Amitié

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A l’invitation d’Elisabeth et Patrick, nous célébrons comme chaque année des anniversaires et l’approche du printemps dans leur maison, dans un hameau de l’Essonne.

L’amitié fait voyager. Au coin du feu, la conversation prend des chemins de traverse, sans souci excessif de la rationalité. Nous évoquons le drame qui frappe le Japon, les pilotes d’avions long-courrier davantage exposés aux radiations par leurs périodes de repos à la plage que par leur travail sous le cockpit, les statistiques de morts virtuelles de Tchernobyl, le besoin de « lits chauds » dans les stations de sport d’hiver menacées par un taux d’occupation insuffisant, le surf au Cap Ferret, un roi bègue tiré d’affaire par un coach australien, des séances de coaching pour améliorer la façon de narrer des contes aux petits, l’ingénieuse valve électrique qui permet de gonfler sans effort la poche d’air d’une cornemuse, la disparition d’une librairie au centre de Bourg la Reine, le roman d’Umberto Eco Le Cimetière de Prague commandé sur amazon.com, les divisions fratricides de l’UMP en Hauts de Seine, une passion pour l’acrylique et les collages, la confiance en soi, la marche encordée sur un glacier et sur les trottoirs de la ville de Sceaux, la légende du train de 9h13 évaporé dans la Voie Lactée, l’avenir de l’Hôtel de la Marine, les inconvénients des emballages sous vide des Surgelés Picard pour les malvoyants, la Moldavie et la Nouvelle Angleterre, Rodez et Saint Martin, chamois et renards, avant d’aller dormir sous les étoiles…

Dimanche matin, nous faisons une délicieuse promenade sur les rives de l’Essonne. Les flots s’écoulent lentement et offrent de multiples reflets, à l’image de notre amitié d’un rendez-vous printanier à l’autre.

Le vol EasyJet de retour à Londres est en retard. Alors qu’un texte enregistré déclame longuement en français les consignes de sécurité, notre voisin marmonne « on s’en fout, décolle ! »  Notre week-end d’amitié vient de s’achever.

Photo « transhumances » : reflet sur l’Essonne.

Fukushima, l’effacement du péché nucléaire originel

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The Guardian a publié le 22 mars un article de George Monbiot, le chroniqueur du journal sur les questions d’environnement. Il était intitulé : « pourquoi Fukushima m’a fait m’arrêter de me préoccuper et aimer l’énergie nucléaire ».

« Vous ne serez pas étonnés d’apprendre que les événements au Japon ont changé mon opinion sur l’énergie  nucléaire. Vous serez étonné d’entendre comment ils l’ont changée. A la suite du désastre de Fukushima, je ne suis plus neutre sur la question du nucléaire. Je suis maintenant en faveur de la technologie.

Une vieille usine merdique avec une sécurité inadéquate a été frappée par un tremblement de terre monstrueux et un vaste tsunami. L’alimentation électrique est tombée en panne, mettant hors service le système de refroidissement. Les réacteurs ont commencé à exploser et à fondre. Pourtant, à ce que nous savons, personne n’a reçu une dose mortelle de radiation.

Quelques verts ont exagéré sauvagement les dangers de la pollution radioactive. Pour une vue plus claire, regardez le graphique publié par xkcd.com (bit.ly/gu6QC). Il montre que la dose totale moyenne émise par le désastre de Three Mile Island pour quelqu’un vivant dans un rayon de 10 miles de l’usine fut la 625ième partie de la dose annuelle maximum admise pour les travailleurs exposés aux radiations. Celle-ci, à son tour, est la moitié de la plus petite dose annuelle que l’on puisse relier à un risque de cancer accru, laquelle, à son tour, représente 1/80ième de la dose qui provoquerait invariablement la mort. Je ne suis pas en train de proposer de la complaisance. Je propose une perspective

Si d’autres formes de production d’énergie ne causaient aucun dommage, ces impacts pèseraient davantage. Mais l’énergie est comme la médecine ; s’il n’y a pas d’effets collatéraux, il y a des chances que ça ne marche pas. »

Dans la suite de l’article, George Monbiot s’attache à démontrer que toutes les formes de production d’électricité « vertes », des barrages aux éoliennes et aux piles photovoltaïques ont des limitations et provoquent des dégâts environnementaux. Il indique aussi que, pour produire la quantité d’électricité requise, l’alternative au nucléaire est le recours aux énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole, avec leurs effets de serre.

Il conclut ainsi : « oui, je hais toujours les menteurs qui gèrent l’industrie nucléaire. Oui, je préfèrerais que tout le secteur ferme, s’il y avait des alternatives moins dommageables. Chaque technologie de l’énergie implique un coût ; il en va de même de l’absence de technologies de l’énergie. L’énergie atomique vient d’être soumise au test le plus sévère qui soit, et l’impact sur les personnes et la planète a été minimum. La crise de Fukushima m’a converti à la cause de l’énergie nucléaire ».

Je partage le point de vue de George Monbiot. L’énergie nucléaire souffre d’un « péché originel », son origine militaire. La recherche frénétique de cette technologie, d’Israël au Pakistan et de la Corée du Nord à l’Iran, montre que le sous-entendu militaire reste présent. Pour citer le cas de la France, la filière nucléaire civile s’est développée sur la base des recherches menées pour disposer de la bombe atomique. Pendant des dizaines d’années, le Parlement n’eut jamais l’occasion de débattre de choix qui impliquaient pourtant des centaines de milliards de francs et la santé des citoyens. L’allusion de Monbiot aux « menteurs » s’applique particulièrement bien à notre pays et au cas de Tchernobyl lorsque le nuage radioactif fut supposé s’arrêter à nos frontière en épousant leur tortueux contour.

