Noce à Léoncel

L’ancienne abbaye cistercienne de Léoncel, aux confins du Vercors, est un magnifique édifice roman. Nous y avons assisté au mariage de Sabine et Alexandre, ce dernier étant le fils de Philippe, mon ami d’enfance.

 Le cadre multi-centenaire de l’abbaye, la confiance qu’exhalent les jeunes époux, la qualité des textes et de la musique, le sentiment de réussite sociale qui se déprend de l’assemblée, tout semble annoncer une cérémonie sans surprise. C’est sans compter sur l’audace du prédicateur. Pour lui, la religion chrétienne est corporelle. Dans l’Eucharistie, on mange le corps du Christ comme dans le mariage les époux « mangent » le corps de leur partenaire.

 La soirée est organisée sous un chapiteau planté dans un village de montagne. La chaleur des retrouvailles et la virtuosité des « metteurs en boîte » peinent à faire oublier le froid mordant qui s’insinue par les ouvertures de la toile.

 Un ami des mariés souligne que d’ordinaire on se marie, puis l’on fait un enfant et on retape la maison. Alexandre et Sabine se sont occupés de la maison, puis de l’enfant et nous offrent maintenant la joie d’une fête.

 On évoque le Japon, l’habitat durable, les anciens présents et disparus, les enfants devenus adultes et les petits enfants que l’on accueille. Ce mariage nous met au cœur d’une saga, celle de la vie que l’on reçoit et que l’on transmet.

Photo « transhumances »

Noce franco-polonaise

Nous avons participé à la fin août en région parisienne au mariage de ma filleule Marie avec Slawomir, son ami de longue date.

 Les jeunes mariés ont placé la barre haute. Un ensemble instrumental de qualité accompagne les chants. Tout est exprimé en français et en polonais, Marie se chargeant souvent de la partie polonaise sans qu’un accent français soit décelable dans son élocution. J’imagine la quantité de travail nécessaire pour atteindre ce niveau.

 Les Polonais, jeunes et vieux, expriment leur religiosité par force agenouillements et génuflexions. Ces postures ne doivent rien au spectacle. Elles expriment une foi profonde.

 Beaucoup de Français présents sont ou ont été de la mouvance des communautés chrétiennes de base. A leurs yeux, cette messe de mariage semble classique, mais sa bi-nationalité la rend attachante.

 Pendant la soirée, j’ai l’opportunité de parler avec Caroline, qui fut la logeuse de Slawek lors de son année à Oxford. C’est une voyageuse intrépide, une femme lucide qui, issue d’un milieu aisé, porte un regard critique sur le cloisonnement des classes sociales en Grande Bretagne et sur la prison invisible que se construisent, dès leur plus jeune âge, les membres de l’élite.

 Une fois achevés le dîner, les discours et les « mises en boîte », Marie et Slawek ouvrirent le bal par une salsa endiablée. Ils ont réussi une célébration de mariage fidèle à leurs personnalités, à leur personnalité de couple.

 Photo « transhumances »

Paul Trevor photographie Liverpool

La Walker Art Gallery de Liverpool présente une exposition de photographies de Paul Trevor intitulée « comme si tu n’étais jamais parti » (like you’ve never been away).

 Paul Trevor, âgé alors de 27 ans, a séjourné six mois à Liverpool en 1975 dans le cadre d’un projet consistant à documenter des quartiers défavorisés de Grande Bretagne et la manière dont les gens réagissaient. Ses photos, prises principalement dans les quartiers d’Everton et de Toxteth, mettent principalement en scène des enfants, chez eux ou dans la rue ou les terrains vagues.

 n 2011, il revient à Liverpool pour comprendre ce que les enfants qu’il avait photographiés sont devenus et, maintenant qu’ils ont la quarantaine, les photographier de nouveau. L’exposition au Walker est un moment de ce projet. Un livre magnifique a été édité, « Paul Trevor, like you’ve never been away », The Bluecoat Press. Ce qui frappe, c’est l’extraordinaire vitalité des enfants, leur capacité à générer de la joie dans un environnement complètement sordide. Les clichés sont esthétiquement beaux, mais constituent aussi un hymne à Liverpool, une métropole énergique ouverte sur le monde.

 Depuis trente-cinq ans, les quartiers ont été rénovés, mais la population en est à sa troisième génération de chômage et le désespoir, presque absent des clichés de 1975, est peut-être plus prégnant. Le projet auquel travaille Paul Trevor sera sans doute révélateur de l’évolution des banlieues entre la misère noire d’autrefois tempérée par l’espoir d’un monde meilleur et un cadre de vie plus décent mais peut-être sans âme.

 Couverture du livre de Paul Trevor : High Heights, Haigh Street, Everton, Liverpool 3, 1975.

Pluie acide

Dans The Guardian du 14 août, Peter Beaumont va à la découverte de personnes vivant dans les quartiers visés par les émeutes en Grande Bretagne. A Tottenham, il a rencontré une jeune fille de 23 ans, Cherelle Glave, qui a écrit ce poème.

« My heart turns tight like fingers grip a brick/ as hate rises like heat, while anger is the flame that tore thru the upstairs blew out sense and set mortar ablaze…/ My hope turns lax./ Today the rain lashes, so fierce, so abrupt./ And like they who came in the night there is no regard, no pre-warning for the heart, as the harder the rain the stronger the hurt in these veins, the more disappointment your chest holds till  even your breath comes out cold./ This is the true meaning of acid rain./ Today the rain did not stop, and left us with no time to ask what have we become? »

Mon cœur se serre come les doigts saisissent une brique

Alors que la haine monte comme la chaleur, tandis que la colère est la flamme qui ravage les soupentes, souffle la raison et éblouit comme un éclat de mortier…

Mon espoir se relâche.

Aujourd’hui la pluie fouette, si violente, si abrupte.

Et comme ceux qui vinrent dans la nuit il n’y a pas de considération, pas d’avertissement pour le cœur et plus fort tombe la pluie, plus elle fait mal dans les veines, plus elle accumule de la déception dans la poitrine jusqu’au point où même l’air qu’on expire sort froid.

C’est le vrai sens de la pluie acide.

Aujourd’hui la pluie ne s’est pas arrêtée, elle nous laissés sans le temps de nous demander que sommes-nous devenus ?

 Photo « transhumances » : graffiti à Liverpool, we are demanding sun, nous réclamons le soleil !