Les Lloyds, marché international de l’assurance

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Malgré la crise financière, Londres reste une place financière majeure. Visiter les Lloyds permet de comprendre les raisons de son succès.

Les Lloyds ont été créés vers 1770 pour assurer le commerce maritime de la Grande Bretagne. Il se présente comme un ensemble de syndicats de souscription dont les membres sont solidairement responsables du paiement des sinistres. L’institution a subi une grave crise dans les années quatre-vingt-dix, mais a survécu en se rationalisant : ses fonds proviennent davantage de fonds d’investissement et moins de personnes privées.

Les Lloyds se sont installés il y a une vingtaine d’années dans un immeuble de béton, de verre et d’acier au coeur de la City construit dans l’esprit du Centre Beaubourg à Paris. Le rez-de-chaussée grouille de monde. Au centre se trouve le « Rostrum », structure en bois qui supporte une cloche actionnée par un « waiter » en grand uniforme rouge lorsque survient une catastrophe mondiale telle que le naufrage du Titanic ou la mort de la Princesse Diana. Un grand registre rempli à la main rend compte des sinistres des dernières semaines. Le registre des sinistres de 1909, exactement semblable à celui de 20097, est ouvert à la page du jour. Une vitrine présente des souvenirs de l’Amiral Nelson et de la bataille de Trafalgar.

L’activité se concentre sur des dizaines de tables carrées en bois. Depuis quelques années, le nom des syndicats de souscription auxquels appartiennent les tables est affiché. Cette transparence, comme l’admission, plus ancienne, des femmes dans ce saint des saints du machisme, constituent des concessions à la modernité. Aux tables sont installés les souscripteurs et leurs assistants. Les courtiers attendent leur tour sur un banc puis prennent place à un angle de la table pour présenter leurs dossiers de risques à assurer. Dans beaucoup de cas, le souscripteur, relié à son bureau par téléphone et ordinateur, prend la décision au moment même et sur place. Les séances sont normalement de deux heures, avant et après le déjeuner, qui permet aussi de parler affaires. A midi et après 16 heures, les bars sont pleins et malgré la fraîcheur de l’automne londonien, les conversations se prolongent, verre en main, jusque sur le trottoir.

Ce marché de l’assurance est à beaucoup d’égards semblable aux marchés de gros du poisson ou des fruits et légumes de Rungis. Il nous renvoie à l’origine du métier d’assureur, lorsque les armateurs vénitiens et génois recherchaient parmi les bourgeois de la ville des investisseurs capables d’assumer en contrepartie d’une prime le risque de la perte du navire et de sa cargaison dans un naufrage ou une attaque de pirates.

Cette organisation consolidée par les siècles reste efficace aujourd’hui. Tout le monde se parle en permanence, ce qui assure une grande fluidité de l’information et induit une dynamique d’apprentissage, chacun s’imprégnant de l’expérience des autres. Par ailleurs, il est facile de repérer chez les concurrents les meilleurs éléments et de tenter de les débaucher, ce qui provoque des mouvements de personnel importants entre courtiers et souscripteurs et contribue à la diffusion de la culture et des connaissances professionnelles.

Le poids de la City dans les transactions financières internationales reste très important malgré la crise financière. Cela ne se fait pas en tournant le dos aux traditions, mais en apportant au moule initial, fondé sur la rencontre physique entre négociants, les seules corrections indispensables.

(Photo Lloyds)

Industry Dinner

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  Chaque année en novembre, les assureurs crédit britanniques se retrouvent pour un dîner de gala qui n’a d’équivalent dans aucun pays au monde.

Le dîner annuel de l’industrie de l’assurance du risque commercial, de la caution et du risque politique est un événement qu’aucun cadre supérieur de compagnie ou de société de courtage ne voudrait manquer. L’invitation est lancée, au nom de la profession, par une compagnie ou un cabinet de courtage désignés par consensus d’une année sur l’autre parmi les volontaires. Elle mentionne que la réception est à 7:00pm, le dîner à 7:45pm et les voitures à 2:00am et que le code vestimentaire est « black tie », habit de soirée.

Un maître de cérémonie en habit rouge s’assure du bon déroulement des opérations. Le dîner commence par le discours du représentant de l’entreprise organisatrice et le bénédicité. Il y a environ 300 personnes installées par tables de 10, chaque compagnie ou société de courtage ayant réservé une ou plusieurs tables. Au dessert, le maître de cérémonie se transforme en commissaire priseur et met aux enchères des lots offerts par les entreprises participantes : le bénéfice ira au profit d’une « charity » (œuvre humanitaire), cette année une association d’aide aux personnes autistes. Il présente ensuite l’humoriste qui fera un one-man-show d’environ une demi-heure. Celui de l’an dernier avait été irrésistible de drôlerie et de cruauté, extrapolant la tonalité catastrophiste du discours inaugural de l’hôte de la soirée. Cette année, un autre comédien a été choisi et c’est franchement loupé : il enchaine des plaisanteries incompréhensibles pour moi, mais dont mes voisins de table m’expliquent qu’elles reposent sur une exploitation de mauvais goût des stéréotypes culturels attribués aux Gallois, aux Irlandais et aux Ecossais.

