Des Musulmanes d’élite partagent un mari

Sous le titre « Muslim high-flyers share a husband » (des Musulmanes d’élite partagent un mari ), la journaliste Rosie Kinchen explique dans le Sunday Times du 11 mars 2012 pourquoi un manque d’hommes éligibles conduit des milliers de femmes à devenir coépouses.

 Dans une chronique intitulée « le mariage est-il obsolète ? », « transhumances » s’est fait l’écho des réflexions de Cate Bolick sur la crise du mariage en occident. Selon elle, l’accession des femmes à des emplois plus stables et mieux rémunérés que ceux de beaucoup d’hommes élimine ce qui fut pendant des générations une puissante motivation à se marier : accéder, par le truchement de l’époux, à un statut social supérieur.

 Or, voici qu’une crise semblable atteint la société musulmane en Grande Bretagne. Les femmes musulmanes commencent à dépasser leurs contreparties masculines en éducation et, de plus en plus, en revenus. Or beaucoup d’hommes attendent de leur épouse qu’elle soit une bonne maîtresse de maison. Plutôt que le casse-tête d’une femme libre, ils préfèrent la tranquillité d’une femme classique venue du pays : environ 12.000 épouses d’hommes musulmans entrent ainsi chaque année en Grande Bretagne.

 Il se développe ainsi une « crise des vieilles filles musulmanes ». « De plus en plus de femmes qui ont réussi ne peuvent pas trouver chaussure à leur pied. Cette tendance les conduit à envisager d’autres arrangements comme la polygamie », dit Rosie Kinchen.

 « Aisha (le nom a été changé) a choisi de devenir une seconde épouse après avoir divorcé de son premier mari à l’âge de 28 ans. Employée à temps plein au service national de santé, elle est tombée amoureuse d’un homme marié, lui aussi musulman. « J’avais trois petites filles et je ne voulais pas devenir une maîtresse, dit-elle, mais je me suis rendue compte que je ne le voulais pas 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Je ne voulais pas lui faire la cuisine, je ne le voulais pas dans mes pattes. » Elle a suggéré de devenir seconde épouse et lui, comme sa première épouse, en ont été d’accord ».

 Le producteur de la BBC Perminder Khatkhar a enquêté sur la polygamie dans la communauté musulmane pour un documentaire l’an dernier. Elle a découvert que les femmes choisissaient des relations polygamiques pour toute une série de raisons. « Dans certains cas, les femmes cadres et de profession libérale aiment l’idée d’êtres seconde épouse parce que cela peut les aider dans leur carrière, dit-elle. Si la première femme est plus traditionnelle, elle peut aussi s’occuper des enfants de la seconde épouse ».

 Rosie Kinchen souligne que la polygamie est illégale en Grande Bretagne, et que seules les premières épouses bénéficient des droits et des protections prévues par la loi. Cependant les hommes musulmans peuvent célébrer jusque quatre unions dans des cérémonies religieuses « nikah ».

Photo « transhumances »

Guadeloupe, les Roches Gravées

Roche gravée au parc archéologique de Trois Rivières

Parmi les traces laissées par les peuples qui ont occupé la Guadeloupe et plus généralement les îles Caraïbes, les « roches gravées» sont les plus énigmatiques.

 Le parc archéologique des Roches Gravées à Trois Rivières, au sud de l’île de Basse Terre, présente de curieux dessins gravés dans des roches volcaniques. On pense qu’ils datent de 300 à 400 après JC. L’interprétation de leurs motifs à forme humaine ou animale ne repose que sur des conjonctures. Pour cette raison, la visite guidée par une animatrice jolie et compétente porte davantage sur la botanique que sur l’art précolombien.

 C’est au musée Edgar Clerc, près du Moule, au nord-est de Grande Terre, que l’on trouve des informations sur les peuplements antérieurs à la Conquête. Le musée, ouvert en 1984, occupe un site superbe dans une cocoteraie en bordure de mer. Ce que l’on connait des « indiens » Arawaks et Caraïbes (ce mot a la même origine que « cannibale ») doit davantage aux observations de religieux soucieux de comprendre ce qui était derrière la tête des populations qu’ils étaient chargés de convertir, ne particulier le dominicain Raymond Breton (dictionnaire caraïbe – français, 1665), le jésuite Ignace Pelleprat (1665), le dominicain Jean-Baptiste Labat (1772).