C’est ce péché originel que le tsunami de Fukushima est en train de laver. Le Japon n’a pas de nucléaire militaire et est le seul pays à avoir été, à ce jour, victime d’attaques à l’arme atomique. Il est possible maintenant de raisonner sur le « cocktail » de sources d’énergie qu’il serait raisonnable de produire. Le nucléaire a gagné sa place dans ce cocktail.

Photo de la centrale de Fukushima, The Guardian.

Fête de Pourim

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 De manière imprévue, nous nous sommes trouvés associés à la fête juive de Pourim, dimanche 20 mars.

Beaucoup de restaurants sont fermés le dimanche dans le quartier des Champs Elysées. Nous en trouvons enfin un ouvert, une pizzeria rue de Berry. La plupart des clients du restaurant sont juifs ; on nous propose une bière fabriquée en Israël. Ce n’est qu’après le déjeuner que je comprendrai le sens du rituel qui prend place.

Un homme habillé de clown psalmodie un passage de la Meguilat Esther (le livre d’Esther dans la Bible). Sous l’empereur Perse Assuérus, la liquidation du peuple d’Israël avait été décidée. Mais la reine Esther, femme d’Assuérus et juive en secret, jeûna et pria avec tout le peuple et le monarque se laissa fléchir. Lorsque le nom de Haman, l’instigateur du massacre, est mentionné dans le chant, les assistants agitent des crécelles et tapent du pied.

La propriétaire du restaurant s’excuse de nous avoir imposé ce rite sans nous en prévenir. Il est vrai que nous ne nous attendions pas, en entrant dans une pizzeria d’apparence banale, à participer à un office religieux, mais je la remercie de nous avoir ainsi donné l’occasion d’une expérience nouvelle. Elle nous remet un dépliant qui explique qu’outre la lecture de la Meguilat Esther, la fête de Pourim implique d’envoyer des cadeaux à des amis, de donner la charité et de prendre le repas de fête ensemble.

Paris est une ville étonnante. Après avoir participé à une fête juive dans un restaurant italien kasher, nous prenons un café au Sir Winston, à deux pas de l’Arc de Triomphe. Nous nous retrouvons dans une ambiance British, confortablement installés dans des fauteuils hors d’âge sous le portrait du roi George VI en grand uniforme.

Illustration tirée de Huffington Post : la fête de Pourim.

Frost Nixon

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Frost Nixon, film de Ron Howard (2008), présente le duel entre un président humilié soucieux de refaire sa réputation et un homme de télévision à la recherche d’un coup sensationnel.

En 1977, l’ancien président Richard Nixon (Frank Langella), qui travaille à son autobiographie, est à la recherche d’une opération médiatique qui lui permette, au-delà des ombres du Watergate qui l’ont poussé à la démission l’année précédente, d’entrer dans l’histoire comme un grand président. Ses conseillers croient l’avoir trouvée : David Frost (Michael Sheen), un animateur britannique de divertissements télévisés, lui propose une série d’interviews sur différents chapitres de sa vie et de sa présidence. Le Watergate ne sera pas mis de côté, mais les domaines dans lesquels Nixon peut se vanter d’un bon bilan auront toute leur place. Pour Nixon et sers conseillers, l’affaire promet d’être bonne : Frost devrait être superficiel et complaisant ; pour ne rien gâcher, le cachet dépassera le demi million de dollars.

Ce ne sera pas si simple. L’objectif de Frost est de réaliser l’interview du siècle, celle qui attirera des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde et lui gagnera notoriété et fortune. Pour cela, il faut qu’il obtienne, devant les cameras, ce que ni les juges ni les députés n’ont obtenu : une confession de culpabilité de la part de l’ancien président.

David Frost attaque d’emblée : pourquoi n’avez-vous pas brûlé les cassettes contenant les enregistrements de conversations à la Maison Blanche concernant le Watergate ? Nixon ne se laisse pas désarçonner. Il explique, patelin, que le système d’enregistrement avait été mis en place par le président Johnson et que, par souci de transparence démocratique, il n’avait pas voulu le mettre en cause.

Frost presente d’atroces images de la guerre du Vietnam et du Cambodge. Là encore, Nixon retourne la situation à son avantage : les souffrances des populations civiles étaient dues à l’ennemi communiste !

L’entreprise de David Frost menace d’échouer. Le doute gagne son camp, la série d’émissions ne se vend pas, la faillite morale et financière menace. Nixon semble inébranlable. En réalité, il est fragile. Une nuit, ivre et insomniaque, il appelle Frost et confesse que toute sa vie il a du s’imposer aux gens bien nés sans jamais baisser la garde. Frost reprend courage. Il fait rechercher par son équipe une conversation, non encore publiée, de Nixon avec l’un de ses conseillers, qui démontre qu’il avait été au courant des écoutes au siège du Parti Démocrate plus tôt qu’il ne l’avait publiquement admis.

Lors de la dernière interview, Frost met Nixon dans les cordes. Celui-ci finit par lancer « lorsque le président fait quelque chose, ce n’est pas illégal ». Il vient d’avouer qu’il se sentait au dessus des lois. Après une interruption de séance, il reconnaît qu’il a participé à une obstruction de la justice, qu’il a laissé tomber les Américains. Plus que les mots, c’est son visage ravagé qui exprime son désespoir, et peut-être aussi le soulagement de s’être libéré d’un poids. Frost se définissait comme un « performer », un homme du spectacle télévisuel. Il a gagne son duel contre Richard Nixon.

Photo du film « Frost Nixon » : Frank Langella et Michael Sheen