Britanniques et Français en affaires

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La Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a organisé le 23 septembre un débat sur le thème des relations interculturelles de la France et de la Grande Bretagne dans le monde des affaires.

Peter Alfandary, vice-président de la Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne a créé il y a un an un forum pour réfléchir aux différences entre les Britanniques et les Français dans l’approche des affaires. La première manifestation de ce forum fut un débat organisé à la Résidence de France entre Jean-François Decaux, président de Jean-Claude Decaux UK, et Tim Fischer, Country Manager de la Société Générale pour le Royaume Uni. D’un côté un Français installé depuis fort longtemps à Londres ; de l’autre un Britannique travaillant à Londres pour une entreprise française et marié à une Française.

Certaines différences tiennent au mode d’éducation. L’école en France peut être qualifiée de darwinienne : elle vise à sélectionner des individus à l’intelligence supérieure. En Grande Bretagne, on préfère l’encouragement au blâme, le travail en équipe à la concurrence des individus. Dans le monde du travail, un Britannique cherchera le compromis dans un esprit pragmatique ; un Français rédigera des notes lumineuses et s’arc-boutera sur des principes. Un Britannique jugera quelqu’un sur ses compétences et ses réalisations ; pour un Français, sortir premier de Polytechnique reste un avantage professionnel jusqu’à la retraite.

On souligne souvent le côté plus direct des Français, la réticence des Britanniques à exposer leurs sentiments, leur usage systématique de phrases atténuées, « je ne suis pas sûr d’être totalement d’accord avec vous » devant s’interpréter comme « vous avez radicalement tort » ! Les Français ne redouteront pas la confrontation personnelle, les Britanniques peuvent la considérer comme des attaques en dessous de la ceinture. L’humour et l’autodérision sont fréquemment utilisés par les Britanniques, ce qui en fait souvent des orateurs plus efficaces que les Français.

Dans la prise de décision, il semble que les Français aient besoin de plus de certitude que les Britanniques. Si ceux-ci ont un fort sentiment qu’une décision est juste, ils la prendront même s’ils n’ont pas toute l’information à leur disposition.

Les Britanniques semblent parfois obsédés par les seuls actionnaires (shareholders), alors que les Français ont tendance à considérer davantage l’ensemble des parties intéressées à la vie des entreprises, consommateurs inclus (stakeholders). J’avoue pourtant ne pas partager la conclusion selon laquelle la qualité du service serait supérieure en France.

Plusieurs fois dans le débat, l’influence américaine sur la culture des affaires en France comme en Grande Bretagne a été mentionnée, conduisant à une homogénéisation progressive des comportements. Une bonne question est de savoir si la présence massive d’immigrés des cinq continents en Grande Bretagne et dans une moindre mesure en France change aussi les comportements managériaux.

Le forum des relations interculturelles a publié un fascicule curieusement intitulé « lumière au bout du tunnel »  (light at the end of the tunnel) consacré à des réflexions pratiques sur les Français et les Britanniques dans les affaires.  Il passe en revue l’environnement des affaires ; les négociations, réunions et contrats ; le recrutement et la gestion des ressources humaines. Il contient plusieurs citations illustrant le propos. Je citerai celle-ci de Jean Monnet : « l’Anglais ne peut jamais être convaincu par des arguments, seulement par des faits ».

Site Internet de la Chambre de Commerce Française en Grande Bretagne : http://www.ccfgb.co.uk. Photo « transhumances ».

Postpositions

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Les postpositions sont le sel de la langue anglaise.

Tous les étudiants de la langue anglaise connaissent l’importance des postpositions, ces particules invariables qui se placent après un verbe et en changent le sens : « to look at someone », c’est regarder quelqu’un, « to look after someone », c’est le chercher.

En anglais, la créativité se niche souvent dans les postpositions. En associant un verbe avec une postposition dans une configuration unique, on réussit à exprimer en peu de mots une idée qui, en Français, requiert une longue explication. Voici un titre de The Guardian du 17 août : « woman suspected of killing husband is talked down from hill ». Le début de la phrase ne pose pas de difficulté en français : il s’agit d’une femme suspectée d’avoir tué son mari. Le reste est plus difficile : on lui a parlé (talk) de manière à ce qu’elle consente à descendre (down) d’une falaise (cliff) et renonce à se suicider en se jetant dans le vide.

L’efficacité de cette phrase est stupéfiante. Une anthologie des postpositions en dirait plus de la culture britannique que des traités de sociologie.

