Victoria à l’île de Wight

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La Reine Victoria (1819 – 1901) et le Prince Consort Albert aimaient à passer des vacances dans une grande villa de l’Ile de Wight, Osborne House.

La visite d’Osborne House est intéressante à plus d’un titre. Elle fut le cadre de l’émergence du concept de « famille royale » tel  que nous le connaissons aujourd’hui, entre une intimité protégée – Osborne House est un palais à taille humaine, avec pour annexe un « chalet suisse » encore plus privé – et un sens de la mise en scène qui annonce la « presse people ».

Le style de l’édifice fait davantage penser à l’Italie qu’à Buckingham Palace. Les œuvres d’art collectionnées par Victoria et Albert révèlent un goût artistique assez sûr et, malgré la réputation de puritanisme de l’ère victorienne, une certaine impertinence.

La salle la plus intéressante du palais est la salle Durbar, construite en 1890 en style inspiré d’Inde pour accueillir les innombrables cadeaux de prix reçus par l’Impératrice de ses fidèles sujets.

Victoria et Albert rêvaient d’installer la paix en Europe par la natalité royale. Ils s’employèrent à marier leurs nombreux enfants dans les familles royales du Vieux Continent dans l’espoir qu’en cas de tension les cousins couronnés joueraient l’apaisement. On sait ce qu’il advint de ce projet en 1914. Il reste que de nombreux prétendants aux trônes et quelques souverains régnants descendent en ligne directe de la Reine Victoria. Juan Carlos, le roi d’Espagne, est de ceux-là.

C’est enfin à Osborne House que Victoria mourut en janvier 1901. Sa chambre est restée telle qu’elle était alors. Seule une plaque et des photos évoquent son décès à l’âge de 82 ans, après un règne de 64 ans.

Photo « transhumances » : Osborne House, Ile de Wight

Ile de Wight

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Un week-end à l’Ile de Wight, à une vingtaine de kilomètres au sud de Portsmouth, offre un vrai dépaysement.

Le dépaysement tient d’abord à la traversée en ferry, qui emmène d’un monde à l’autre. Dans notre cas, il se mérite. Nous découvrons à Portsmouth qu’il ne reste plus à bord de place pour des voyageurs sans réservation. D’un parking de supermarché nous réussissons à réserver in extremis sur Red Funnel, une ligne qui embarque à Southampton.

Les falaises de calcaire blanc de la Baie d’Alum, au Nord Ouest de l’île, offrent un spectacle d’une austère beauté. La craie blanche contraste avec le vert intense de la prairie et le ciel parcouru de nuages. Nous parcourons plusieurs kilomètres à flanc de falaise sur un sentier marqué dans l’herbe fraîche par le passage répété des randonneurs. Nous avions vécu au Cap Blanc Nez (Pas de Calais) et à Beachy Head (entre Brighton et Eastbourne) un semblable sentiment de profonde respiration.

Notre hôtel à Ventnor nous déçoit. Il est mal entretenu et pour tout dire mal tenu. Pour nous consoler, le petit déjeuner « full English », servi dans une salle à manger de style anglais tapissée de rouge, est excellent.

Nous empruntons le sentier côtier jusqu’à l’ancien sanatorium installé là au dix-neuvième siècle pour profiter du climat réputé à la fois clément et revigorant de l’île. Il a été transformé en jardin botanique doté d’un centre d’accueil touristique ultramoderne. Le visiter en cette saison de floraison offre un festival de couleurs, de formes et d’aromes.

Nous déjeunons d’une salade de crabes arrosée d’un vin blanc californien et d’une bière rousse anglaise à la terrasse d’un café en bord de mer.

Dans l’intérieur des terres, le paysage est composé de collines verdoyantes. Nous visitons le joli village de Godshill. Beaucoup de ses maisons anciennes aux toits de chaume sont occupées par des artistes. L’église, perchée sur un promontoire, date du quinzième siècle.

L’île de Wight compte une importante population permanente et saisonnière de retraités. Elle a été atteinte par le « tsunami gris » évoqué par Martin Amis. Mais les vieux que l’on croise ici ne se conforment pas à l’image de déchéance dénoncée par l’écrivain. Ils sont dignes, désireux d’engager la conversation et décidés à braver leurs rhumatismes pour aller où bon leur semble. L’île est parcourue en tous sens par des autobus verts à deux étages qui passent à cadence rapprochée. Ils ont dans les personnes âgées une clientèle captive : il n’est pas rare de voir une dizaine de séniors patientant à un arrêt au milieu de nulle part.

La présence massive de personnes âgées imprime son rythme à la vie insulaire. Bien que située à moins d’une heure de bateau du reste de l’Angleterre, on vit ici plus lentement. Les boutiques, les restaurants et les hôtels ont souvent un charme désuet, avec un mobilier et une décoration datant des années cinquante et soixante, les années de gloire de leurs clients. Un hôtel de Ventnor se vante même, sur un panneau publicitaire, d’offrir à ses clients la télévision en couleur !

Photo « transhumances » : Sentier Tennyson sur la falaise de Alum Bay.

Kafka à Prague

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Un bâtiment au bord de la Vltava abrite un musée dédié à Franz Kafka, dont le génie naquit de l’impossibilité à s’assumer a la fois comme Juif, Tchèque et Allemand, les trois communautés qui coexistèrent à Prague pendant des siècles, jusqu’à la mise en œuvre de la « solution finale ».

Le musée contient tout ce qu’on peut attendre d’un lieu de mémoire littéraire : des photos, des citations, des manuscrits (en particulier, celui de la « lettre au père »), des éditions originales. Mais il a aussi l’ambition de nous faire vivre une expérience kafkaïenne. On parcourt un long couloir obscur aux parois duquel s’appuient des casiers administratifs aux noms d’employés fantômes, dont « K » et « Joseph K », le héros du Château. Des casiers ouverts présentent des extraits du Château et du Procès.

Plus loin, des vitrines suspendues évoquent les femmes que Kafka aima. Cette représentation sonne juste : aucune de ces relations n’a vraiment pris racine, si ce n’est sans doute celle avec Dora qui accompagna le fonctionnaire écrivain jusqu’au bout de ses années d’agonie.

Kafka, tel une ombre sans identité, ou accablée par trop d’identités, vient habiter nos songes.

Photo « transhumances » : statue de Franz Kafka près de la synagogue espagnole.

Musée juif de Prague

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Le musée juif de Prague occupe plusieurs sites de part et d’autre de l’avenue de Paris, l’artère « chic » de la capitale.

L’ancien ghetto a été rasé pour laisser place à la ville moderne, mais plusieurs synagogues existent encore aujourd’hui. Elles doivent leur survie au fait que les Nazis voulaient en faire le témoignage d’une race disparue. Plusieurs ont été récemment restaurées.

La synagogue espagnole, qui sous sa forme actuelle remonte à 1868, est de style mauresque. On  y trouve une extraordinaire collection d’argenterie religieuse juive : étuis et pointeurs de Torah, chandeliers, encensoirs, etc.

La synagogue Pinkas est émouvante. Les noms de 80.000 victimes tchèques de l’holocauste ont été gravés sur les murs. On visite ensuite l’ancien cimetière juif, où 12.000 pierres tombales sont entassées dans un jardin exigu. On estime que 100.000 personnes sont enterrées ici, sur plusieurs niveaux. La tombe d’un ancien rabbin est particulièrement vénérée. On y dépose de petits cailloux et, comme au mur des Lamentations de Jérusalem, des messages dans les interstices du mur.

Photo « transhumances »