Musée Edgar Clerc, Le Moule

 On sait que les populations locales ont été exterminées en quelques décennies, sous l’effet des épidémies, de l’expulsion de leur territoire et de la répression. Les indigènes caraïbes ne survivent en tant que tels que dans une réserve sur l’île de la Dominique, entre Guadeloupe et Martinique.

 Le peuplement de la Guadeloupe et des autres îles des Antilles est ancien. On peut dire qu’il est préhistorique, au sens de préexistant à l’écriture. Il reste beaucoup à faire pour connaître les peuples qui ont vécu dans ces îles, leurs migrations et leurs cultures.

Guadeloupe, bananeraie à Basse Terre

Bananeraie de la plantation Grand Café de Bel Air, Basse Terre

La visite de la Plantation Grand Café de Bel Air permet de découvrir les stratégies « raisonnées » d’une exploitation agricole tropicale.

 La Plantation Grand Café se situe dans les hauteurs de Sainte Marie, le site où Christophe Colomb débarqua lors de son deuxième voyage en 1493. Malgré son nom, elle est actuellement consacrée à la production de bananes pour l’exportation vers la métropole. Des caféiers vont être plantés prochainement afin d’élargir l’offre de la boutique du domaine.

 Le circuit se compose d’une visite de l’entrepôt de tri et de conditionnement des bananes, un tour commenté de la bananeraie à bord d’une charrette équipée de bancs et remorquée par un tracteur, et enfin la dégustation d’un vin moelleux de banane. Notre guide et conducteur est un passionné de ce qu’il appelle « l’agriculture raisonnée », passant progressivement vers un modèle plus respectueux de l’environnement et plus diversifié.

 

Entrepôt et centre de tri de la banane, Plantation Grand Café

La production de la banane d’exportation vers la métropole présente les caractéristiques les plus extrêmes de l’agriculture capitaliste : utilisation massive de pesticides, monoculture conduisant a l’épuisement des sols, sélection d’un unique produit au mépris de la diversité des saveurs, déconnexion totale entre le producteur et le consommateur, fluctuation du prix de vente sans relation avec le coût de production. Le consommateur français attend un produit d’un gabarit déterminé, mûr et sans tâche. Le produit, arrivé vert à Dunkerque, est stocké et porté maturité dans une mûrisserie. Il y est acheminé dans des navires frigorifiques réfrigérés une fois par semaine, à la température constante de 13ºC. Au domaine, il est trié et traité chimiquement contre les parasites.

 En amont, la bananeraie est organisée de telle sorte que chaque semaine arrive au centre de tri le tonnage de régimes de bananes souhaité, selon la qualité requise par le cahier des charges. Ceci implique un travail constant de surveillance du cycle de 9 mois pendant lequel le bananier se développe. En permanence, les regimes sont taillés pour ne conserver que les bananes au gabarit souhaité et les plants morts sont éliminés pour que se développent les surgeons. La bananeraie fait l’objet d’un contrôle sanitaire par une autorité indépendante qui, en cas de présence de parasites, ordonne le déversement par avion de pesticides. La piste d’aviation, une pente herbeuse face aux alizées, fait partie du domaine mais dessert toutes les exploitations de la région.

 Notre guide nous parle avec passion de la stratégie du domaine pour se rapprocher de l’agriculture biologique. Peu à peu, l’usage d’agents chimiques est supprimé ou limité dans toutes les phases du processus. Un bon exemple est l’alternance des sols entre bananeraie et canne à sucre. La canne à sucre épuise moins les sols. Par ailleurs, les parasites de la banane ne trouvent pas se nourrir avec la canne et disparaissent. En moyenne, l’épandage de pesticides a lieu trois fois par an, contre le double dans d’autres îles des Caraïbes, et tous les efforts sont faits pour en réduire l’utilisation.

