Libérez des prisonniers !

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Dans son numéro du 1er avril 2010, et sous la plume d’Amelia Hill, le président du comité des libérations conditionnelles d’Angleterre et du Pays de Galles, Sir David Latham, s’insurge contre la tendance générale à réclamer des peines plus longues.

La prise de position du « Chair of the Parole Board for England and Wales » fait suite à une violente campagne dans les tabloïds britanniques à la suite du retour en prison de Jon Venables, condamné alors qu’il était mineur pour le meurtre d’un petit garçon. Les journaux demandent des peines plus longues et s’opposent aux libérations conditionnelles.

« Nos taux de libération se sont réduits ces dernières années d’une manière dont on peut penser qu’il s’agit d’une réaction exagérée du public à la perspective de la récidive par des prisonniers libérés. En réalité, le taux de récidive sérieuse par des prisonniers libérés n’est que de 1 à 2 %, un niveau qui est resté stable depuis de nombreuses années. Le risque est que des cas difficiles, comme celui de Venables, finissent par produire de mauvaises lois (…)

La société doit se rendre compte de ce qu’on ne peut créer un monde sans risque. Ce que la société doit définir, c’est le niveau de risque qu’elle est prête à accepter. Je suis préoccupé parce que la société dans laquelle nous vivons devient trop réfractaire au risque (…) La conséquence est que l’on permet que de vraies injustices se produisent. A moins que la société se prépare à prendre une attitude plus sophistiquée à l’égard du risque posé par les prisonniers libérés sur parole, le système pénal continuera à incarcérer des personnes qui ne commettraient plus jamais de crimes si elles étaient libérées, pendant beaucoup plus d’années que leur condamnation par le tribunal. »

Il faut dire que la justice britannique pratique un système de « peines recommandées » qui peuvent être allongées par le juge d’application des peines. Un système dont rêvent beaucoup de conservateurs français ! Le 7 octobre 2009, The Guardian s’est ainsi fait l’écho du cas de Ben Gunn, qui avait tué un ami à l’âge de 14 ans. Ben est en prison depuis 30 ans maintenant, 20 ans de plus que la peine recommandée. Animateur d’un  syndicat de prisonnier qui vient d’obtenir de haute lutte le droit de vote pour les détenus, il est considéré comme asocial par l’administration pénitentiaire qui le maintient sous les verrous. Il tient un blog indirectement : interdit d’accès à Internet, il poste ses chroniques que tes amis chargent sur le Net : http://prisonerben.blogspot.com/.

(Illustration du Guardian : portrait de Ben Gunn par un codétenu)

Verdir son chat

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Dans le numéro du 1er avril du quotidien britannique The Guardian, le journaliste Adam Vaughan annonce la création d’un poisson vert pour les animaux domestiques. Il ne semble pas que ce soit un poisson d’avril.

« Pour les écologistes qui ont tout fait, depuis verdir leur maison jusqu’à décarboner leur voyage, il reste une nouvelle frontière : verdir leur animal familier. Dans le courant de l’année, les 8 millions de propriétaires de chats britanniques pourront leur donner à manger leur poisson favori avec bonne conscience. Dans une initiative annoncée hier, les aliments pour animaux domestiques Whiskas et Sheba vont devenir les premiers à vendre des produits utilisant du poisson certifié par Marine Stewardship Council, un poisson capturé selon les critères du développement durable.

(…) Les propriétaires britanniques d’animaux familiers achètent 1,5 millions de tonnes de nourriture par an. Les auteurs d’un livre récent – Le moment est-il venu de manger le chien ? – disent que l’énergie nécessaire pour nourrir un chat est la même que celle qu’il faut pour construire une VW Golf et la conduire 10.000km par an. »

Les experts se félicitent de ce premier pas, mais recommandent de limiter l’usage de la protéine de poisson, une ressource de plus en plus rare, et de la remplacer par de la volaille et du lapin.

Photo : Séga

L’écologie, c’est chic !

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Le quotidien britannique The Guardian a publié le 30 mars un article de Leo Hickman principalement consacré au penseur écologique James Lovelock. L’article cite aussi une étude qui associe la consommation de biens « verts » avec des comportements élitistes.

