Les 400 ans de la Bible du Roi James

L’Eglise Anglicane fête le quatre centième anniversaire de la Bible du Roi James 1er.

 La Bible du Roi James est probablement le plus grand succès d’édition de l’histoire. On estime que plus d’un milliard d’exemplaires ont été imprimés depuis sa publication en 1611.

 Etablir une traduction officielle de la Bible était un objectif politique du roi James 1er dans une église anglicane tiraillée par de multiples courants. Ce qui rend ce texte remarquable, c’est la somme de compétences que réunit sa préparation : pas moins de 47 universitaires, férus de langues anciennes et appartenant au courant Puritain comme à l’institution ecclésiastique. C’est aussi le fait que le cahier des charges des traducteurs comportait la facilité de lecture à haute voix dans les églises, qui fut dûment testée devant des auditoires de cobayes.

 Le texte fut écrit dans un anglais déjà un peu ancien pour l’époque. Mais il fut proclamé à haute voix pendant quatre siècles et a laissé une trace importante dans la formation de l’anglais tel qu’il se parle aujourd’hui.

 « Qu’est-ce qu’une bonne traduction ? s’est demandé dans son sermon lors de la messe d’action de grâce l’Archevêque de Cantorbéry Rowan Williams. Ce n’est pas une qui me permet simplement de dire, lorsque je la prends, « maintenant je comprends ». Bien sûr, si je suis confronté à un texte d’ans un langage étrange, j’ai besoin d’être simplement capable de le lire ; mais une bonne traduction sera une invitation à lire de nouveau, et à explorer, et à réfléchir, et à imaginer avec le texte. Plutôt que de me laisser dire « maintenant je comprends », elle incite la réponse « maintenant le travail commence ».

 Photo The Guardian : la famille royale britannique à Westminster pour la messe d’action de grâce pour le quatre centième anniversaire de la Bible du Roi James.

Réforme de la régulation financière en Grande Bretagne

L’actuelle Financial Services Authority FSA) va être scindée en 2013 en deux structures. La Prudential Regulation Authority (PRA), filiale de la Banque d’Angleterre, s’occupera de contrôler que les institutions financières ont un bilan suffisamment solide pour résister aux chocs de la conjoncture ; la Financial Conduct Authority (FCA) se consacrera à la défense du consommateur de produits financiers, veillant à ce qu’il n’y ait pas de distorsion de concurrence et que les produits dangereux soient écartés du marché.

 Le président désigné de la FCA, Martin Wheatley, a récemment présenté son programme d’action devant un parterre d’assureurs. En bon Britannique, il a commencé son exposé par une plaisanterie, une « opening joke ». Avant de prendre ses nouvelles responsabilités à la City il y a quelques mois, il avait présidé la Securities and Futures Commission à Hong Kong. La faillite d’institutions financières avait ruiné des milliers d’épargnants. Soumis pendant des heures à l’investigation de commissions d’enquête, il entendait depuis les tribunes des interjections que ses collaborateurs ne voulaient pas lui traduire. Son effigie fut brûlée devant son bureau au son de musiques funèbres chinoises. Des panneaux lui disaient « go home ! ». Maintenant qu’il est de retour au « sweet home », quelle est la situation ? « Tougher ! », plus dure, dit-il ! Les défis qui se posent à la City, actuellement occupée par les anticapitalistes, dépassent de loin en intensité ceux qu’il a du affronter en Chine.

 L’éclatement de la FSA, construite par les Travaillistes et visiblement inopérante avant et pendant la crise financière de 2008, a été organisé par les Conservateurs, qui semblent aussi impuissants face à la crise qui se développe sous nos yeux. Interrogé sur le cœur de la réforme et sur son programme, Wheatley dit que c’est un changement de culture qui est attendu du régulateur. Il illustre cela par un exemple. Préoccupés par le poids des engagements dans le bilan des banques de Hong Kong, le régulateur leur avait demandé de développer leurs « fees », c’est-à-dire les activités leur apportant une rémunération sans risque pour leur bilan. Les banques firent scrupuleusement ce qu’on leur demandait de faire, et multiplièrent les offres de produits financiers hors bilan, aux rendements financiers mirobolants pour les clients, mais construits sur du vent. Le régulateur voulait protéger les déposants ; son action eut pour effet de ruiner les épargnants.

 Il faut, dit Wheatley, que les personnes qui travaillent dans les instances de régulation, cessent de cocher des cases. Ils doivent avoir la curiosité de s’intéresser à ce qui peut aller mal, non pas seulement au centre du tableau, mais à sa périphérie.

 Photo « transhumances » : la City vue de la rive droite de la Tamise.

Affectueusement trompée

Angelica Garnett est maintenant une dame de 93 ans qui vit à Forcalquier environnée de livres et de tableaux. Son livre, « Deceived with Kindness » (Random House, 1984, traduit en France chez Christian Bourgeois sous le titre « trompeuse gentillesse »), raconte son enfance dans le groupe de Bloomsbury et son difficile chemin vers la maturité.

