Les Islandais enfantent leur Constitution par Internet

 

Dans The Guardian du 10 juin, Haroon Siddique décrit le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution islandaise, travers un site Internet et Facebook.

 Dans son article du 22 mai, « transhumances » relatait comment les « indignados » espagnols s’étaient inspirés de la révolte citoyenne des Islandais réclamant l’inculpation des banquiers qui avaient causé la banqueroute du pays, une réforme constitutionnelle, la liberté du journalisme d’investigation et le soutien à Wikileaks.

 La réforme de la Constitution devrait être sanctionnée par un referendum en juillet. Un comité constitutionnel de 25 membres a été formé. Il utilise, indique Haroon Siddique, les médias sociaux pour inciter les citoyens à partager leurs idées sur ce que le nouveau document devrait contenir. « Je crois que c’est la première fois qu’une constitution est rédigée fondamentalement sur Internet, dit Thorvaldur Gylfason, membre du conseil constitutionnel d’Islande. Le public voit la constitution naître sous ses yeux… C’est très différent d’autrefois, lorsque les constitutionnalistes préféraient parfois de placer hors de la vue et hors d’atteinte… »

 Le journaliste poursuit : « la constitution de l’Islande date de son indépendance acquise du Danemark en 1944. Elle avait simplement repris la constitution danoise et fait quelques ajustements, comme remplacer le mot « roi » par celui de « président ».

 Le processus de rédaction d’une nouvelle constitution démarra en avril par la réunion de 950 citoyens tirés au sort, qui consacrèrent une journée à discuter du cahier des charges du futur document. Depuis, le Conseil publie ses travaux et sollicite des contributions sur son site Internet, et utilise des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter.

 Le recours au « crowdsourcing » (la recherche d’idées en sollicitant une foule de contributeurs potentiels) est probablement plus aisé dans un pays de 320.000 habitants qu’en Grande Bretagne ou en France) mais donne, selon Gylfason, professeur d’économie à l’Université d’Islande, d’excellents résultats. Le projet de loi soumis à referendum devrait inclure des contrôles et des responsabilités pour le Parlement et des clauses de séparation des pouvoirs de manière à prévenir une autre crise financière. Il devrait aussi contenir des changements significatifs sur la manière dont les députés sont élus et les juges désignés.

 Illustration El País : manifestation du mouvement du 15 mai en Espagne, sur le modèle de la protestation citoyenne islandaise.

Concert en la cathédrale d’Ely

La cathédrale d’Ely est, comme celle de Chichester à laquelle « transhumances » a consacré récemment un article, est un lieu de spiritualité vivante.

 Ely est une petite ville à une trentaine de kilomètres au nord de Cambridge. Comme celle de Chartres, sa cathédrale domine la plaine environnante et s’aperçoit à des kilomètres de distance. La nef, longue et massive, est de style roman. La principale caractéristique de l’édifice est une tour octogonale construite au quatorzième siècle après que la tour centrale romane se fut effondrée. Le chœur, construit à la même époque, est de style gothique.

 Le Chœur de la cathédrale et l’Orchestre d’East Anglia répètent le concert de ce soir : Vivaldi, Albinoni, Haendel, Bach. L’immense édifice vibre de musique et de sensations. Des œuvres d’art contemporaines amplifient le souffle spirituel venu du fond des siècles : une interprétation de la Vierge Marie en passionaria, la rencontre de Marie Madeleine et Jésus ressuscité dans le style de Giacometti, une immense sculpture en acier représentant à la fois un labyrinthe et une croix d’acier, œuvre de Jonathan Clarke.

 Dans une tribune latérale de la nef a été installé un musée du vitrail. L’essentiel de la collection est consacrée aux dix-neuvième et vingtième siècles. Les Anges Musiciens, vitrail réalisé vers 1910 sur un dessin d’Edward Burne-Jones (1833 – 1898) est magnifique. J’ai été ému par « pictures of violence », œuvre de Rosalind Grimshaw, qui assemble des images réalisées selon des techniques du vitrail différentes.

 Nous étions de passage à Ely, avant de poursuivre notre excursion à Cambridge. Nous sommes restés plusieurs heures dans ce lieu exaltant.

 Photo « transhumances » : Way of life, sculpture de Jonathan Clarke dans la cathédrale d’Ely.

L’assistance judiciaire en question en Grande Bretagne

L’aide judiciaire va être l’une des victimes du plan de restrictions budgétaires en Grande Bretagne. The Guardian a publié le 6 juin un article d’Amelia Hill sur les conséquences de ces mesures.

