Sculptures polychromiques à Valladolid

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Plusieurs pièces de l’exposition « The Sacred made Real » à la National Gallery de Londres ont été empruntées au musée national de sculpture de Valladolid. Je l’avais visité à l’été 2006.

Valladolid a connu deux périodes glorieuses. Pendant le Siècle d’Or (seizième), elle reçut souvent la Cour des rois, notamment celle de Philippe II. Cervantès vécut à Valladolid. Christophe Colomb y mourut le 20 mai 1606. La seconde a commencé il y a quelques années avec l’implantation industrielle de Renault. La ville est en plein chantier de rénovation. On restaure les monuments historiques, on crée des musées, on soigne les jardins et, fait rare en Espagne, on aménage des pistes cyclables.  Plusieurs mariages se célèbrent en ce samedi après-midi, et les convives endimanchés confèrent à la ville couleurs et élégance.

Le musée national de sculpture est aménagé dans le palais de Villema et dans le Collège de San Gregorio, dont la magnifique façade est de style « isabélin » très proche du « manuélite » portugais. Le Guide du Routard qualifie le musée de « plus émouvant de Castille ». Il constitue, avec le Couvent des Déchaussées à Madrid, un témoignage frappant de l’histoire spirituelle espagnole sous l’Inquisition, force vitale écrasée et tordue par la répression mais cependant invaincue. La collection de sculptures religieuses baroques en bois polychrome couvre les seizième, dix-septième et dix-huitième siècles.  La salle consacrée aux sculpteurs Alonso Berruguete et Juan de Juni (Jean de Joigny) contient des chefs d’œuvre : la Marie-Madeleine de Juni, le Sacrifice d’Isaac et l’enterrement de Jésus de Berruguete. L’art de Berruguete n’est pas sans rappeler celui du Greco. Pour exprimer la sujétion du corps à l’esprit, « la force du sentiment d’angoisse religieuse allonge la proportion des corps et les crispe dans une tension qui se traduit en mouvements violents et instables. Les visages la manifestent à travers d’expressions douloureuses, de bouches ouvertes haletantes et de sourcils froncés ».

Dans le même esprit baroque, le musée présente une crèche napolitaine du dix-huitième siècle, remarquable de réalisme et de détail. Deux orchestres célèbrent la Nativité. Le musée est aussi propriétaire de scènes de la passion de la même époque, qui sont encore aujourd’hui portées en procession pendant la Semaine Sainte. Nous avions vu à Ossuccio, sur les rives du lac de Côme, un Sacro Monte dont les chapelles abritaient des scènes identiques, mais en mauvais état, comme à l’abandon. Le « Paso procesional » de Valladolid a été magnifiquement restauré.

 

Le Sacré rendu réel

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La National Gallery propose jusqu’au 21 janvier 2010 une exposition intitulée « The sacred made real » consacrée à la peinture et à la sculpture polychromique en Espagne au dix-septième siècle.

Les pièces présentées, dominées par les peintures de Francisco Zurbarán et les sculptures polychromiques de Pedro de Mena, figurent de façon réaliste les tortures subies par Jésus, sa mise à mort et la douleur insupportable de sa mère. Celui que la Bible désigne comme le « Fils de Dieu » est un jeune homme athlétique soumis à la plus extrême des souffrances. Son corps est meurtri de plaies sanglantes et couvert de bleus.

La religiosité espagnole du dix-septième siècle a pour arrière-plan l’Islam et sa foi dans un Dieu que nul ne peut représenter. Peintres et sculpteurs n’ont de cesse de mettre en scène l’Incarnation de Dieu dans la chair martyrisée. Elle s’oppose au protestantisme par un excès de mise en scène, de couleurs et de senteurs ; et elle lui dispute aussi le terrain de l’austérité par la référence constante à Saint François d’Assise et aux mystiques.

L’exposition a sans cesse le souci de présenter la continuité entre peinture et sculpture, illustrée par Alonso Cano, qui excellait dans les deux disciplines. Sa sculpture de la tête de Saint Jean de Dieu est tout en subtilité et en humanité. Vu par Cano, le saint, un Grenadin militant des droits des pauvres à la santé et fondateur d’hôpitaux, frappe par sa détermination et par sa compassion.