Le dîner formel s’achève vers 23 heures et commence alors ce que les participants attendent le plus : l’occasion de retrouver, au bar ou sur la piste de danse, d’anciens collègues. « L’industrie » de l’assurance crédit fonctionne à Londres comme une communauté professionnelle. Contrairement à ce qui se passe dans les pays du Continent, passer d’une société de courtage ou d’une compagnie à l’autre n’a pas l’odeur de souffre d’une semi-trahison. Progresser professionnellement en passant d’une entreprise à l’autre est au contraire vécu de manière positive : c’est accepter de prendre des risques, c’est choisir de se frotter à des environnements différents, c’est saisir sa chance. Les connexions entre les participants au dîner annuel sont nombreuses. Tous ont travaillé avec des dizaines d’autres à différentes étapes de leur vie professionnelle. Ils sont heureux de reprendre le fil de ce qu’ils ont vécu ensemble. Les meurtrissures des combats commerciaux et l’anxiété de la crise se diluent dans les vapeurs d’alcool.

(Photo Lloyds: extérieur du bàtiment des Lloyds dans la City à Londres)

Guy Fawkes Night

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 Le 5 novembre au soir, c’est une explosion de feux d’artifice dans tout le Royaume Uni. Les Britanniques célèbrent la Guy Fawkes Night.

De notre appartement de Watford, la vue s’étend jusqu’au stade de Wembley à une quinzaine de kilomètres. En cette soirée du 5 novembre vers 20h, des dizaines de feux d’artifice éclairent l’horizon. Le plus proche, à quelques centaines de mètres, est artisanal et est probablement tiré d’un jardin.

C’est la nuit de Guy Fawkes, aussi appelée bonfire night, la nuit du grand feu. On célèbre l’échec de la conjuration de Catholiques qui, en 1605, avaient projeté de faire sauter le Parlement et, avec lui, le roi James I et l’aristocratie. Jusqu’en 1857, la célébration de l’événement était obligatoire. Le rite inclut des feux d’artifice, ce qui est dans la logique de l’explosif projet des insurgés, l’allumage de brasiers dans lesquels sont brûlés les effigies des conjurés, dont leur artificier Guido Fawkes, dit Guy (qui signifie « gars » en anglais), et des plats spécifiques, dont les jacket potatoes (pommes de terre en robe des champs) cuites sur les braises du bonfire.

La tradition du feu d’artifice s’est maintenant étendue à l’automne tout entier. Des feux sont allumés pour la fête indienne de Diwali, pour Halloween. Dans le parc de Cassiobury à Watford, un festival artificier est prévu pour la nuit de samedi. Et la revue de loisirs et spectacles Time Out consacre sa couverture et son principal article aux meilleurs feux d’artifice et aux pubs où se respire le mieux l’ambiance de poudre, de rébellion et de complots de la Guy Fawkes night.

(Photo du Guardian, Guy Fawkes Night à Glasgow)

Middle Temple à Londres

J’ai été invité à visiter cette semaine Middle Temple, la cité des avocats à Londres.

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Il n’est pas facile de trouver Middle Temple Lane. Elle donne dans Fleet Street, la rue des journaux, mais on y accède par une porte cochère qui ouvre sur un véritable village avec son église, son auberge, des bureaux et une maison commune qui abrite des salles de réception et le « hall ». Je suis invité à déjeuner par Pascal, un avocat membre, comme moi, de la section britannique des conseillers du commerce extérieur de la France.

Le hall a été construit en 1570 sous Elizabeth I dans l’esprit des grands réfectoires des collèges d’Oxford et de Cambridge. La charpente en bois de chêne est magnifique. Les vitraux sont ornés de motifs héraldiques, et les murs portent les blasons des professeurs qui ont exercé ici. Ce qui est impressionnant c’est que, comme souvent en Angleterre, ce lieu est vivant. Un self-service y est installé, dont les clients vont ensuite s’installer sur de longues tables en bois.

L’accès est réservé aux « barristers », les avocats du barreau. Middle Temple est une cité dans la City, avec sa propre juridiction, de même que son église, Temple, ne dépend pas du diocèse mais directement de la Reine. Le lieu fut pendant deux siècles occupés par les Templiers, qui ne répondaient qu’au Pape. Au terme d’un processus long et empirique, les juristes finirent par se glisser dans les privilèges des Templiers et construire l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’un des fondements de la démocratie.

Il existe aujourd’hui quatre « Inns of Court » construites autour des Royal Courts of Justice : Inner Temple, Middle Temple, Gray’s Inn et Lincoln’s Inn. Ils servent de clubs pour les avocats avec bibliothèques et salles de rencontre, de structures de formation et de lieux de réception. Plusieurs films y ont été tournés, dont Le Code de Vinci.