 Le Gouvernement britannique a l’intention de supprimer totalement l’assistance judiciaire dans plusieurs situations telles que les conflits familiaux, sauf lorsqu’ils comportent une violence domestique. L’économie budgétaire est conséquente : 350 millions de sterlings. On estime que 500.000 à 650.000 personnes ne pourront se prévaloir des services d’un avocat payé par le Ministère de la Justice et devront défendre elles-mêmes leur cause devant les tribunaux.

 Amelia cite le cas de Stuart Johnson, un père de famille divorcé en 2007 après 17 ans de mariage et  à qui son ex-femme déniait l’accès à Jim, leur jeune fils âgé de 4 ans, bien que le droit de visite lui fût reconnu. Pensant à tort que son niveau de revenu ne lui donnait pas droit à l’assistance judiciaire, il dut se représenter lui-même au procès. Il décrit cette expérience comme horrible, intimidante, embarrassante et humiliante. « Il n’y avait personne pour me dire comment me comporter au tribunal. Je ne savais pas quelle preuve il fallait ou même comment parler au juge. J’apportais avec moi deux valises de papiers à chaque audience mais alors, parce que je ne savais pas quand parler et quand me taire, ou quels termes légaux utiliser, ou ce qui était important de lui dire et ce qui ne l’était pas, le juge se mettait en colère et je devenais confus et émotif ».

 Stuart pataugea ainsi pendant 18 mois avant de découvrir qu’en réalité il avait droit à l’aide judiciaire. L’aide d’un professionnel lui permit de remettre les choses d’aplomb et d’obtenir gain de cause. « C’est horrible de devoir passer tout seul par un processus judiciaire. La Justice n’est pas rendue parce que vous êtes tout seul à vous battre, et que vous ne connaissez pas les règles ».

 Photo « the Guardian » : Stuart Johnson.

Essor des accents régionaux en Angleterre

Loin de s’éroder sous l’effet de la radio et de la télévision, les accents régionaux gagnent du terrain en Angleterre et de nouveaux dialectes urbains se forment sous l’effet de l’immigration. C’est ce qu’affirme la journaliste Rosie Kinchen dans le Sunday Times, le 5 juin.

 Cheryl Cole, la star de l’émission de variétés britannique X Factor, vient d’être exclue de l’avatar américain de ce programme : les téléspectateurs du Midwest n’auraient pas apprécié son accent « geordie », celui des natifs de Newcastle on Tyne, l’équivalent anglais de l’accent chti.

 Pourtant, écrit Rosie Kinchen, « on croyait autrefois la progression de l’anglais de l’Estuaire (l’anglais de  Londres et du sud-est de l’Angleterre) irrésistible ; maintenant, pourtant, la Grande Bretagne est en train de se sauver d’une fade homogénéité linguistique par la résurgence d’accents régionaux et de nouveaux dialectes urbains façonnés par les manières dont les immigrants parlent l’anglais. Des villes comme Birmingham, Bradford et Londres sont le foyer des nouveaux dialectes urbains, alors que les accents régionaux qui connaissent le plus grand développement se trouvent dans les Nord Est et les West Midlands. Le développement a démenti les craintes que l’Angleterre puisse un jour se retrouver avec rien d’autre que des accents génériques du sud et du nord. »

 Des chercheurs en sociolinguistique, comme Paul Keswill de l’Université de Lancaster ou Carmen Llamas, de l’Université de York, observent les évolutions en cours. On ne distingue pas moins d’une quinzaine d’accents différents en Angleterre. Ils observent que le « geordie » de Newcastle tend à se répandre dans les régions limitrophes, ou que les particularités du « scouse » de Liverpool se renforcent. Ils observent aussi la montée de « l’anglais multiculturel de Londres », baptisé « Jafaican », qui doit ses racines aux immigrants mais est maintenant parlé par plusieurs groupes ethniques et tend à remplacer le cockney (la version londonienne du titi parisien) dans les quartiers populaires de l’est de Londres.

Pour l’immigrant français à Londres que je suis, les différences entre tant d’accents sont parfois imperceptibles. Je suis toutefois frappé par la multiplicité des façons de parler à la télévision. L’anglais aristocratique de la famille royale et de David Cameron occupe une bonne place, mais c’est aussi le cas du « geordie » de Cheryl Cole : il fait partie de son identité de star et est volontiers adopté par ses admirateurs. Je ne suis pas sûr qu’une chaîne de  télévision française accepte si naturellement le parler de Dunkerque ou de Colmar.

 Photo Cheryl Cole, www.cherylcole.com