Aphasie : étranger dans sa propre vie

Le quotidien britannique « The Guardian » publie aujourd’hui le témoignage de Rhianon Howells sur l’aphasie dont souffre son père Keith depuis huit ans à la suite d’une attaque (http://guardian.co.uk/lifeandstyle/2009/sep/29/aphasia-kevin-howells).

« A mon mariage il y a quelque temps cette année, mon père me conduisit à l’atuel. Notre démarche pour remonter la nef était hésitante – il marche avec un bâton – mais il le fit. C’était un but important, mais réalisable ; faire un discours ne l’était pas ».

Rhianon raconte la thérapie à raison d’une séance par semaine, et l’abandon au bout d’un an : « la première année magique » (celle où une guérison est réputée possible) « était passée et mon père était toujours un étranger dans sa propre vie ».

« Mon père se bat pour communiquer en utilisant des gestes, des dessins et des jeux de devinette verbale tarabiscotés. Il utilise souvent un mot associé pour faire passer une idée. C’est ainsi que « Amérique » devient « là cousin », parce que nous avons un cousin qui vit en Amérique. Sil ne peut dire un mot, il essaiera de l’écrire. Une bizarrerie de l’aphasie est que la partie du cerveau qui travaille avec un langage « pré-programmé », par exemple les jurons, est souvent non affectée.

L’une des grandes frustrations de papa est de voir des gens prétendre qu’ils comprennent ce qu’il veut dire lorsque c’est le contraire, ou des gens qui ne prennent pas le temps de se faire comprendre. Cela demande de la patience de communiquer avec quelqu’un qui est globalement aphasique – il faut lui parler lentement, se répéter, peut-être mimer ou dessiner ce que l’on veut dire – mais lorsque finalement vous établissez la connexion, le moment du Eureka peut être grand. »

Rhianon Howells cite le chiffre de 250.000 personnes atteintes d’aphasie en Grande Bretagne chaque année, plus que de Parkinson, et elle regrette l’insuffisance du financement pour l’accompagnement des malades et la recherche sur une maladie dont on parle peu.

« Depuis son attaque, la capacité linguistique de papa n’a progressé que marginalement, mais ses autres dons de communication n’ont jamais été meilleurs. Et maintenant ma mère les a inscrits tous les deux à un cours de Makaton, un système de communication basé sur le geste et des symboles graphiques. Mon père est une preuve vivante que même si vous ne pouvez parler, vous pouvez toujours être entendu – si seulement les personnes prennent le temps d’écouter. »

Sorry!

Ayant la chance de vivre depuis deux ans en Angleterre, je tiens la chronique de mes étonnements.

Dans les rues d’une ville anglaise, il y a une règle d’or : ne pas stationner sur les trottoirs. Les droits des piétons sont sacrés. Comme le stationnement unilatéral n’existe pas et que les rues sont généralement étroites, circuler en voiture relève du gymkhana. On se glisse d’un créneau à l’autre en faisant assaut de courtoisie à l’égard des conducteurs venant en face, eux aussi anxieux de ne pas passer pour les goujats motorisés.

Dans les campagnes anglaises, les routes sont souvent si étroites qu’on ne peut s’y croiser. Comme elles sont souvent bordées de talus, de murs et de haies, la visibilité est restreinte. Lorsqu’on se trouve brutalement face à face avec un autre véhicule, l’un d’entre eux doit reculer souvent de plusieurs centaines de mètres pour laisser le passage. On fait alors assaut de sourires et de signes amicaux.

Dans le métro comme dans les routes, les Anglais sont habitués à des situations de foule où l’on risque à tout moment la collision, que l’on évite de justesse, courtoisement et avec un mot magique : « sorry ! »

D’où viens-tu ? Où vas-tu ?

Vivant depuis deux ans au Royaume-Uni, je tiens la chronique de mes étonnements. Parfois, l’usage de la langue est différent d’un pays à l’autre.

p2280015.1253731775.JPG

Pour indiquer que l’on a compris la logique qui sous-tend l’idée d’un collègue, un français dira : « je vois où tu veux en venir ». Un anglais : « I see where you come from », je vois d’où tu viens.

Les Anglais semblent fermement enracinés dans leur patrimoine culturel. Les Français se projettent spontanément dans l’avenir. D’un côté le pragmatisme et le souci de composer avec la réalité pour la transformer. De l’autre, les idées qui mènent le monde.

Trop souvent, des points de vue différents engendrent des antagonismes stériles. Lorsqu’ils sont vécus comme des apports complémentaires, l’entreprise s’enrichit des différences.

Grande Bretagne : Chronique d’étonnements

J’ai la chance de vivre depuis près de deux ans à Watford, à 30km au nord-ouest de Londres. Voici ma chronique d’étonnements.

 Ophélie

090921_millais_ophelia.1253564688.jpg

En cette belle dernière journée d’été, nous marchons le long du Grand Union Canal à Watford puis nous traversons la rivière Gade. Un attroupement s’est formé sur le pont qui enjambe la rivière. Une jeune femme est prise sous l’objectif d’un photographe. Il s’est avancé dans le lit de la rivière et l’eau lui arrive aux mollets. Elle porte une robe de mariée et est allongée dans le courant, sa longue robe flottant et vibrant à la surface. La scène fait penser au tableau Ophelia du peintre préraphaélite John Everett Millais (1851 – 1852) représentant Ophélie noyée dérivant sur un plan d’eau au milieu des plantes aquatiques. Le sens de la scène, aujourd’hui, nous échappe.

Dutilleux

L’auditorium du Barbican joue à guichets fermés un concert symphonique de Debussy, Dutilleux et Ravel par le London Symphonic Orchestra sous la direction de Valery Gergiev. J’admire cette ville de Londres capable de remplir des salles de concert quelques jours seulement après la clôture des « Proms », la série de quatre-vingts concerts estivaux de la BBC. Les applaudissements chaleureux après l’exécution du concert pour piano « L’arbre des songes » d’Henri Dutilleux se transforment en ovation lorsque le chef d’orchestre désigne un vieil homme assis dans l’assistance. Le compositeur lui-même, malgré ses quatre-vingt treize ans, est venu écouter la représentation de son œuvre. Extraordinaire City, capable de produire de si rares moments !

Grippe A

En France, la consigne est : « si vous sentez des symptômes de grippe, consultez votre médecin généraliste (payant) ». En Grande Bretagne, c’est « n’importunez pas votre general practioner (gratuit), consultez le site Internet de la grippe et téléchargez vos ordonnances ! » De ce côté de la Manche, la médecine est gratuite. Elle est général dépréciée par les expatriés français. De mon côté, j’admire son caractère fondamentalement démocratique et sa recherche du maximum de service au moindre coût.