Un mot de la falaise en question : il s’agit de Beachy Head, à l’ouest d’Eastbourne sur la côte sud de l’Angleterre, dont le vertigineux aplomb attire les candidats au suicide de tout le pays. Les jours d’affluence, des aumôniers patrouillent pour les dissuader. En équipe avec la police, ils ont réussi à convaincre Sally Challen, 56 ans, de ne pas se jeter dans le vide dans le remords d’avoir tué son mari : « des agents de police et les aumôniers ont réussi à accompagner une femme de 56 ans du Surrey jusqu’en lieu sûr depuis le bord de la falaise de Beachy Head, après avoir parlé avec elle plus de trois heures dimanche après-midi », dit un communiqué de la police.

Photo « transhumances » : Beachy Head

Manchester

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La Conférence Risque Pays organisée le 9 juin par Coface à l’Hôtel Palace de Manchester m’a fait aimer cette ville.

Je ne suis resté qu’une journée à Manchester, j’ai flâné dans son centre ville pendant une heure et j’ai parlé avec des gens qui y vivent heureux.

Bien que son nom vienne du latin Mamucium (place forte), Manchester telle que nous la connaissons est née lors de la révolution industrielle. Son hôtel de ville, construit en brique dans un style néogothique date de la fin du dix-neuvième siècle. Seule la Cathédrale est relativement ancienne : elle remonte au quinzième siècle, mais elle ne devint siège du diocèse qu’en 1847, elle fut largement détruite par des bombardements pendant la seconde guerre mondiale et ses œuvres d’art les plus remarquables sont les lumineux vitraux réalisés par Anthony Holloway et Margaret Taherne ces quarante dernières années.

L’Hôtel Palace est l’ancien siège de la compagnie d’assurance Refuge transformé en structure hôtelière à partir de 1893. Le rez-de-chaussée a conservé son caractère victorien et édouardien, avec d’immenses salles à colonnades massives. Les chambres au contraire, que l’on trouve à grand peine dans une enfilade de couloirs et d’escaliers, ont été agencées selon un design résolument moderne. Telle est la ville. Elle tente de faire de sa courte histoire un vrai patrimoine ; elle cherche à se projeter dans le futur. Près de la Cathédrale on trouve des pubs traditionnels, mais aussi une grande roue dans le style du London Eye et des galeries marchandes du dernier cri.

Manchester, ville industrielle puis financière, s’est dotée d’une des meilleures universités européennes. Elle est pionnière dans le domaine des biotechnologies et de la communication.

J’aime les villes qui, comme Pittsburg ou Bilbao, savent se réinventer et faire naître de la beauté dans un cadre autrefois glauque. Manchester est de celles-là.

Photo : hall de l’hôtel Palace.

Etonnantes élections britanniques

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Les élections du 6 mai en Grande Bretagne ont été pleines de surprises, pour les Britanniques et plus encore pour les observateurs de l’étranger.

La surprise majeure est l’absence de traduction de la « Cleggmania » sur le résultat des élections. Non seulement le Parti Libéral Démocrate ne progresse pas, mais il perd 5 sièges !

Un observateur français est dérouté par la manière dont les Britanniques vivent l’élection. Le fait qu’elle se déroule un jeudi est presque anecdotique. Ce qui surprend, c’est la polarisation exclusive sur le nombre de sièges. En France, on se focalise d’abord sur le taux de participation. Ici, on n’apprendra qu’incidemment qu’il a été de 65% au lieu de 61% en 2005. La forte participation a été soulignée par les journaux, mais surtout parce qu’ici et là des électeurs de la dernière heure se sont vu interdire l’accès aux bureaux de vote après des heures de queue.

En France, on accorde une grande importance au pourcentage des votes pour chaque parti : 36% pour les Conservateurs, 29% pour les Travaillistes, 23% pour les Libéraux Démocrates. De l’autre côté de la Manche, ce qui compte est le nombre de sièges, respectivement 306 (+97) pour les Conservateurs, 258 (-91) pour les Travaillistes, 57 (-5) pour les Libéraux Démocrates. Un observateur français remarquera que 2 millions d’électeurs de plus ont voté pour les Conservateurs que pour les Travaillistes, et 1.4 millions de plus pour les Travaillistes que pour les Libéraux Démocrates. Il s’indignera de ce qu’il y faille 120.000 électeurs pour élire un député Libéral Démocrate, 35.000 pour un député Conservateur et 33.000 pour un député Travailliste.

 La démocratie est solide des deux côtés de la Manche. Mais elle est vécue de manière bien différente.

Photo The Guardian : les médias à Westminster.