La bastide de Grenade

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Faire son marché dans les rues et autour de la halle de Grenade sur Garonne est un enchantement.

La bastide de Grenade est l’une des trois cents villes nouvelles créées aux 12ième et 13ième siècles en Aquitaine pour fixer de la main d’œuvre et mettre en valeur les terres agricoles. Son plan est rigoureusement perpendiculaire. Signe des temps, l’église Notre Dame de l’Assomption, bien que d’amples proportions, n’occupe pas le centre de l’espace. Celui-ci est dévolu à la halle, un bâtiment harmonieux dont la charpente de chêne et de sapin des Pyrénées repose sur d’élégants piliers de brique. La ville est faite pour le commerce, la religion n’est plus tout à fait son cœur. Aujourd’hui aussi, des villes nouvelles gravitent autour de centres commerciaux.

Se promener un samedi matin de juin dans le marché de Grenade offre un moment de plaisir. Les produits maraîchers sont frais et appétissants, les plantes aromatiques embaument, c’est une symphonie de couleurs, de soleil et d’ombre.

Les habitués discutent avec leurs commerçants préférés de maturités et de recettes. A un angle de rue, un vendeur de disques diffuse La Montagne de Jean Ferrat. Aux terrasses de café, des familles se désaltèrent. Dans la chaleur de midi, tout est comme au ralenti. Le bonheur est là.

Photo « transhumances » : façade sur la Place Jean Moulin de Grenade, dont la centre est occupé par la halle.

Victoria à l’île de Wight

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La Reine Victoria (1819 – 1901) et le Prince Consort Albert aimaient à passer des vacances dans une grande villa de l’Ile de Wight, Osborne House.

La visite d’Osborne House est intéressante à plus d’un titre. Elle fut le cadre de l’émergence du concept de « famille royale » tel  que nous le connaissons aujourd’hui, entre une intimité protégée – Osborne House est un palais à taille humaine, avec pour annexe un « chalet suisse » encore plus privé – et un sens de la mise en scène qui annonce la « presse people ».

Le style de l’édifice fait davantage penser à l’Italie qu’à Buckingham Palace. Les œuvres d’art collectionnées par Victoria et Albert révèlent un goût artistique assez sûr et, malgré la réputation de puritanisme de l’ère victorienne, une certaine impertinence.

La salle la plus intéressante du palais est la salle Durbar, construite en 1890 en style inspiré d’Inde pour accueillir les innombrables cadeaux de prix reçus par l’Impératrice de ses fidèles sujets.

Victoria et Albert rêvaient d’installer la paix en Europe par la natalité royale. Ils s’employèrent à marier leurs nombreux enfants dans les familles royales du Vieux Continent dans l’espoir qu’en cas de tension les cousins couronnés joueraient l’apaisement. On sait ce qu’il advint de ce projet en 1914. Il reste que de nombreux prétendants aux trônes et quelques souverains régnants descendent en ligne directe de la Reine Victoria. Juan Carlos, le roi d’Espagne, est de ceux-là.

C’est enfin à Osborne House que Victoria mourut en janvier 1901. Sa chambre est restée telle qu’elle était alors. Seule une plaque et des photos évoquent son décès à l’âge de 82 ans, après un règne de 64 ans.

Photo « transhumances » : Osborne House, Ile de Wight

Ile de Wight

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Un week-end à l’Ile de Wight, à une vingtaine de kilomètres au sud de Portsmouth, offre un vrai dépaysement.

Le dépaysement tient d’abord à la traversée en ferry, qui emmène d’un monde à l’autre. Dans notre cas, il se mérite. Nous découvrons à Portsmouth qu’il ne reste plus à bord de place pour des voyageurs sans réservation. D’un parking de supermarché nous réussissons à réserver in extremis sur Red Funnel, une ligne qui embarque à Southampton.

Les falaises de calcaire blanc de la Baie d’Alum, au Nord Ouest de l’île, offrent un spectacle d’une austère beauté. La craie blanche contraste avec le vert intense de la prairie et le ciel parcouru de nuages. Nous parcourons plusieurs kilomètres à flanc de falaise sur un sentier marqué dans l’herbe fraîche par le passage répété des randonneurs. Nous avions vécu au Cap Blanc Nez (Pas de Calais) et à Beachy Head (entre Brighton et Eastbourne) un semblable sentiment de profonde respiration.

Notre hôtel à Ventnor nous déçoit. Il est mal entretenu et pour tout dire mal tenu. Pour nous consoler, le petit déjeuner « full English », servi dans une salle à manger de style anglais tapissée de rouge, est excellent.

Nous empruntons le sentier côtier jusqu’à l’ancien sanatorium installé là au dix-neuvième siècle pour profiter du climat réputé à la fois clément et revigorant de l’île. Il a été transformé en jardin botanique doté d’un centre d’accueil touristique ultramoderne. Le visiter en cette saison de floraison offre un festival de couleurs, de formes et d’aromes.

Nous déjeunons d’une salade de crabes arrosée d’un vin blanc californien et d’une bière rousse anglaise à la terrasse d’un café en bord de mer.

Dans l’intérieur des terres, le paysage est composé de collines verdoyantes. Nous visitons le joli village de Godshill. Beaucoup de ses maisons anciennes aux toits de chaume sont occupées par des artistes. L’église, perchée sur un promontoire, date du quinzième siècle.

L’île de Wight compte une importante population permanente et saisonnière de retraités. Elle a été atteinte par le « tsunami gris » évoqué par Martin Amis. Mais les vieux que l’on croise ici ne se conforment pas à l’image de déchéance dénoncée par l’écrivain. Ils sont dignes, désireux d’engager la conversation et décidés à braver leurs rhumatismes pour aller où bon leur semble. L’île est parcourue en tous sens par des autobus verts à deux étages qui passent à cadence rapprochée. Ils ont dans les personnes âgées une clientèle captive : il n’est pas rare de voir une dizaine de séniors patientant à un arrêt au milieu de nulle part.

La présence massive de personnes âgées imprime son rythme à la vie insulaire. Bien que située à moins d’une heure de bateau du reste de l’Angleterre, on vit ici plus lentement. Les boutiques, les restaurants et les hôtels ont souvent un charme désuet, avec un mobilier et une décoration datant des années cinquante et soixante, les années de gloire de leurs clients. Un hôtel de Ventnor se vante même, sur un panneau publicitaire, d’offrir à ses clients la télévision en couleur !

Photo « transhumances » : Sentier Tennyson sur la falaise de Alum Bay.