Nous retrouvons avec émotion Saint François en méditation, un tableau de Zurbarán propriété de la National Gallery, qui avait inspiré l’œuvre de la jeune peintre écossaise Alison Watts. Celle-ci avait en particulier été sensible aux plis de la robe de bure du personnage dont naissent lumière et ombre et, par leur affrontement, une vie possible à côté de la mort.

 

L’Eglise Catholique intègrera des traditionnalistes Anglicans

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Le Vatican vient d’annoncer son intention d’organiser l’intégration collective d’Anglicans dissidents au sein de l’Eglise Catholique. Au cours d’une conférence de presse, l’Archevêque de Canterbury, Rowan Williams, a estimé qu’il ne s’agit pas d’un acte d’agression. Il a toutefois admis n’avoir pas été consulté par Rome et de n’avoir été informé que tardivement.

A Rome, le Cardinal William Laveda, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a annoncé le 20 octobre qu’une constitution apostolique permettant aux Anglicans de se convertir collectivement au Catholicisme était en préparation. Jusqu’à présent, seules des conversions individuelles étaient admises, telle celle, spectaculaire, de Tony Blair. Il s’agit cette fois d’admettre des groupes constitués autour d’évêques et de prêtres, qui seraient autorisés à conserver des éléments de la pratique spirituelle et liturgique anglicane. Les détails de l’offre de Rome ne sont pas connus à ce stade, mais les observateurs pensent que pourrait être constituée une « prélature personnelle » dépendant directement du pape. Comme c’est déjà le cas des Uniates du Proche Orient, une adhésion à la totalité des dogmes de l’Eglise Catholique serait exigée, mais des hommes mariés pourraient être ordonnés prêtres et une liturgie propre serait maintenue.

Simultanément à cette annonce, l’Archevêque Anglican Rowan Williams et l’Archevêque Catholique de Westminster Vincent Nichols tinrent à Londres une conférence de presse commune. Rowan Williams affirma : « ce n’est pas un acte d’agression. Ce n’est pas une déclaration de défiance. C’est business as usual ». Mais la presse commente que les deux hommes étaient visiblement mal à l’aise et que Williams dut admettre qu’il n’avait pas été consulté sur cette décision majeure dont il n’avait été informé que trois semaines auparavant.

C’est donc un changement majeur qui se prépare. Il trouve son origine dans la décision du synode anglican l’an dernier d’autoriser l’ordination de femmes comme évêques. Certains mouvements traditionalistes, comme Forward in Faith (en avant dans la foi), appelé par ses détracteurs Backwards in Bigotry (en arrière dans le bigotisme), ont contacté le Vatican pour négocier leur admission dans l’Eglise Catholique. En 1992 déjà, environ 400 pasteurs anglicans traditionnalistes avaient quitté leur Eglise à la suite de la décision d’ordonner prêtres des femmes.

Il est difficile de prévoir l’ampleur de la scission à venir. On parle de 20 à 50 évêques dissidents, pour la plupart hors du Royaume Uni, et d’un nombre indéfini de prêtres et de fidèles. Dans ce pays, les envies de migration devaient être tempérées par des considérations économiques. Un pasteur anglican gagne 22.250 livres par an et est logé. Un prêtre catholique ne touche que 8.000 livres. Et cette fois, l’Eglise Anglicane n’a pas mis en place de compensation financière pour ses « objecteurs de conscience », à l’inverse de ce qui s’était passé en 1992.

Au sein de l’Eglise Anglicane, tout en dénonçant un coup bas contre l’Unité des Eglises, certains se réjouissent discrètement du départ annoncé d’une aile réactionnaire avec laquelle la coexistence devenait de plus en plus problématique.

Du côté de l’Eglise Catholique, la stratégie est claire. Il s’agit, après la réintégration d’évêques de la Fraternité Saint Pie X, dont un négationniste de l’holocauste, de consolider le bastion pour résister aux grands vents de la modernité. A ceux qui pensaient que pour adhérer à l’Eglise Catholique il fallait croire en la résurrection de Jésus et appliquer le programme des Béatitudes, le Vatican met opportunément les points sur les « i » : la ligne rouge est le statut de la femme. Une femme peut être médecin, travailleuse sociale, médiatrice ou metteuse en scène dans la vie civile. Elle ne sera jamais évêque, ni même prêtre, dans l’ordre ecclésiastique. A chacun d’en tirer les conséquences.