 Le Domaine Grand Café n’est pas passé à l’agriculture biologique. Il faudrait sans doute pour cela que le consommateur français soit éduqué à gouter des bananes de calibres et de saveurs différents. Mais il travaille avec des producteurs biologiques dans d’autres pays, notamment Cuba, avec pour objectif de tendre progressivement vers un modèle de production plus sain. Le passage se fait progressivement, par étapes. Ce qui est remarquable, c’est qu’il répond à une stratégie à dix ans, murement réfléchie et, comme le dit notre guide, « raisonnée ».

Piste de l'aérodrome de la Plantation Grand Café

L’effondrement de l’empathie

Dans The Guardian du 16 février, Suzanne Moore nous prévient de l’effondrement de l’empathie. Maintenant, dit-elle, au lieu d’être dégoûtés par la pauvreté, nous sommes dégoûtés par les pauvres gens eux-mêmes.

 Suzanne Moore se réfère à l’émission « Panorama » (l’équivalent britannique d’Envoyé Spécial) diffusée sur BBC1 le 13 février et consacrée à la pauvreté aux Etats Unis. « Des gens vivent dans des tentes ou en sous-sol dans des égouts. Ces gens horribles, avec des ulcères, des hernies et de mauvaises dents, sont le revers du rêve américain. Les arbres poussent dans des bâtiments publics ou des usines abandonnées pendant que des candidats républicains claironnent sur des réductions d’impôts au profit des 1% de personnes possédant 25% de la richesse. Voir rejouer les Raisins de la Colère dans des paysages urbains post-apocalyptiques est effrayant. Il faut une forte dissonance cognitive pour sonner la trompette pour les riches alors que 47 millions de citoyens vivent dans des conditions proches de celles du monde en développement ».

 De fait, l’émission faisait peur, par la réalité qu’elle plaçait sous nos yeux : des gens vivant dans leur voiture ; des enfants avouant qu’il leur arrivait de se coucher sans dîner ; une foule de gens attendant dès quatre heures du matin que s’ouvre une consultation médicale gratuite dans un gymnase où des dizaines de généralistes, de dentistes et de chirurgiens reçoivent des patients sans presque aucun espace privé ; des gens vivant sous des tentes dans la boue ; et des politiciens républicains affirmant qu’on exagère beaucoup la réalité de la pauvreté et qu’il ne tient qu’aux pauvres de se prendre en mains et de réagir.

 C’est cela que dénonce Suzanne Moore : « tous ces gens sans espoir, d’où viennent-ils ? Il est, bien sûr, toujours possible de ne jamais réellement les voir, tant leur détresse est déprimante. Qui a besoin de les voir ? La pauvreté, nous dit-on souvent, n’est pas « réelle » parce que les gens ont des téléviseurs. L’érosion graduelle de l’empathie est le triomphe d’un climat économique dans lequel chacun, dépendant d’une drogue ou non, est personnellement responsable pour son manque de réussite. Les pauvres ne sont pas seulement des gens comme nous, mais avec moins d’argent : ils sont d’une espèce totalement différente. Leur pauvreté est un échec personnel. Ceci ne s’applique maintenant plus seulement à des individus mais à des pays entiers : regardez les Grecs ! A quoi pensaient-ils avec leurs retraites et leur salaire minimum ? Qu’ils étaient comme nous ? »

 L’apparition dans la campagne présidentielle française, de l’idée d’un référendum pour obliger les chômeurs à chercher activement du travail sous peine de perdre leurs allocations relève de cette idée que la pauvreté ne résulte pas d’une panne de « l’ascenseur social » mais d’un manque de volonté des pauvres eux-mêmes. Pour Suzanne Moore, nous nous habituons à être cruels. C’est une véritable faillite morale collective qui s’étale sous nos yeux et dont, par notre indifférence, nous sommes souvent complices.

 Photo BBC : personnes dormant dans leur voiture aux Etats-Unis.