ci avait supplié son mari d’exempter d’impôts les pauvres gens ; celui-ci acquiesça à condition qu’elle traversât nue la ville à cheval. Godiva ne se laissa pas démonter, si l’on peut dire, et parcourut la ville sur sa monture, seulement couverte de ses longs cheveux.

 Pendant les trente premières années du vingtième siècle, il n’existait pas de vraie distinction entre les constructeurs de véhicules à deux, trois ou quatre roues. Coventry abritait un essaim d’ateliers qui produisaient leurs modèles de bicyclettes, de tricycles, de vélomoteurs, de motocycles et d’automobiles à quelques centaines ou milliers d’exemplaires, comme c’est encore le cas de LTI, la firme qui fabrique les « cabs » londoniens. Nombre de ces entreprises ateliers ont disparu aujourd’hui, telles que Swift, Lea Francis, Standard, Calcott, Humber, Albatros ou encore, naturellement, Godiva ! Certaines marques survivent, souvent sous capital étranger, comme Daimler. J’ai une faiblesse pour Hillman ; dans les années soixante, un de mes oncles emmenait ses neveux dans un cabriolet de cette marque et j’en étais fasciné. Les voitures anglaises avaient alors une image de distinction et d’excentricité.

 Une salle entière est consacrée à la fermeture de l’usine Peugeot de Ryton, près de Coventry, en 2007. C’était la dernière grande usine de fabrication d’automobiles de l’agglomération. Coventry s’efforce de conserver des centres de recherche en partenariat entre son université et des constructeurs, mais une page semble tournée.

 L’industrie automobile britannique n’est pas morte. Jaguar Land Rover a annoncé en septembre un investissement de 355 millions de livres créant 750 emplois. Mais le capital est indien et l’usine, quoique dans les Midlands, n’est pas à Coventry.

 Le musée des transports de Coventry présente plusieurs centaines de modèles. Son exposition temporaire est consacrée au développement du surf en Grande Bretagne, indissociablement lié à celui de l’automobile. Un moyen de se tourner vers l’avenir !

 Photo « transhumances » : musée des transports de Coventry, Talbot Horizon, l’un des modèles produits dans l’usine de Ryton (Coventry), aujourd’hui fermée. Un autre souvenir personnel, associé à ma période de jeune parent.