Le Curé d’Ars, un modèle ?

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A l’occasion de la visite du pape Benoît XVI vient d’effectuer en Grande Bretagne, la presse a recueilli de nombreuses tribunes de tendances différentes. The Guardian a ainsi publié le 11 septembre un article virulent de John Cornwell intitulée « le modèle de prêtre du pape : un tyran enragé qui s’inflige du mal ».

On sait que le pape porte une particulière vénération à St Jean Marie Vianney, curé d’Ars (1786 -1859). Le site du Sanctuaire d’Ars, http://www.arsnet.org/, écrit de lui : « très rapidement, sa réputation de confesseur lui attire de nombreux pèlerins venant chercher auprès de lui le pardon de Dieu et la paix du cœur. Assailli par bien des épreuves et des combats, il garde son cœur enraciné dans l’amour de Dieu et de ses frères ; son unique souci est le salut des âmes. Ses catéchismes et ses homélies parlent surtout de la bonté et de la miséricorde de Dieu. »

C’est une autre image que révèle John Cornwell. Selon le Curé, dit Cornwell, (la paroisse d’Ars) « était enfoncée dans le péché. En réalité ses paroissiens étaient enfoncés dans le dur labeur, des conditions difficiles et la pauvreté. De temps en temps ils buvaient et dansaient dans la taverne – pour Vianney « la maison du démon et le marché où se perdent les âmes ».

Danser était un prélude au péché sexuel. Il paya le tavernier pour qu’il s’en allât, de sorte que la danse pût être abolie. Eloignez la tentation et vous éloignerez le péché, tel était son message. Quand il découvrit que des enfants chipaient des pommes de son verger, il abattit les arbres (…)

Afin de prévenir son propre penchant pour le péché, Vianney se fouettait lui-même pendant la nuit avec un fouet fait de morceaux de métal, laissant à sa bonne le soin de laver le sang jusqu’en haut du mur. Sur sa peau, il portait une chemise de crin, une chaine de métal et une corde serrée ou discipline. Il dormait sur un sol de pierre avec pour oreiller une buche. Il se levait à plusieurs reprises la nuit pour prier dans l’église face contre terre. »

On peut, comme John Cornwell, mettre en cause le modèle que représente cet homme dont l’extrême ascétisme  frôlait le masochisme. Il y a aussi du Docteur Knock dans le Curé d’Ars. Non certes dans le cynisme et la cupidité, mais dans la croyance que tout bien portant est un malade qui s’ignore et dans la transformation d’une communauté villageoise en une sorte d’hôpital spirituel tout entier consacré à se prémunir des tourments de l’enfer. Proposer aux prêtres de s’inspirer de Jean-Marie Vianney, n’est-ce pas à l’opposé des valeurs d’ouverture au monde, d’équilibre personnel et de sérénité qui sont si nécessaires aujourd’hui ?

Illustration : Saint Jean-Marie Vianney, Sanctuaire d’Ars.

Visite papale

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Le pape Benoît XVI est en visite d’Etat en Grande Bretagne.

Le Cardinal Walter Kasper, bien que chargé des difficiles relations avec l’Eglise Anglicane, n’a pu participer au voyage pour raison de santé. Il y a quelques jours, il avait déclaré au magazine allemand Focus que la Grande Bretagne « est un pays séculier et pluraliste. Parfois lorsque vous atterrissez à Heathrow, vous vous croyez être entré dans un pays du Tiers-Monde. ». Il déplorait aussi qu’un athéisme agressif se soit répandu en Grande Bretagne. « Lorsque vous portez une croix sur British Airways, on vous discrimine ». Souhaitons un prompt rétablissement au Cardinal.

Le 15 septembre, la chaîne de télévision britannique a diffusé à une heure de grande écoute un reportage intitulé : « Benoît : Procès d’un pape » par le journaliste catholique Mark Dowd. Ancien frère dominicain, homosexuel déclaré, Mark considère que les positions de l’Eglise sur la sexualité ne sont pas un « deal breaker », qu’elles ne rompent pas le contrat avec sa famille spirituelle. Son reportage est remarquable d’intelligence et d’honnêteté, n’évitant aucune question difficile (comme le rôle possible de Ratzinger dans la couverture d’un scandale de pédophilie lorsqu’il était archevêque de Munich) et tentant de comprendre en profondeur la pensée et la stratégie d’un pape obsédé par l’éloignement de l’Europe de son passé religieux.

Photo The Guardian.

Œil pour œil

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Au nom du principe « œil pour œil », un juge saoudien vient de demander à deux hôpitaux s’ils accepteraient de sectionner la moelle épinière d’un homme accusé d’avoir rendu paraplégique un homme qu’il avait blessé.

The Guardian du 19 août mentionne une dépêche d’Associated Press : « un juge saoudien a demandé à plusieurs hôpitaux s’ils pourraient endommager la moelle épinière d’un homme après qu’il eut été condamné pour avoir attaqué un autre homme avec un couteau de boucher et l’avoir rendu paralysé. C’est ce qu’ont rapporté des journaux hier. L’Arabie Saoudite applique la Charia strictement, et il lui arrive de décider de punitions fondées sur l’ancien code de « l’œil pour œil dent pour dent ».

Abdul Aziz Al Matari, 22 ans, qui était resté paralysé à la suite d’une agression, demanda au juge d’appliquer à son attaquant, selon la Charia, une punition équivalente. Le journal Okaz dit qu’un juge de la province de Tabuk, dans le nord-ouest du pays, a demandé à au moins deux hôpitaux une opinion médicale sur la question de savoir s’il serait possible de rendre la moelle épinière inopérante. L’article indique que le principal hôpital de Riyad, l’hôpital spécialisé Roi Faysal, ne procèderait pas à l’opération. Il cite une lettre de l’hôpital disant « qu’il n’est pas possible d’infliger un tel dommage », fondant apparemment son refus sur des raisons éthiques. »

Les religions se prêtent à des interprétations légalistes. Pour nombre de fanatiques, Dieu est un Juge tout puissant qui fait appliquer un code rigide et inspire la terreur. Mais la compassion (l’un des piliers de l’Islam sous le nom d’aumône) fait aussi partie du patrimoine génétique des religions. Nombre de croyants prient un Dieu qui est esprit, énergie et amour. Fanatiques et prophètes peuvent-ils coexister ? Ou bien faut-il maintenant chercher des vérités multiples, sans la sécurité des dogmes, hors des religions ?

Illustration: Yves Tanguy, indefinite divisibility, Bullaflo Museum