 Angelica naquit le jour de Noël 1918 de Vanessa Bell, l’un des membres du Groupe de Bloomsbury et l’épouse de Clive Bell. Ce n’est qu’à l’âge de 17 ans que sa mère lui apprit qu’elle était fille de Duncan Grant et non de son mari.

 Dans son livre, Angelica s’attaque à la tâche de comprendre comment cette tromperie initiale a pollué son enfance et sa vie de jeune adulte. « Vanessa n’avait peut-être pas compris qu’une fille désire être possédée par son père, et cela Clive n’était pas en situation de le faire », écrit-elle. D’un côté, Angelica eut une enfance privilégiée, au contact intime de personnalités exceptionnelles comme Virginia Woolf, sa tante, ou Maynard Keynes, un ancien amant de Duncan. Elle fut encouragée à peindre et à jouer de la musique. Elle eut la chance de voyager, en particulier en France. Mais ce fut aussi une enfance « gâtée », au sens fort du terme. A l’école, la relation particulière de sa mère avec la directrice l’exemptait de passer des examens. Il n’y avait pas vraiment à son égard d’exigence, d’étapes à franchir.

 Angelica décrit Duncan comme un homme délicieux et tout en finesse, mais totalement incapable d’assumer un conflit ; Vanessa elle-même semblait un roc de l’extérieur, mais souffrait d’une croissante minimisation de soi-même. Au seuil de ses vingt ans, Angelica n’avait pas pu se construire elle-même. Elle finit par céder aux pressantes demandes en mariage de David « Bunny » Garnett, alors âgé de 48 ans. Nul ne lui avait dit que, de 1916 à 1918, Bunny avait vécu en couple avec son père Duncan, alors qu’ils étaient objecteurs de conscience à Charleston. Vanessa ne lui avait pas révélé qu’elle-même avait refusé une demande en mariage de Bunny.

 La maternité (quatre filles dont deux jumelles) remplit la vie d’Angelica malgré la catastrophe de son mariage avec Bunny. Ses relations avec sa mère restèrent difficiles jusqu’à la mort de Vanessa en 1961 : le non-dit était trop lourd et installait entre les deux femmes gêne et silence.

 Angelica mit plusieurs années à écrire « Deceived with Kindness ». Mais cet exercice de lucidité lui permit de surmonter les souffrances accumulées. A quatre-vingt dix ans passés, épanouie dans la peinture et l’écriture, elle se disait plus jeune et heureuse que lors de ses vingt ans.

 Son livre est d’une grande profondeur psychologique. Il contient aussi des portraits affutés de personnalités  du groupe de Bloomsbury qui ont marqué durablement la culture en Grande Bretagne et dans le monde.

 Photo The Guardian : Angelica Garnett

Qu’est-ce que le luxe ?

Arnaud Bamberger, directeur général de Cartier au Royaume-Uni, a donné récemment à la Chambre de Commerce Franco-Britannique un intéressant exposé sur le luxe.

 Wikipedia donne du luxe la définition suivante : « Le luxe (lat. luxus) est le mode de vie consistant à pratiquer des dépenses somptuaires et superflues, dans le but de s’entourer d’un raffinement fastueux ou par pur goût de l’ostentation, par opposition aux facteurs ne relevant que de la stricte nécessité. Par extension, le luxe désigne également tous les éléments et pratiques permettant de parvenir à ce niveau de vie. Cet aspect d’inutilité est si marquant qu’il est à la base de l’expression péjorative « C’est du luxe ! » qui condamne un investissement déraisonnable. »

 Arnaud Bamberger caractérise le luxe d’une manière différente. Le luxe, pour lui, est d’abord différentiation. Les consommateurs du luxe veulent montrer qu’ils sont différents des autres humains, qu’ils appartiennent à un club séparé de gens riches dont l’accès est difficile. Le luxe est aussi un trophée pour les élites : il s’agit de prouver aux autres et à soi-même que l’on a du succès, et c’est un talisman pour les temps difficiles. Le luxe est enfin une source de plaisir, par la beauté des objets qu’il propose.

 L’actif le plus important d’une maison comme Cartier, c’est sa marque. « We cannot do n’importe quoi ! », dit-il dans un délicieux franglais. D’un côté, la croissance d’une entreprise de luxe passe par le développement du marché de la « new money », des nouveaux riches, qu’ils soient situés au Proche Orient ou en Chine. C’est ce qui avait poussé Cartier à développer la gamme des « Must », les objets que tout parvenu devait posséder. Mais il ne faut pas se tromper sur la communication : celle-ci doit s’accorder exclusivement aux valeurs du « old money », le monde de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie historique. Elle doit faire envie à ceux qui n’en sont pas de s’acheter les symboles d’une noblesse de sang : l’art contemporain, le polo, les arts floraux.

 Personnellement je ne suis pas un client du luxe et je privilégie les valeurs de solidarité et de partage à celles d’élitisme et de différence. Mais la présentation d’une entreprise qui, dans son monde entre « old » et « new » money s’efforce de savoir ce qu’elle fait et d’agir en conséquence donne des indications sur le management d’entreprises et de projets dans toutes sortes de contextes.

 Illustration : Montre « Must » de Cartier, 1995.