La foi de l’Archevêque

 

Dans The Guardian Week-End du 9 juillet, David Hare livre une interview de Rowan Williams, l’Archevêque de Cantorbéry et primat de l’Eglise Anglicane depuis huit ans.

 J’ai consacré le 16 juin un article de « transhumances » à Rowan Williams sous le titre « L’Archevêque indigné ». Son incursion dans la politique britannique, reprochant aux Conservateurs de mener une politique radicale pour laquelle nul n’avait voté et aux Travaillistes leur incapacité à définir une alternative, m’avait impressionné. David Hare décrit Rowan Williams comme un « boxeur de Dieu » n’ayant pas peur de recevoir des coups et d’en donner. Au-delà du polémiste, il nous présente un homme de foi.

 « Il ne convient pas à Dieu de sauver son peuple par des arguments », disait Saint Ambroise cité par Williams. « Oh, voyez, dit ce dernier, l’argument a pour rôle de limiter la casse. Le nombre de gens qui acquièrent la foi par un argument est vraiment plutôt faible. Mais si les gens disent des choses stupides sur la foi chrétienne, alors cela aide de dire seulement « allons, ça ne marche pas ». Il y a un miasme de suppositions : d’abord, qu’on ne peut pas avoir une vision scientifique mondiale et une foi religieuse ; deuxièmement, qu’il y a un problème insoluble autour de Dieu et de la souffrance dans le monde ; et troisièmement que tous les chrétiens sont névrotiques au sujet du sexe. Mais ces arguments ont été recyclés et refourgués plus de fois que nous avons eu de diners chauds. Et je grogne intérieurement chaque fois que je tombe sur un nouveau livre sur les raisons pour lesquelles on ne devrait pas croire en Dieu ».

 « Ce qui change les gens, c’est l’extraordinaire sentiment que les choses se mettent ensemble(…) Faire sens n’est pas un grand système théorique, mais c’est d’une certaine manière pouvoir voir les connexions et – j’ai envie ici d’utiliser l’analogie musicale – entendre les harmonies. Il est possible que tout ne soit pas cohérent dans chaque détail, mais cette harmonie est assez présente pour penser « OK, je prends le risque de m’aligner avec cela ».

 Portrait de l’Archevêque Rowan par Spencer Murphy pour The Guardian Week-End.

Le Petit Jésus de Prague

Le « Petit Jésus de Prague », une statue de cire de 47cm de hauteur conservée dans une chasse de marbre et de verre dans l’église Notre Dame de la Victoire à Prague, suscite une dévotion qui dépasse largement les limites de la Bohême.

 Le nom de l’église de Notre Dame de la Victoire évoque la miraculeuse intervention de la Vierge aux côtés des armées catholiques à la bataille de La Montagne Blanche (8 novembre 1620), qui conclut les hostilités ouvertes par la défénestration d’envoyés catholiques auprès de La Cour protestante au château de Prague le 23 mai 1618. L’église avait initialement était construite comme temple luthérien. Elle fut restructurée et dotée d’une façade baroque par un architecte italien et confiée en 1624 à l’ordre des Carmes, fondé un siècle plus tôt en Espagne par Thérèse d’Avila et Jean de la Croix.

 C’est de la filière espagnole que vient la statue de l’Enfant Jésus. Elle fut donnée en cadeau par Isabela Manique de Lara y Mendoza à sa fille Maria lorsqu’elle épousa en 1555 le prince Tchèque Vratislav de Pernštejn. Le roi Rodolphe II de Bohême avait épousé la sœur de Philippe II d’Espagne sept ans auparavant. Il y avait un clan espagnol à Prague, consolidé par des alliances matrimoniales. C’est cela qui explique l’extraordinaire floraison baroque à Prague.

 Le Petit Jésus de Prague dispose d’une soixantaine de parures, dont la plus ancienne remonte à 1700. D’innombrables répliques ornent des églises dans le monde et font l’objet de vénération.

 Photo « transhumances ».

Concert en la cathédrale d’Ely

La cathédrale d’Ely est, comme celle de Chichester à laquelle « transhumances » a consacré récemment un article, est un lieu de spiritualité vivante.

 Ely est une petite ville à une trentaine de kilomètres au nord de Cambridge. Comme celle de Chartres, sa cathédrale domine la plaine environnante et s’aperçoit à des kilomètres de distance. La nef, longue et massive, est de style roman. La principale caractéristique de l’édifice est une tour octogonale construite au quatorzième siècle après que la tour centrale romane se fut effondrée. Le chœur, construit à la même époque, est de style gothique.

 Le Chœur de la cathédrale et l’Orchestre d’East Anglia répètent le concert de ce soir : Vivaldi, Albinoni, Haendel, Bach. L’immense édifice vibre de musique et de sensations. Des œuvres d’art contemporaines amplifient le souffle spirituel venu du fond des siècles : une interprétation de la Vierge Marie en passionaria, la rencontre de Marie Madeleine et Jésus ressuscité dans le style de Giacometti, une immense sculpture en acier représentant à la fois un labyrinthe et une croix d’acier, œuvre de Jonathan Clarke.

 Dans une tribune latérale de la nef a été installé un musée du vitrail. L’essentiel de la collection est consacrée aux dix-neuvième et vingtième siècles. Les Anges Musiciens, vitrail réalisé vers 1910 sur un dessin d’Edward Burne-Jones (1833 – 1898) est magnifique. J’ai été ému par « pictures of violence », œuvre de Rosalind Grimshaw, qui assemble des images réalisées selon des techniques du vitrail différentes.

 Nous étions de passage à Ely, avant de poursuivre notre excursion à Cambridge. Nous sommes restés plusieurs heures dans ce lieu exaltant.

 Photo « transhumances » : Way of life, sculpture de Jonathan Clarke dans la cathédrale d’Ely.

La force de Pâques

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Je suis sensible à la force des symboles de Pâques.

Ils nous parlent d’expériences humaines fondamentales : la traversée de la Mer Rouge après les années de servitude, le feu et la lumière après l’obscurité, l’arbre plein de sève après l’arbre mort de la croix, la résurrection après la mort.

Ils nous signalent une image de Dieu bouleversante : non pas Horloger, ou Juge, ou Seigneur. Mais un Dieu homme, et homme maltraité et torturé. Ils nous disent que Dieu, s’il existe, n’est pas immuable : il est transformation, mouvement, énergie, échange, amour. Transposé en langage philosophique par Hegel, cela signifie que Dieu est dialectique : l’idée éternelle a besoin de la matière périssable pour accéder à un stade supérieur de son être. Dieu est Trinité, et le seul péché qui ne peut être pardonné est le péché contre l’esprit.

Le Dieu que nous indiquent les symboles de Pâques est fondamentalement ennemi des religions, qui prétendent l’enfermer dans un dogme et dans des rites et qui, ce faisant, pèchent contre l’esprit. Le paradoxe est que la mémoire de Pâques nous est transmise par des organisations religieuses.

Est-il fatal que le souffle prophétique de l’événement pascal ne nous soit accessible que sous la forme d’un dogme ? Est-il fatal que l’extraordinaire histoire rapportée par les disciples de Jésus, interprétée non comme une vérité révélée mais comme un sommet parmi d’autres de la sagesse humaine, se dissolve dans l’oubli si elle n’est pas structurée par des prêtres et des théologiens comme un corps de doctrine ?

Illustration : cierge pascal, www.liturgiecatholique.fr