Kafka à Prague

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Un bâtiment au bord de la Vltava abrite un musée dédié à Franz Kafka, dont le génie naquit de l’impossibilité à s’assumer a la fois comme Juif, Tchèque et Allemand, les trois communautés qui coexistèrent à Prague pendant des siècles, jusqu’à la mise en œuvre de la « solution finale ».

Le musée contient tout ce qu’on peut attendre d’un lieu de mémoire littéraire : des photos, des citations, des manuscrits (en particulier, celui de la « lettre au père »), des éditions originales. Mais il a aussi l’ambition de nous faire vivre une expérience kafkaïenne. On parcourt un long couloir obscur aux parois duquel s’appuient des casiers administratifs aux noms d’employés fantômes, dont « K » et « Joseph K », le héros du Château. Des casiers ouverts présentent des extraits du Château et du Procès.

Plus loin, des vitrines suspendues évoquent les femmes que Kafka aima. Cette représentation sonne juste : aucune de ces relations n’a vraiment pris racine, si ce n’est sans doute celle avec Dora qui accompagna le fonctionnaire écrivain jusqu’au bout de ses années d’agonie.

Kafka, tel une ombre sans identité, ou accablée par trop d’identités, vient habiter nos songes.

Photo « transhumances » : statue de Franz Kafka près de la synagogue espagnole.

Musée juif de Prague

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Le musée juif de Prague occupe plusieurs sites de part et d’autre de l’avenue de Paris, l’artère « chic » de la capitale.

L’ancien ghetto a été rasé pour laisser place à la ville moderne, mais plusieurs synagogues existent encore aujourd’hui. Elles doivent leur survie au fait que les Nazis voulaient en faire le témoignage d’une race disparue. Plusieurs ont été récemment restaurées.

La synagogue espagnole, qui sous sa forme actuelle remonte à 1868, est de style mauresque. On  y trouve une extraordinaire collection d’argenterie religieuse juive : étuis et pointeurs de Torah, chandeliers, encensoirs, etc.

La synagogue Pinkas est émouvante. Les noms de 80.000 victimes tchèques de l’holocauste ont été gravés sur les murs. On visite ensuite l’ancien cimetière juif, où 12.000 pierres tombales sont entassées dans un jardin exigu. On estime que 100.000 personnes sont enterrées ici, sur plusieurs niveaux. La tombe d’un ancien rabbin est particulièrement vénérée. On y dépose de petits cailloux et, comme au mur des Lamentations de Jérusalem, des messages dans les interstices du mur.

Photo « transhumances »

Prague et l’Euro

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La République Tchèque a choisi pour le moment de ne pas entrer dans la zone Euro. Mais ce choix, ou non choix, n’est guère confortable.

Beaucoup de facteurs poussent la République Tchèque à renoncer à sa monnaie, la Couronne, au profit de l’Euro : la proximité du puissant voisin allemand, son premier partenaire commercial, la vitalité de l’industrie touristique et par-dessus tout la décision du pays frère et rival, la Slovaquie, d’adopter la devise européenne. On pourrait aussi dire que, d’une certaine manière, les Pragois se sont déjà mis à l’Euro : beaucoup de prix sont d’ores et déjà affiché à la fois dans la devise nationale et la devise européenne.

Un fantasme est à la mode sur les rives de la Vltava : l’émergence d’une vraie monnaie internationale construite sur la base des droits de tirage spéciaux du FMI. Elle s’imposerait a toutes les nations et dispenserait la Tchéquie d’un choix cornélien : y aller ou non ?

Le débat est devenu plus aigu ces dernières semaines avec la crise grecque. D’une part, la cure d’austérité inouïe imposée au peuple grec fait office de repoussoir dans l’opinion publique. Mais d’un autre côté, les Tchèques se demandent si leur coquetterie ne leur a pas fait perdre une occasion historique. Les Slovaques sont entrés dans l’Euro dans une période de bienveillance. Les nouveaux venus devront montrer patte blanche, prouver que leur comptabilité nationale n’est pas truquée et qu’ils respectent scrupuleusement les critères de Maastricht que de grands pays comme la France ont allègrement jeté par-dessus bord.

Photo « transhumances »

Prague, capitale baroque

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Prague est restée profondément marquée par la contre-réforme catholique consécutive au Concile de Trente. Elle est l’une des capitales européennes de l’art baroque.

On respire à Prague une ambiance italienne. Cela ne nous étonne pas. Pendant notre séjour de quatre ans à Milan, nous avons souvent eu le sentiment de vivre dans une cité d’Europe orientale. Que le contraire se vérifie dans la capitale tchèque n’est qu’un juste retour des choses.

Certaines églises ont la façade bombée, comme à Raguse ou Noto, sans toutefois atteindre le degré de raffinement du baroque sicilien. Bien que l’église de Saint Marie des Neiges soit placée sous la responsabilité des Franciscains, l’exubérance des ses statues de saints extatiques ou douloureux, ses dorures et ses colonnades torsadées ne dépareraient pas à Palerme ou à Naples.

Dans le Palais Schwartzenberg, tout près du Palais Royal, un musée d’art baroque présente, au rez de chaussée, des statues contemporaines de celles du Pont Charles. Elles expriment avec force une religion sensuelle faite de mouvement, de douleur et d’exaltation.

Trois cents ans plus tard, Alfons Mucha, figure marquante de l’Art Nouveau, développa un style fleuri, épique et généreux fortement inspiré par le baroque. Un musée lui est consacré. Il présente notamment les affiches réalisées pour annoncer des pièces jouées par Sarah Bernhardt.

Photo « transhumances », le Pont Charles.