« Une étude a trouvé que les consommateurs choisissent des voitures hybrides, du détergent vert et des machines économes en énergie plutôt que des alternatives meilleur marché et plus sales en partie pour améliorer leur statut social. Les chercheurs ont découvert que les consommateurs sont prêts à sacrifier le luxe et la performance au profit de ce que l’on perçoit comme un statut social acquis lorsqu’on achète un produit dont l’impact sur l’environnement est réduit. Bram Van den Bergh, de la Rotterdam School of Management, l’un des auteurs de l’étude, dit « conduire une luxueuse voiture non verte, comme un Hummer, communique la richesse de quelqu’un, mais suggère aussi que l’acheteur est un individu égoïste et irresponsable qui se préoccupe d’abord de son confort au lieu du bien-être de la société. Conduire un hybride, comme une Prius, n’affiche pas seulement la richesse de quelqu’un… mais signale aussi que le propriétaire se soucie des autres et de l’environnement ». Dans une série de trois expériences pour l’étude, publiée dans le Journal of Personality and Social Psychology, les chercheurs ont trouvé que les gens avaient plus tendance à choisir des produits verts quand ils le faisaient en public. »

L’écologie a déjà envahi le terrain de la religion. Voici qu’elle prend possession du territoire de la différentiation des élites et du marketing. C’est décidément devenu une affaire sérieuse !

Photo « transhumances » : Grand Union Canal à Watford.

Pourquoi pleurons-nous les chanteurs disparus ?

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La médiatrice du journal Le Monde, Véronique Maurus, a écrit le 27 mars un article intitulé « Ferrat l’intouchable ». Elle s’interroge sur la raison de l’immense émotion suscitée par la disparition du chanteur.

 Véronique Maurus évoque deux types de réactions. Certains lecteurs déplorent le ton critique de la nécrologie rédigée par Bruno Lesprit. D’autres regrettent la – relative – discrétion du journal sur l’événement.  « Le traitement de cette disparition n’était pourtant pas anormal, s’agissant d’un artiste très populaire mais absent des studios depuis seize ans. En consacrant à Jean Ferrat une pleine page, dans une édition particulièrement dense, un lendemain d’élections, Le Monde a fait autant qu’après la mort de Claude Nougaro, en 2004, ou d’Eric Rohmer, en janvier, et plus que pour Georges Wilson, en février. (…)

Le Monde n’a donc, selon ses critères habituels, ni « sous-traité » ni « mal traité » le décès de Jean Ferrat. Pourquoi, dès lors, ce reproche global, diffus et pour le moins inhabituel d’être resté trop distancé, trop froid ? Comme si la mort, gommant d’un coup tous les accrocs d’une vie ou d’une œuvre, ne souffrait que le dithyrambe.

Les critères habituels, en l’occurrence, n’étaient peut-être pas suffisants, tant l’émotion provoquée par cette disparition dépasse la norme et la dimension d’un chanteur, même engagé. Jean Ferrat, à l’évidence, incarnait autre chose, la nostalgie d’une époque parée, dans l’imaginaire collectif, des vertus d’un âge d’or. On s’en aperçoit après coup. L’aurait-on anticipé, fallait-il pour autant entonner le chœur général des louanges en oubliant toute réserve ? Et, dans ce cas, les reproches – inverses – n’auraient-ils pas été tout aussi nombreux ? »

Pourquoi le décès de Jean Ferrat nous a-t-il davantage touché que celui de Georges Wilson ? C’est probablement parce que le théâtre nous impressionne à un moment donné, alors que les chansons nous accompagnent tout au long de notre vie, au plus profond de la mémoire : « comme au passant qui passe on reprend la chanson », chantait-il. Les belles chansons nous collent à la peau, font partie de notre identité.

Les chanteurs définissent plus que tout autre critère l’identité nationale. Les Beatles ou Bob Dylan ont une renommée mondiale. Mais la plupart des chanteurs ne sont connus que dans leur pays. Pas un mot de la disparition de Jean Ferrat dans The Guardian (Grande Bretagne). Pas un mot dans La Repubblica (Italie). Seul El País lui a consacré un bel article, signe d’une proximité culturelle entre la France et l’Espagne probablement scellée par la résistance au franquisme. Le chanteur nous touche parce que ses chansons définissent précisément qui nous sommes en tant que peuple, parmi d’autres peuples.

Je profite de cette chronique pour faire la promotion du chanteur wallon Julos Beaucarne, dont les chansons contribuent à me définir depuis trente cinq ans.

Photo : enterrement de Jean Ferrat à Antraigues sur Volane, Ardèche, le 16 mars 2010